Publié le 22 Jul 2025 - 07:45
ESPAGNE - FC BARCELONE

C’est quoi ce délire des footballeurs avec les personnes de petite taille ?

 

Pour son passage à l’âge adulte, Lamine Yamal s’est offert une polémique après avoir recruté des artistes atteints de nanisme pour sa fête d’anniversaire. Un grand classique chez les footballeurs, qui ont parfois un délire bien particulier avec les personnes de petite taille.

 

Personne n’a pu passer à côté, tant la polémique a fait du bruit. Ce samedi 13 juillet 2025, Lamine Yamal est passé à l’âge adulte en grande pompe. Pour son passage à la majorité, la star barcelonaise n’a pas fait les choses à moitié, si l’on en croit sa courte vidéo postée sur les réseaux sociaux en amont de sa soirée d’anniversaire. Show à l’américaine, DJ de renom, invités prestigieux et téléphones bannis pour garder la fête secrète : tout y était. Pourtant, ce qui a déclenché la polémique, outre les femmes invitées pour leurs tailles de poitrine spécifiques, ce sont ces artistes atteints de nanisme, recrutés pour le show d’anniversaire. Face aux réactions, l’association espagnole ADEE, qui défend les droits des personnes de petite taille, a alerté le ministère des Droits sociaux. Une enquête est ouverte, les réseaux s’emballent, les débats s’enflamment dans les médias… et le scandale s’invite à la fête. On aura connu mieux comme cadeau d’anniversaire.

Christmas Party de Vinnie Jones et copain d’Adebayor

Une affaire inattendue, certes, mais loin d’être isolée. Les footballeurs et les personnes de petite taille (pour ne plus employer le terme nains, considéré comme péjoratif et blessant par beaucoup), c’est une histoire qui dure et une « complicité » qui existe depuis plusieurs décennies. En 1991, déjà, le célèbre « boucher de Wimbledon », Vinnie Jones, avait franchi la ligne lors d’une Christmas party organisée dans un pub londonien. Autoproclamé maître de ces soirées à l’anglaise et roi des filouteries, le Gallois avait orchestré un lancer de « nains », où le but était de coller ces derniers sur des cibles géantes installées dans un château gonflable enduit de colle. Un concept aussi surréaliste qu’inconfortable, mais repris dans plusieurs films au cinoche.

En 2016, Emmanuel Adebayor avait également fait parler de lui au Togo en engageant « un nain de compagnie » pour partager piscine, bronzette et grosses fêtes, au point de lui donner le surnom de « Pako Rabanne ». Depuis, Pako s’est fait une place dans le monde du spectacle et des cabarets, une notoriété largement due à l’ancien joueur. Dernier épisode en date : en 2023, l’attaquant de Manchester United Alejandro Garnacho avait fait venir deux personnes atteintes de nanisme pour mettre le feu à sa fête d’anniversaire. L’international argentin était allé encore plus loin en leur mettant un maillot de l’Argentine pour l’un et un maillot du Portugal pour l’autre, non sans rappeler Cristiano Ronaldo et Lionel Messi.

Ces étranges scènes passent aujourd’hui de moins en moins inaperçues, à l’ère des réseaux sociaux. Elles ne font surtout pas rire tout le monde, loin de là. Du côté des associations, la gêne ne porte pas sur la légalité des prestations ou la liberté des artistes à monter sur scène, mais sur l’imaginaire collectif qui les accompagne. Cette idée toujours tenace qu’une personne de petite taille, par essence, est là pour faire marrer la galerie par sa fonction « comique » ou « décalée ». « Quand bien même c’est dans un cadre privé, quand bien même les personnes ont donné leur accord, nous, ce qu’on trouve déplorable, c’est qu’on ne loue pas une personne parce qu’elle est sympa, s’agace Morgan Léon, administrateur de l’Association des personnes de petite taille (APPT). On veut des personnes de petite taille, probablement parce que ces gens-là trouvent ça drôle, ou qu’il va y avoir moyen de les tourner en dérision et que ça va faire de jolies vidéos pour les réseaux sociaux. »

