Publié le 12 Dec 2018 - 17:36
DEDICADE LIVRE MACKY SALL ‘‘LE SENEGAL AU CŒUR’’

La critique ménage le ‘‘Sénégal au cœur’’

 

Pour l’un de rares face-à-face avec la presse sénégalaise, le chef de l’Etat et auteur est allé plus en avant dans la conception, la rédaction et la publication de ‘‘Le Sénégal au cœur’’, hier.

 

Un ‘‘Joyeux anniversaire’’ entonné en chœur et l’auteur de ‘‘Le Sénégal au cœur’’ d’entrer dans la salle archicomble. Un ‘‘heureux hasard’’ auquel ne croit pas le modérateur Madiambal Diagne qui siffle une minute de silence pour Sidy Lamine Niasse avant d’engager aussitôt les hostilités. Après les observations du professeur Ousmane Sène du Centre de recherches ouest-africain (Warc) sur ce qu’aurait pu être le titre de ce livre (‘‘Moi, Niangal Sall’’, l’avant-dernier chapitre, eût été meilleur, selon lui), Macky Sall a tenu à disséquer les points encore noueux de son livre. ‘’Tout ce Niangal (attitude peu débonnaire) dont on a parlé, c’est peut-être un masque, mais dans ma relation de tous les jours, je ne le suis pas. Mais ça dépend, parfois il le faut un peu. Il y a des gens, quand tu n’es pas dans le registre Niangal, ils ne comprennent pas’’, a dû concéder le chef de l’Etat sur ce surnom que lui a attribué la presse locale en 2003, qui l’a trouvé particulièrement renfrogné et réservé en tant que ministre de l’Energie, des Mines et de l’Hydraulique.

Même si lui et les intervenants ont estimé que la publication de ce livre n’entre pas dans une stratégie communicationnelle de storytelling, le président avance qu’il voulait réduire les distances entre lui et son peuple. ‘‘Je me suis rendu compte que je n’étais pas assez connu. Peut-être pas assez connu dans ce qui fonde le sens de  mon action politique, y compris parmi mes partisans même. J’ai estimé que le moment était venu que je parle de moi-même’’, éclaire Macky Sall. Pour ce dernier, écrire ce livre n’a pas été facile et a expliqué ces quelques impairs qu’avait relevés déjà ‘’EnQuête’’.

 ‘‘On aurait pu mieux relier les textes’’, a concédé le président Sall qui a avoué qu’entre ses charges au palais et les tâches fastidieuses d’enregistrement, de transcription et de correction, produire cet ouvrage n’était pas de tout repos, quoique nécessaire. ‘‘L’essentiel était d’apporter des réponses sur ma personne. Je considère que quand on dirige un pays, les citoyens doivent savoir qui ils ont comme dirigeant’’, explique-t-il. Fidèle à la trame du livre, le président a longuement disserté, sans y faire référence clairement, sur ce qui est l’un des points les plus sensibles de l’œuvre. Il dit : ‘’On a voulu me présenter pour ce que je ne suis pas (...) Lorsque, par cupidité politique, certains veulent inventer une nouvelle histoire, je dis mettons la vraie histoire. Même la condition modeste, c’était sur le plan financier, mais la vraie valeur chez l’homme, ce n’est point l’argent, mais dans l’être et dans la manière d’être. Je suis issu d’une lignée de guerriers qui préfèrent mourir que de vivre le déshonneur. Les gens préfèrent rester à Dakar ou à Fatick. Allez au Fouta pour voir ! Il fallait donc remettre le tout, à titre informatif. Il est bon que ceux qui savent puissent témoigner, écrire. C’est important’’.

Macky à la presse : ‘‘Décrocher des interviews, c’est votre job’’

Les produits droits d’auteur de ce livre seront versés à l’école Aminata Mbaye pour déficients mentaux.  Son tropisme pour la presse occidentale a également été abordé. Deux questions, sur son choix de faire publier cet ouvrage au Cherche-Midi (France) et ses rares sorties dans la presse locale, ont été posées par les confrères. Des interrogations auxquelles le président a répondu en renvoyant les journalistes à être moins chauvins. ‘‘Pour ce livre, nous visons un rayonnement international, nous ne travaillons pas que pour le Sénégal. C’est légalement l’Afrique et le monde. Quand un président de la République parle, il s’adresse à tout le monde. Mais peut-être que la prochaine fois, on pensera à un éditeur local’’, a-t-il avancé avant d’embrayer sur les médias locaux. ‘‘Il n’y a pas de presse nationale ou internationale qui tienne. Il n’y a que des limites qu’on se met. Ne dites pas que je ne parle pas avec la presse, c’est faux. J’ai récemment fait une interview avec ‘L’Obs’ par téléphone. Pour la table de la presse à laquelle on m’avait invité, cela n’a pas été réédité. Maintenant, c’est à vous journalistes de travailler à décrocher une interview. C’est votre job. On ne va pas tout vous offrir sur un plateau’’.

Valeurs

Le professeur Ousmane Sène, qui a noté une éthique behavioriste du président fondée sur la mesure, a ouvert la voie à ce dernier pour parler de valeurs. En direction de la présidentielle, il a appelé ses partisans à plus de modestie. ‘‘Evitez l’arrogance, ce comportement qui a perdu tant de pouvoirs. Il faut avoir comme motivation principale le culte du résultat. Il y a cette tendance naturelle vers le pouvoir jouissif. On met l’accent sur le faste, les manifestations externes. Cette conception s’oppose à celle sacerdotale du pouvoir. Le pouvoir donne des avantages certes, sinon personne ne se battrait. Mais la finalité, c’est quoi ? On profite de cette situation pour quel but, finalement ? D’améliorer les conditions de vie des populations. Pourquoi vouloir les écraser quand elles nous investissent de leur pouvoir, de leur confiance... Il faudra combattre ça, ce n’est pas facile’’, croit savoir Macky Sall.

 Le chef de l’Etat estime que les dirigeants sont les premiers qui doivent donner l’exemple par la pédagogie et explique qu’il a refusé une voiture 4X4 en guise de cadeau, pour ne pas véhiculer l’idée d’un chef qui vit au-dessus de ses moyens. Macky Sall appelle également à développer une éthique du travail et du mérite pour renverser ce rapport au pouvoir perçu en grande majorité comme jouissif. ‘‘Pour des progrès dans l’émergence, il va falloir plus travailler que de compter sur sa proximité avec le chef. Il va falloir réformer notre Administration et réformer notre environnement’’.

Polémiques

Le plus célèbre détournement qui a été fait de cet ouvrage n’a pas manqué d’égayer la salle. Macky Sall, sommé de s’expliquer de ce qu’il est finalement advenu du serment de ‘‘la bande des quatre’’ à ne pas ‘‘draguer’’ Sandrine, s’est expliqué sans entrer dans plus de détails. ‘‘Il n’y a rien à voir en profondeur. C’est un sujet de surface. Il faut le traiter comme tel. Comme je l’ai dit, on était une bande d’étudiants venus du fin fond de nos villages en face d’une fille qui venait de Lyon. Donc, on a fait un pacte que même Souleymane Ndéné a respecté’’, a-t-il avancé avant de revenir à des passages plus sérieux de son ouvrage. Invité à s’expliquer sur ses propos envers Idrissa Seck, Macky dira qu’il ne l’a ‘‘pas conçu pour être un lieu de polémique’’. Tout juste a-t-il consenti à dire que tout ce qui a été écrit entre dans le cadre de faits avérés  et qu’il ‘‘n’a pas attaqué Idrissa Seck’’.

OUSMANE LAYE DIOP

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