Publié le 1 Dec 2021 - 22:35
DJING, PROGRAMMATION MUSICALE DANS LES RADIOS SÉNÉGALAISES

Le retour nécessaire vers la formation

 

Quand le laisser-aller prend le dessus sur la régulation, il en résulte généralement rien de bon. Dans l’animation et la programmation musicale radiophonique, une situation similaire s’est installée. En essayant de redresser la barre, DJ Coco Jean et ses étudiants diagnostiquent le secteur tout en proposant des pistes de solution.  

 

En 15 secondes, Coco Jean lance le titre ‘’Dont Matter’’ d’Akon. Il prononce une explication sur le nouveau single de l’artiste sénégalo-américain, sur fond de l’instrumental. Dès que le premier couplé débute, le DJ s’arrête de parler, comme pour laisser le chanteur prendre le relais. Nous ne sommes pas un studio de radio. Mais en pleine séance d’explication de ce qu’est un ‘’Intro DJ’’. L’un des plus grands DJ de la radio au Sénégal intervenait devant des journalistes, dans le cadre du salon ‘’Ndadjé’’ initié par la Goethe Institut au profit des médias. Cette sixième édition portait sur ‘’La programmation musicale dans le format radiophonique’’. Un moment de formation et d’échanges sur la réalité des passages musicaux sur la bande FM et sur les comportements à adopter et à bannir.

L’homme n’est plus à présenter dans le paysage médiatique, culturel et radiophonique sénégalais. Des Etats-Unis, où il a fait ses premières émissions sur les ondes, au Sénégal, en passant par le Burkina Faso, Coco Jean s’est forgé une solide expérience dans l’animation. Mais son nom rimera toujours avec la radio Nostalgie où l’émission ‘’Jukebox international’’ qu’il y présentait est devenue un classique. Malgré le rachat et le changement de ligne éditoriale de la radio, dans la mémoire collective des fans, il a écrit son nom en lettres d’or.

 

‘’Nous avions un comité d’écoute qui déterminait les musiques que nous diffusions ou pas’’

Lui-même le reconnaît ! ‘’Je me suis toujours battu pour organiser la programmation musicale dans les radios sénégalaises, partout où je suis passé. Là où on l’a réussi le mieux, c’est certainement à la radio Nostalgie’’. Ce succès s’explique à travers un modus operandi bien établi. ‘’Nous avions un comité d’écoute à Nostalgie qui déterminait les musiques que nous diffusions ou pas’’ révèle-t-il. Et cela s’appliquait à chaque fois qu’un artiste apportait un nouveau sigle.

Conscient des attentes des auditeurs de la 90.3, la radio ‘’programmait toujours une chanson gold (une chanson qui a fait un succès classique), un hit (une chanson actuelle qui marche), un autre gold, un récurrent (un ancien hit bien apprécié) et un brûlant (quelque chose qui vient de sortir et qui marche grave)’’. Et cela se répétait toutes les 15 minutes.

En préparant ‘’Jukebox International’’, et en fonction des titres qu’il nous mettait, le DJ savait sur quel son il y avait assez d’instrumental pour intervenir dessus. ‘’Comme ça, on ne parlait jamais quand l’artiste est en train de chanter’’. Cela, pour regretter une méthode qui manque dans la programmation actuelle de la plupart des radios.

Cet effort de rationalisation, d’imposition d’une qualité à l’antenne, a disparu dans beaucoup de radios. Pour rester dans sa logique et transmettre son expérience, devoir de qualité, Coco Jean propose ‘’une formation radiophonique certifiante'' aux DJ qui souhaitent se professionnaliser et ne pas verser dans l’autoformation.

‘’Avoir une belle voix ne suffit pas’’

C’est le cas d’Amina Fall. Un choix dont la DJ se réjouit aujourd’hui encore dans la pratique de son métier. ‘’Avoir une belle voix ne suffit pas. Lorsque j’ai décidé de me former, j’ai compris qu'être animateur demandait beaucoup d’efforts et de pratique. Il y a énormément de choses à comprendre, en fait’’ explique-t-elle. Quel meilleur moyen plus apte d’y arriver que de s'allier aux meilleures ? Amina a choisi pour cela DJ Coco Jean. Une référence dans le Djing dont la jeune animatrice s’inspire beaucoup. Après avoir travaillé dans le showbiz comme manager, chargée de production, assistante à la régie, etc., Amina a développé une belle expérience dans l’univers de la musique. Ce qui aide forcément dans le travail d’animatrice à la radio. Les deux univers vont de pair. Pour elle, il suffisait de rajouter les techniques et le professionnalisme à sa présence vocale pour adapter l’animation à sa vie.