Des artistes comme des autres

En ce qui concerne l’affaire Lamine Yamal, il met en avant la jeunesse du joueur et l’époque : « C’est réducteur, et je pense que c’est un peu dû à l’âge. Lamine Yamal a 18 ans, il est dans une génération qui a été entièrement bercée par les réseaux sociaux, donc il a probablement baigné dans ces vidéos-là. Et aujourd’hui, il a les moyens pour se permettre ce genre de choses. » Derrière les vidéos TikTok et Instagram, il y a surtout un secteur bien réel, avec des boîtes événementielles, des agences de booking et de shows sur devis, etc. Certaines prestations se limitent à un accueil costumé, d’autres vont jusqu’à des numéros calibrés façon cabaret. Max (son prénom modifié), gérant d’une société spécialisée dans ce type d’animations, ne comprend pas le tollé : « Nous, on ne fait que répondre à une demande. Dans cette histoire avec Yamal, on veut juste polémiquer pour polémiquer, parce que c’est le meilleur joueur du monde en ce moment, c’est tout. Mais si les artistes sont volontaires, pros, et qu’ils veulent y aller, eh bien qu’ils y aillent. Moi, je suis showman, mes artistes sont des comédiens. Nous sommes des artistes à part entière. »

Pour lui, il faut cesser avec cette victimisation constante, une position qui ne plaît pas forcément aux personnes impliquées dans les associations. Le plus important ? Produire des spectacles et des shows mémorables, comme n’importe quel artiste. « Pourquoi on ne pourrait pas être considérés au même niveau que des comédiens ou des acteurs ? On a des artistes grands, maigres, eh bien nous, nous sommes petits et nous aimons notre travail, poursuit-il. D’ailleurs, on fait des raccourcis dans cette histoire, alors que si ça se trouve, à l’anniversaire de Yamal, ils étaient super contents de participer. » Ils sont en effet plusieurs concernés à avoir pris la parole pour défendre l’Espagnol dans la tempête : l’un d’eux a rappelé sur la RAC 1 qu’il n’avait pas été forcé, quand un autre a confié avoir été « particulièrement fier d’être invité ».

Yamal, le revers de la jeunesse et de la célébrité

Mais alors, pourquoi cet attrait des footballeurs pour les artistes de petite taille ? Krystoff Fludeur, comédien et humoriste de petite taille, passé par le Jamel Comedy Club, Le Grand Journal, Groland et même le film Chocolat, essaie d’apporter un éclairage. « Je pense que la plupart des footballeurs ne viennent pas forcément de milieux aisés ou de milieux sensibilisés au handicap, pose-t-il. Ils démarrent leur carrière très jeunes, et n’ont pas forcément conscientisé leur ouverture au handicap ou à la différence, sauf certains évidemment. » Concernant l’affaire Yamal, l’humoriste préfère relativiser : « Il a 18 ans, il est jeune, c’est tout un enjeu, il a été pris par la patrouille comme on dit, et puis il est pris par les médias… Je ne pense pas qu’il y ait lieu de faire un plus gros procès que ça. Je pense que, encore une fois, ce n’est pas de très bon goût. Si ça peut permettre en même temps de montrer que toutes les différences méritent d’être défendues, alors voilà. »

Quand on l’interroge sur la réaction des artistes qui ont défendu Yamal, l’humoriste compatit, sans forcément valider : « Eux, ils sont aussi dans leur rôle. Après, moi, je comprends aussi le petit gars, l’artiste qui se défend en disant “bah oui, mais moi, c’est mon gagne-pain.” Mais après, tu vois, c’est pareil avec l’argent, on achète un peu tout, même l’amour-propre. » Lui n’a jamais été sollicité pour un show chez un footballeur ou un autre sportif, mais il assure ne pas être fermé à cette idée, à condition de savoir dans quoi il met les pieds. « Moi, si on m’avait proposé, je me serais renseigné sur le contexte. Et sincèrement, j’aurais demandé combien, continue l’humoriste. Et puis, s’il y a d’autres personnes de petite taille, pourquoi ? Qu’est-ce qu’on me demande de faire ? Ce qui est normal, pour que mon image ne soit pas écornée. » Pas sûr que Lamine Yamal ne recommence l’année prochaine, au moment de fêter son 19e anniversaire.

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