La justice ordonne la libération de Moubarak

L'ancien président Hosni Moubarak devrait sortir de prison dès jeudi après la décision de la justice égyptienne d'accepter sa remise en liberté, au risque d'aggraver des tensions toujours très vives dans un pays divisé, sept semaines après l'éviction du président islamiste Mohamed Morsi.
L'ancien raïs sera assigné à résidence à sa sortie de prison, ont annoncé mercredi soir les services du Premier ministre. La décision a été prise dans le cadre de la loi d'urgence adoptée lors de la répression lancée cet été contre les islamistes, précise le communiqué publié par les services du Premier ministre.
En plaçant Hosni Moubarak en résidence surveillée, le nouveau pouvoir égyptien mis en place par l'armée après le renversement du président Morsi le 3 juillet veut vraisemblablement éviter d'être accusé d'une trop grande clémence envers l'homme qui a dirigé l'Egypte pendant 30 ans et éviter ainsi de susciter la colère des Egyptiens qui ont massivement manifesté contre son régime autoritaire et abouti à son renversement en 2011. Deux groupes de militants ont déjà appelé à des sit-in au Caire pour protester contre sa libération.
La justice égyptienne a rendu sa décision mercredi à la prison de Tora au Caire, où l'ex-raïs est détenu. Le parquet a annoncé qu'il ne ferait pas appel de cette décision. Interrogé sur la date à laquelle Hosni Moubarak pourrait être libéré, son avocat Farid el Dib a répondu : "Peut-être demain". Toutes les charges justifiant le maintien en détention de l'ex-chef de l'Etat ont désormais été levées. En effet, même si son procès en appel pour complicité de meurtres dans la répression du soulèvement de l'hiver 2011 se poursuit, la période maximum de détention préventive est arrivée à son terme.
Nouvelles arrestations
Souffrant et âgé de 85 ans, Hosni Moubarak ne jouera probablement plus aucun rôle politique. Aux yeux de ses détracteurs, sa remise en liberté pourrait toutefois passer pour une tentative de réhabilitation du régime renversé en février 2011 ou même pour une contre-révolution, alors que les forces de l'ordre continuent à arrêter des personnalités liées aux Frères musulmans, confrérie dont est issu Mohamed Morsi. "L'armée a ramené le régime de Moubarak (...) Ceux qui ont été élus par le peuple sont maintenant en prison", s'est indigné un Cairote interrogé dans la rue.
Dans le camp libéral et laïque, favorable à l'éviction de Mohamed Morsi et hostile à Hosni Moubarak, on regrette sa remise en liberté tout en insistant sur le respect des décisions judiciaires. "Le gouvernement sait que, si Moubarak est libéré, l'opinion sera scandalisée, mais une décision de justice est une décision de justice", a ainsi commenté Mohamed Alboghar, chef de file du Parti social démocrate. "C'est un processus faussé depuis le début", a déploré quant à lui Khaled Daoud, porte-parole du parti libéral Dostour, évoquant les moyens selon lui insuffisants de l'appareil judiciaire, qui ont conduit à l'acquittement de plusieurs membres de l'ancien régime. La réaction discrète des opposants non islamistes d'Hosni Moubarak répond sans doute à une volonté d'apaisement alors que les arrestations contre les Frères musulmans se poursuivent.
Au lendemain de l'interpellation de Mohamed Badie, le guide suprême de la confrérie, la presse officielle a annoncé mercredi celles de Mourad Ali, conseiller en communication de la branche politique des Frères, et de Safouat Hegazi, un prédicateur influent, arrêtés alors qu'ils tentaient de fuir le pays.
Appel à manifester vendredi
L'arrestation de Mohamed Badie confirme la volonté des nouvelles autorités, constituées sous l'égide d'Abdel Fattah el Sissi, le chef d'état-major de l'armée, de démanteler la confrérie, dont le Premier ministre, Hazem el Beblaoui, a envisagé publiquement la dissolution. "Les putschistes pensent que l'arrestation des dirigeants des Frères musulmans et les attaques contre leur image dans les médias fera plier les Egyptiens et leur fera accepter le coup d'Etat", s'indigne le mouvement islamiste dans un communiqué publié après l'arrestation de Mohamed Badie, inculpé en juillet d'incitation à la violence et au meurtre, et dont le procès doit débuter dimanche. L'interpellation a conclu une semaine marquée par l'offensive des forces de sécurité contre les partisans de Mohamed Morsi, entamée mercredi dernier et à l'issue de laquelle près de 900 personnes ont été tuées, dont une centaine de soldats et de policiers, selon le bilan officiel.
L'Alliance anti-coup d'Etat, favorable aux Frères musulmans, fait état de 1.400 morts parmi les partisans de Mohamed Morsi. Les pro-Morsi semblent décidé à poursuivre leurs efforts pour le rétablissement de Mohamed Morsi. La "Coalition nationale de soutien à la légitimité" a appelé à une journée de manifestation "des martyrs" vendredi.
A Bruxelles, les Vingt-Huit se sont entendus mercredi pour revoir l'aide financière accordée à l'Egypte, sans remettre en question celle qui profite aux plus vulnérables, a annoncé Catherine Ashton, porte-parole de la diplomatie européenne après une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères. "Nous sommes convenus (...) de revoir la question de notre aide à l'Egypte, étant entendu que l'assistance aux catégories les plus vulnérables et à la société civile doit se poursuivre", a-t-elle déclaré à la presse. Avec Asma Alsharif, Crispian Balmer, Yasmine Saleh, Alastair Lyon et Omar Fahmy au Caire, Michele Nichols aux Nations unies et Arshad Mohammed à Washington; Julien Dury, Jean-Philippe Lefief et Danielle Rouquié pour le service français. REUTERS