Une résiliente face au chaos institutionnel et social

Djembéré, Celle qui change tout est un roman dans lequel Sadio Doucouré explore les enjeux de l'entrepreneuriat, de la politique et des luttes personnelles dans un contexte africain marqué par des coups d’État. Ainsi, inspiré du réel, il évoque l’histoire d’une femme du nom de Djembéré Mangaré. Injustice, rivalités familiales, corruption sont autant de défis à affronter par cette femme résiliente qui se bat aussi pour la réconciliation.
Djembéré, Celle qui change tout est un roman de Sadio Doucouré, journaliste et présentateur sénégalais à la rédaction de RFI à Dakar depuis 2019. Ce livre, qui traite des défis actuels de l’Afrique, est une fusion entre la fiction romanesque et la nouvelle. Habitué à traiter des faits réels, l’auteur aborde des thèmes tels que les coups d'État, l'émigration irrégulière, les conflits familiaux, l'autoritarisme colonial, etc. La touche fictionnelle permet d’éviter d’identifier un pays donné afin que tout le monde puisse s’y reconnaître.
« J’ai commencé à écrire en 2020. J’étais présentateur des éditions de 7h et de 8h de RFI en langue mandingue ici à Dakar. À cette époque, il y a eu pas mal de coups d'État dans nos pays, en Afrique de l’Ouest (Mali, Burkina Faso, Guinée). J'ai vu qu'à travers ces soulèvements, seuls les hommes étaient mis en avant. Ça ne réglait rien », a expliqué Sadio Doucouré, rencontré lors de la célébration de la Journée internationale de la langue soninké. Il s’est d’ailleurs inspiré de la communauté soninké pour bien élaborer son personnage principal, une héroïne. Chez les Soninké, la deuxième fille d’une famille est appelée Djembéré. Ce nom symbolise une fille courageuse, prête à affronter tous les combats sans bafouer ses valeurs.
« Les militaires se sont accrochés au pouvoir dans tous ces coups d'État. Dans mon roman, je me suis dit que, dans un pays imaginaire d'Afrique de l'Ouest, il y aurait des militaires qui feraient un coup d'État à la fin. Mais ils feront appel à Djembéré, de par son courage et son combat pour la justice, afin qu'elle puisse diriger la transition avant de nouvelles élections », a expliqué Sadio Doucouré.
Un récit factuel
L'héroïne se confronte à un certain nombre d'obstacles. Obligée de s’exiler, elle signe son retour après vingt-cinq ans d'absence. Elle envisage alors de lancer son entreprise mais constate un conflit d’abord dans sa famille. Cela a été le premier obstacle à gérer, car un de ses frères et un demi-frère avaient divisé la famille. Sur ce point, qui concerne l'entrepreneuriat, l’auteur s’est inspiré d’un fait réel. « Je me suis une fois lancé dans l'entrepreneuriat ici au Sénégal. Je le fais toujours d'ailleurs. Je me suis rendu compte, dans l'expérience, que c'est souvent difficile d'entreprendre ici à cause des lenteurs administratives et de tout ce qui va avec. Du coup, j'ai essayé d'aborder tous ces thèmes dans le livre à travers le parcours du personnage Djembéré », a indiqué Sadio Doucouré.
Dans sa volonté de mettre en place son entreprise, Djembéré Mangaré a dû faire face aux lenteurs administratives, à la corruption, aux chantages et à tout ce qui va avec. Éprouvée, elle a remis à plus tard sa volonté de créer l'entreprise. Durant son exil au village aussi, elle s’est confrontée à d'autres problèmes. En effet, alors que le maire vendait les terres des femmes, elle s’y est opposée. De plus, elle s’est opposée au président de la République, qui était au pouvoir depuis quarante-deux ans. Ce dernier voulait que la jeune femme le rejoigne dans son combat pour un septième mandat, une demande qu’elle a catégoriquement refusée. C’est d’ailleurs la scène qui a le plus plu à l’auteur.
Djembéré au Président :
« Excellence, je respecte beaucoup le fait que vous m'ayez convoquée dans vos locaux et que vous souhaitiez que je vous rejoigne, mais je suis désolée de vous dire que je ne peux pas avancer avec un système tel que je l’ai trouvé ici en arrivant. Je veux le changement. Je suis désolée de vous dire que je ne peux pas vous rejoindre… »
La place des militaires, ce n’est pas dans les palais
L’autre scène qui a le plus marqué l’auteur est celle où le colonel, auteur du coup d'État, prend son téléphone la nuit des faits pour appeler Djembéré et l’informer que le président Massamba a été renversé, et de leur souhait qu’elle assure la transition. « C’est une scène qui m'a beaucoup marqué, parce qu'aujourd'hui, en Afrique de l'Ouest, dans les pays où il y a eu des coups d'État, les militaires se sont accrochés au pouvoir. Pour moi, la réaction du colonel est une manière de montrer que la place de ces hommes n'est pas dans les palais, ni dans les ministères, ni dans le gouvernement, mais dans les casernes pour assurer la sécurité des populations », a soutenu Sadio Doucouré.
Il poursuit : « Quand il y a urgence pour diriger le pays, les militaires, en toute responsabilité, doivent faire appel à un civil qui a les compétences et les ressources nécessaires pour le faire et mettre en place une transition. »
L’héroïne a ainsi réussi, d'une manière ou d'une autre, à surmonter les obstacles, ce qui montre toute la force de notre héroïne dans ce roman.
BABACAR SY SEYE