Une autre qui espère suivre les pas de Coco Jean en s’inscrivant à sa formation, est Fatoumata Diagne, DJ Chanel. Passionnée des cultures urbaines, elle s’est rapprochée d’un des précurseurs dans ce domaine. Le gain est aujourd’hui palpable. Ayant réalisé son rêve de travailler dans une radio urbaine de la place, la jeune femme a saisi une belle occasion de se ‘’professionnaliser, d’éviter le mimétisme de la médiocrité et surtout de faire de la recherche’’ dans la pratique du Djing.

L’animation n’a rien d’une improvisation

Cette expérience lui a permis de réaliser que ‘’l’animation en général et particulièrement radiophonique n’a rien d’improviste. Une émission bien faite est préparée à l’avance, l’invité documenté. Il n’y a pas une grande différence entre l’animation et le journalisme, si ce n’est que l’animation est plus fun et s’accompagne de musique. Nous donnons des informations à travers nos émissions. Et celles-ci doivent être vérifiées et crédibles. On peut avoir des invités, faire des interviews, faire de chroniques. Tout cela en mode fun. L’idée est de joindre l’utile à l’agréable’’.

Malheureusement, dans beaucoup de radios au Sénégal, on se laisse trop aller dans le fun. Jusqu’à dépasser les bornes. Ce que déplore DJ Amina pour qui ‘’les gens n'écoutent plus trop la radio, car il y a beaucoup d’amateurisme sur les ondes. Il y a plus tchat que d’animation. On a l’impression qu’il y a la même programmation sur toutes les radios et qu’on aura beau zapper, on aura toujours la même émission. Jusqu’à présent, lorsqu’on évoque l’émission ‘’Jukebox international’’, tous les esprits conversent vers DJ Coco Jean’’.

Comme pour dire qu’il devrait en être de même pour chaque animateur et son émission.

Comment améliorer alors la programmation musicale dans l’offre radiophonique ? Pour Coco Jean, l’offre musicale d’aujourd’hui est l’otage d’animateurs à qui on a laissé carte blanche dans beaucoup de radios. Une tournure toute logique puisque ‘’lorsqu’on laisse un animateur diffuser ce qu’il veut dans votre radio, cela devient sa propriété’’. Pour y remédier, DJ Amina estime qu’il va falloir ‘’que les directeurs de radio mettent les gens qu’il faut aux places qui siéent. Si les mélomanes n’écoutent plus de musique en raison du contenu, c’est qu’il faut apporter de nouvelles idées. Il faut savoir imposer au public une playlist qui fait dans la diversité. Il y a matière avec des artistes qui s’adonnent à d’autres genres musicaux que le mbalakh''.  

‘’Laisser un animateur diffuser ce qu’il veut, c’est lui laisser la propriété de la radio’’  

Cela permettra, comme le pense DJ Chanel, aux talents ‘’qui proposent des innovations intéressantes de plus passer à l’antenne pour se faire connaître''. Avant d’ajouter une autre proposition : ‘’Dans chaque radio, une personne expérimentée devrait être assignée à la programmation pour la diversification des offres musicales. Elle n’a même pas besoin de forcément évoluer dans la musique. Quelqu’un qui maîtrise le paysage radiophonique, les tendances musicales nationales et internationales.’’

El Hadj Mamadou Bocoum, DJ Bocoum, travaille à Renndo FM (Mbour). Ce grand fan de la radio qui, enfant, s’enfermait dans sa chambre, copiait les textes des journalistes pour s’en inspirer et s’exercer, s’est beaucoup amélioré grâce aux cours radiophoniques proposés par Coco Jean. Évoluant dans l’événementiel, cela lui a permis de développer sa présence scénique. Plein de projets en tête dans le showbiz, il estime que ‘’si on avait 10 animateurs comme Coco Jean, la musique sénégalaise aurait dépassé le stade sur lequel elle se trouve’’.

Pendant ce temps, Coco Jean continue sa ‘’mission’’ dans les quatre radios live qu’il a lancées sur Internet. Une manière de déjà faire du futur un présent.

Lamine Diouf  

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