Publié le 21 Oct 2021 - 22:17
DÉPÔT DE CAUTION POUR LES CANDIDATS SOCIALISTES, MENACES SUR L'UNITÉ DE BENNO BOKK YAAKAAR

Les ‘’alliés’’ et la tentation de la révolte contre l’ogre ‘’apériste’’  

 

Les responsables du Parti socialiste envisagent de déposer une caution pour leurs propres candidats qui n’auraient pas été investies par la coalition Benno Bokk Yaakar. Cette initiative ‘’cavalière’’ risque de faire imploser la coalition présidentielle, avec la multiplication des listes dissidentes et parallèles au sein de Benno. Ainsi, les autres alliés traditionnels (AFP, LD) mais aussi les nouveaux alliés comme Rewmi, UCS, Osez l’avenir, risquent d’avancer leurs pions dans les prochaines semaines et de surenchérir lors des investitures pour les Locales, afin d’assurer leur survie politique sur l’échiquier politique sénégalais.

 

Messieurs les verts, tirez les premiers ! Le ‘’coup de Trafalgar’’ du Parti socialiste qui, à l'issue des rencontres avec le Secrétariat exécutif national du parti, envisage de déposer une caution au nom du Parti socialiste, afin de permettre aux camarades socialistes qui ne s’entendent pas avec les responsables de la coalition présidentielle dans une localité bien précise d’aller à la conquête du suffrage des Sénégalais. Cette requête faite par les plus hautes instances du parti, doit être au cœur des prochaines discussions entre la présidente du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et le président Macky Sall, Chef de la coalition Benno Bokk Yaakaar, qui doit se tenir prochainement pour aborder cette question.  

‘’La ligne du PS a toujours affirmé son ancrage dans Benno. L’élection des collectivités territoriales sont des élections complexes et il s’agit, pour les leaders des partis, de prendre en compte les aspirations de la base’’, déclare le premier magistrat de la ville de Kaffrine qui s’empresse de rappeler la volonté des verts de défendre le dernier carré de responsables locaux implantés dans leurs derniers bastions. ‘’S’il advenait que pour des raisons injustifiées, on veut prendre à un maire socialiste ce qu’il a conquis de haute lutte, les bases ont demandé à ne pas rompre la coalition, mais à privilégier le dépôt d’une caution. Je rappelle qu’en 2014, même si des candidats socialistes sont allés au scrutin sous les couleurs du parti, cela ne l'a pas empêché de rester dans Benno’’, s’exclame Abdoulaye Willane.

Hier, la secrétaire générale du Parti socialiste, Aminata Mbengue Ndiaye, a indiqué la position de la formation politique, à travers une lettre-circulaire adressée aux secrétaires généraux de coordination, membres du Bureau politique et militants et responsables de base. ‘’Notre parti a librement décidé de participer aux prochaines élections territoriales du 23 janvier 2022, dans le cadre de la coalition Benno Bokk Yaakaar, conformément à notre qualité de membre de cette coalition depuis 2012 et de la volonté réaffirmée par les camarades, lors des rencontres tenues avec les unions régionales’’. Ainsi, pour des raisons de ‘’cohérence et de responsabilité’’, ‘’il nous appartient, poursuit-elle, de l’assumer pleinement et solidairement, avec l'ensemble de nos partenaires de la coalition. Il s'agit, dès à présent, au terme de la révision exceptionnelle des listes électorales et de la publication desdites listes, d'engager la deuxième étape du processus électoral, par l'investiture des candidats du parti, de la candidature de la coalition Benno Bokk Yaakaar ; candidatures devant être, au préalable, validées et portées par les instances régulières compétentes du parti’’.

Ainsi, dans les collectivités territoriales, Aminata Mbengue Ndiaye engage ses camarades à ‘’initier ou accepter des concertations au sein du parti et avec les partenaires de la coalition, en vue d'élaborer des listes communes, consensuelles et gagnantes’’. Pour y parvenir, elle demande aux uns et aux autres ‘’de privilégier les intérêts du parti et de la coalition sur les ambitions personnelles et partisanes. Atteindre un tel objectif, poursuit la présidente du HCCT, suppose également un esprit de dépassement individuel et collectif, d'ouverture, de solidarité et de générosité ; toutes choses qui nous ont déjà valu de brillantes victoires depuis 2012’’.

De ce fait, selon les observateurs, ce coup de pression des socialistes vise surtout à se prémunir de la boulimie des ‘’marrons’’ accusés de vouloir truster tous les postes de maire.

L'appétit gargantuesque de l’APR dénoncé par les partis alliés

Cette initiative va-t-elle mettre fin à l’unité de Benno ? La question mérite d’être posée, au regard des nombreuses lignes de fracture qui traversent la coalition présidentielle. Des partis alliés traditionnels comme l’Alliance des forces de progrès (AFP), la LD et AJ/PADS, entre autres, ont toujours dénoncé l’appétit gargantuesque des républicains dans les nominations dans les hautes fonctions publiques et dans les investitures de la coalition.

En outre, le positionnement des nouveaux arrivés comme Rewmi d'Idrissa Seck, le Parti libéral démocrate/Suxali Sénégal (PLD/SA) d’Oumar Sarr et l’Union des centristes du Sénégal (UCS) pose question. Vont-ils intégrer Benno où seront-ils membres d’une grande majorité élargie ?

