La plaidoirie de l’AJS

Une nouvelle étude révèle un écart critique entre la volonté politique du Sénégal et la réalité vécue par les femmes. Ce rapport, fruit d’une collaboration entre Avocats Sans Frontières Canada (ASF Canada) et l’Association des Juristes Sénégalaises (AJS), souligne que les traditions annulent l’efficacité du cadre juridique, notamment en matière d’accès à la terre, au financement et au travail décent.
Un énième appel est lancé pour des réformes qui s’attaquent aux obstacles sociaux afin de garantir l’égalité. Publiée ce jeudi, l’« Étude sur les barrières juridiques et sociales à l’autonomisation économique des femmes au Sénégal » dresse un constat sans appel : les avancées normatives de l’État sénégalais ne suffisent pas à démanteler les inégalités profondément enracinées. Le conseiller juridique chez ASF Canada, Arnaud Cloutier, a insisté sur l’importance de cette analyse, menée dans le cadre du projet PAFEJ et financée par Affaires Mondiales Canada : « L’Étude vise à analyser l’effectivité des mesures prises par l’État sénégalais et les obstacles à la jouissance effective des droits socio-économiques des femmes ».
Le rapport identifie quatre domaines clés où les femmes sont particulièrement entravées : « l’éducation, les services financiers, le travail décent et l’accès à la terre ». Ces blocages, explique M. Cloutier, « freinent leur épanouissement et limitent leur contribution au développement social et économique du pays ».
Pour les femmes entrepreneures et travailleuses, l’accès aux ressources est miné par des facteurs socioculturels. En matière d’accès aux services financiers, l’Étude observe que même si des mécanismes sont en place pour favoriser l’entrepreneuriat féminin, ils restent largement inopérants pour la majorité. « Plusieurs formes de discriminations, directes et indirectes, le manque d’information financière ainsi que des normes sociales profondément ancrées continuent d’exclure une majorité de femmes de l’accès au financement et aux services bancaires », souligne la chargée de projet de l’Association des Juristes Sénégalaises (AJS), Ndeye Fatou Sané.
Concernant le travail décent, où les femmes sont majoritaires dans le secteur informel, l’obstacle est souvent lié à des responsabilités domestiques et au manque de formation adaptée. « Les femmes rencontrent d’importants obstacles : persistance des normes patriarcales, poids des responsabilités domestiques, difficultés d’accès à la formalisation de l’emploi et inadéquation des politiques publiques aux réalités du secteur informel ».
Un accès à la terre difficile
Le constat le plus frappant concerne le droit foncier, « levier fondamental d’autonomisation économique ». Les coutumes font souvent plus que résister aux lois sur la question foncière. « Les contradictions entre le droit positif et les pratiques coutumières, souvent discriminatoires, privent encore les femmes d’un accès équitable à la propriété foncière. Le poids des traditions et la faible représentation des femmes dans les instances de gestion foncière aggravent cette exclusion ».
L’étude lance donc un appel fort aux décideurs : « Celle-ci appelle à des réformes cohérentes et ambitieuses, afin d’assurer la mise en œuvre effective des engagements internationaux et des garanties constitutionnelles en matière de non-discrimination », renseigne ce membre de l’AJS.
Mamadou Diop