Publié le 6 Mar 2018 - 22:05
DROGUE - DR HUBERT TRAORE SUR LA REDUCTION DES RISQUES

‘’Nous luttons pour que la loi soit plus flexible avec les consommateurs, pas pour les dealers’’

 

La réduction des risques (Rdr) est une approche qui se concentre sur les conséquences sanitaires et socio-économiques chez les consommateurs de drogue. Accusée de faire la promotion de l’usage, la méthode est ici défendue par le docteur Hubert Traoré.

 

En matière de consommation de drogue, mieux vaut prévenir. Car, une fois que l’individu a goûté au ‘’fruit interdit’’, il lui est difficile de s’abstenir. Les premiers centres de soins spécialisés ont vu le jour dans les années 1970, en marge du système de santé. C’est l’épidémie galopante du Vih/sida, dans les années 1980, qui impose la réduction des risques (Rdr) comme l’approche la plus évidente et plus efficace pour lutter contre les dommages causés par l’usage de drogues.

Selon le médecin en santé publique au Burkina Faso, il n’y a pas de stratégie de prévention ou de traitement qui fonctionne sur tous les usagers. Docteur Hubert Traoré estime que l’important, c’est de proposer des options et de faciliter l’accès à un large panel d’interventions qui répondent aux besoins des usagers et les aident à rester en vie. ‘’Les individus et les communautés affectés ont besoin d’être impliqués dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies de réduction des risques. Il ne s’agit pas de n’importe quels risques, mais ceux liés aux effets des produits consommés, au mode de consommation et les risques sociaux. Nous luttons pour que la loi soit plus flexible avec les consommateurs, mais pas pour les dealers’’, a précisé le Dr Traoré.

S’agissant des risques liés aux effets des produits utilisés, il y a les overdoses avec de multiples symptômes en fonction de la drogue consommée. S’agissant des conséquences, ils peuvent aller jusqu’au décès, en passant par la baisse de la vigilance pouvant conduire à des prises de risques sexuels entraînant des risques accrus vis-à-vis des Ist/Vih/Vhb/Vhc (plus fréquent avec la cocaïne et ses dérivés), de la dénutrition par manque d’appétit et le mauvais état bucco-dentaire. Il y a également la rétention urinaire, les troubles de la libido, la perturbation de cycles menstruels (héroïne), les complications cardiovasculaires, pulmonaires, neurologiques, rénales et oculaires (cocaïne) et les troubles psychologiques : altération du sommeil, troubles de l’humeur, troubles bipolaires, troubles psychotiques.

Pour ce qui est des risques liés au mode de consommation, ils sont relatifs aux problèmes dermatologiques et cardiovasculaires. Il y a aussi les infections (bactériennes, virales, etc.) à transmission sanguine ou cutanée Vih, Vhb, Vhc, Tb, etc., du fait du partage du matériel de consommation. Les problèmes pulmonaires sont également notés avec des coupures, des brûlures, des ulcères, des plaies au niveau Orl et digestif.

Concernant les risques sociaux, on peut citer les comportements antisociaux, les risques d’exclusion (familiale, amicale, professionnelle, sanitaire), l’itinérance et la stigmatisation, les risques judiciaires (incarcérations) et ceux liés au trafic et au deal (violences, répression policière, etc.) et à la pauvreté.

A en croire le docteur Hubert Traoré, de prime abord, les gens sont sceptiques sur l’efficacité d’une approche comme la réduction des risques. C’est pourquoi de nombreuses barrières persistent pour sa mise en œuvre. ‘’Beaucoup de gens soutiennent que la Rdr incite les usagers de drogue à en consommer, que son coût peut être utilisé pour réduire la consommation ou lutter contre les drogues ou soigner des personnes qui le méritent plus’’.

D’après le médecin, il y a d’autres qui disent que c’est une approche qui ne facilite pas l’abstinence et met en danger la sécurité publique. Ainsi, certains individus ne manquent pas de les inviter à s’adresser à des personnes responsables et non à des usagers de drogue. Il y a aussi l’aspect juridique qui est reproché à la Rdr. ‘’Ceux qui disent que ce que nous faisons est une légitimation de l’usage de la drogue en contradiction avec les lois, c’est parce qu’ils n’ont pas compris la valeur et l’importance de cette lutte que nous menons’’, s’est-il défendu.

Selon lui, historiquement, les programmes qui se focalisent sur la réduction ou l’arrêt de la consommation n’ont pas montré des résultats constants et satisfaisants. L’approche de la réduction des risques, par contre, est reconnue aujourd’hui comme une méthode efficace dans des contextes économiques, culturels et politiques variés, sauvant, du coup, d’innombrables vies. Hubert Traoré a affirmé que dans les pays appliquant depuis longtemps la Rdr comme la Suisse, la Grande-Bretagne ou l’Australie, le nombre de nouvelles infections au Vih parmi les usagers de drogues (Ud) est quasi nul.

‘’Au Népal, le passage à la Rdr entre 2002 et 2011 s’est accompagné d’une réduction de la prévalence du Vih de 68 % à 6.3 % parmi les Ud. L’Ukraine présente la même évolution, avec une diminution de 41.8 % à 19.7 % de prévalence du Vih parmi les Ud, lors des 10 dernières années (2006-2016) pendant lesquelles la Rdr était de plus en plus appliquée. Alors qu’aux Philippines, pendant la même période et sans développement de la Rdr, la prévalence du Vih parmi les Ud est passée de 1 % à 41,6 %’’, a-t-il souligné.  S’agissant de l’Afrique subsaharienne, peu de données sont disponibles jusqu’à présent.

VIVIANE DIATTA (Envoyée spéciale à Ouagadougou)

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