Pour beaucoup d’observateurs, cette situation pousse les leaders alliés à mettre en place des stratégies susceptibles de leur garantir la préservation de leur base locale et leur réseau d’élus locaux. Ainsi, les localités de Dagana (Oumar Sarr), Ziguinchor (Abdoulaye Baldé), Podor (Aissata Tall Sall), Thiès (Idrissa Seck), Kaffrine (Abdoulaye Willane), Golf Sud (Aida Sow Diawara), Nguéniène (Maguèye Ndao) pour le PS, Notto Diobasse (Alioune Sarr) pour l’AFP restent toujours sous la menace de la déferlante “marron-beige”. 

La volonté d’assurer leur survie politique et la perspective de l’élection présidentielle de 2024 pourraient pousser les partis alliés de BBY à la surenchère, dans les futures négociations et arbitrages pour les investitures au sein de la mouvance présidentielle.

BBY face au dilemme de la préservation des intérêts des alliés

En outre, cette consolidation de ces fiefs locaux reste l’unique moyen pour sauver ‘’les derniers joyaux de la couronne’’ de ces partis qui souffrent du manque de projet politique et d’absence de perspectives politiques pour les jeunes cadres. Ce travail sera difficile à réaliser, en raison des incertitudes liées à une possible candidature ou non du maître du temps (NDLR : Macky Sall) qui poussent un certain nombre de responsables ‘’apéristes’’, occupant des postes dans la haute Administration, à profiter de leur puissance financière afin de se tailler un bastion local au détriment des alliés au sein de BBY.

Du côté de l’Alliance pour la République, on refuse de se prononcer sur cette question. ‘’Je n’ai aucun commentaire à faire sur cette question. Je ne commente pas les affaires des autres partis’’, lance Abdou Mbow, porte-parole adjoint de l’APR, au bout du fil.

Néanmoins, cette attitude cavalière des héritiers de “Père Léopold’’ pourrait pousser Macky Sall à revoir ses plans et inciter ses ‘’lieutenants’’ a lâché du lest sur certaines de leurs proies en terres alliées.  Dans le but d’éviter toute implosion de la mouvance présidentielle, le chef de l’Etat, Macky Sall, pourrait mettre un glacis sur les investitures dans certaines zones, en accordant une prime aux sortants.  Un moyen pour lui de préserver les intérêts de ses alliés et d’éviter des batailles fratricides au sein de l’APR dont certaines voix s’élèvent contre son autorité en vue des arbitrages concernant les investitures.

Cette situation risque d’accélérer le processus de désignation des candidats de Benno, à travers la Conférence des leaders de BBY. Une manière aussi pour Macky Sall d’étouffer une volonté d’émancipation de la quarantaine de partis et de coalitions qui composent Benno.

Floraison de listes dissidentes au sein de la majorité présidentielle, nécessité d’une accélération du processus des investitures

 Ainsi, une floraison de listes dissidentes au sein de la majorité présidentielle risque ainsi d’exacerber les tensions au sein de BBY. Adama Faye, le beau-frère du président Macky Sall, a officiellement lancé sa coalition Défar Sa Gokh, en vue des prochaines élections locales et départementales. Un acte de défiance envers le chef de BBY, mais aussi un rejet de ladite coalition qu’Adama Faye semble considérer comme étant ‘’antidémocratique’’.  Et Malick Fall, membre de la coalition Benno Bokk Yaakaar et maire de Diourbel, de lui emboiter le pas. Il s’est déjà prononcé comme candidat à sa propre succession, lors des Locales, sans même attendre l’arbitrage du président Macky Sall.

Ainsi, il envisage d’y aller seul ou en coalition avec d'autres partis politiques ou mouvements contre Benno qui semble accorder ses faveurs au ministre de l’Emploi et de l’Enseignement professionnel Dame Diop.  ‘’Si tout le monde faisait comme le Parti socialiste, ça risque de faire imploser la majorité présidentielle. Cette situation constitue une menace à la cohésion de la majorité présidentielle’’, déclare d’entrée de son côté Mamadou Dione, Coordonnateur des cadres de l’UCS, à la question de savoir si cette sortie ne va pas accélérer le processus de désignation des investitures. ‘’Concernant le processus des investitures, je pense que le président va bientôt faire une sortie pour tirer les choses      au clair’’, nous souffle-t-il au bout du fil. 

Pour sa part, Ass Babacar Guèye, Secrétaire national de Rewmi chargé des élections, a indiqué, dans les colonnes d’’’EnQuête’’, l’ancrage de sa formation politique au sein de BBY. ‘’Nous sommes à l’écoute des négociations entre les différentes parties prenantes de la coalition. Nous sommes en phase avec le président et nous sommes sûrs de trouver des convergences pour renforcer la majorité présidentielle’’, a indiqué le responsable politique de Rewmi.

D’après Momar Thiam, conseiller en communication et Directeur des Hautes études en information et communication (HEIC), cette volonté de déposer des candidatures multiples risquent de désorienter les électeurs de la mouvance présidentielle avec le risque d’implosion de BBY. ‘’Je pense, quel que soit le scénario mis en place par Benno, que le Parti socialiste, comme une bonne partie de l’AFP, vont avoir leurs candidats et ça appartiendra au jeu politique de les départager. Si le pari se révèle gagnant, les socialistes pourront réaffirmer leur place de leader au sein de BBY. Si les candidats PS font perdre le candidat désigné par Benno ou qu’ils gagnent leur localité, ça va forcément entraîner des questionnements sur l’avenir de Benno Bokk Yaakaar. De ce fait, le maintien du PS au sein de la coalition va forcément se poser’’, dit-il.

MAKHFOUSE NGOM

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