Publié le 4 Dec 2018 - 18:33
EXPLOITATION ET CONTRATS RESSOURCES MINIERES

Les grands chantiers d’Aïssatou Sophie Gladima

 

Les députés de l’opposition ont été tenaces sur le zircon, l’or et le fer de la Falémé. Mais la ministre des Mines et de la Géologie a apporté des précisions sur les grands dossiers de son département, hier, à l’Hémicycle.

 

Alors que le secteur extractif affiche une relative bonne santé avec 126 milliards de revenus pour 2017 et l’ouverture d’une deuxième mine d’or (Torogold) dans la région minière de Kédougou, le département des Mines et de la Géologie accuse une baisse de 14 % (1 804 225 400 F Cfa) de son budget par rapport à celui de 2018. Les discussions ont porté essentiellement sur les ressources minières à Niafourang (zircon), les ressources aurifères de Kédougou et les mines de fer de la Falémé.

Les députés ont relevé la contradiction de ces zones aux sous-sols immensément riches et la pauvreté de ces localités, générant des flots de jeunes migrants irréguliers. ‘‘Il y a de quoi se poser des questions. Pour la redistribution des richesses, quelle est votre politique pour éviter l’exil sur Dakar ou pire l’immigration ?’’, se demande Demba Seck dont les retombées d’exploitation de la mine de zircon de Niafourang ont été au centre de ses préoccupations.

Question vite évacuée par la ministre Aïssatou Sophie Gladima qui avance que ‘‘les discussions sont en cours entre l’Etat et les populations des localités concernées’’. Dans son sillage, le député de Kédougou, Moustapha Guirassy, a affiné ses positions dans cette partie du Sénégal qui subit les contrecoups de l’exploitation minière. ‘‘C’est un drame pour les populations. La désertion de l’école, l’insécurité dans cette partie, la prostitution, la dégradation de l’environnement avec la pollution de tous les cours d’eau, les pertes d’activité (élevage et agriculture)’’, résume le parlementaire. Il ne s’est pas contenté d’exposer les problèmes, mais également des pistes de solution. Il faut proposer une véritable stratégie de transformation et faire des efforts d’industrialisation avec une transformation minimale sur place pour capter des emplois’’, a-t-il déclaré.

Tosyali : Un MoU a été signé

Alors qu’en travaux de commission, les députés avaient soulevé les pratiques peu orthodoxes du Turc Tosyali Holding dans un pays tiers, la ministre dit ne pas pouvoir confirmer ces informations. Sophie Gladima estime même avoir gardé une très bonne impression lors de sa visite en Turquie. Après l’annonce de sa venue pour le fer de la Falémé, les députés ont également demandé que la lumière soit faite sur les conditions de la cession d’un contrat, le cas échéant. ‘‘Eclairez-nous’’, demande Moustapha Guirassy, alors que son collègue Serigne Cheikh Mbacké se fait plus insistant.

‘‘Le fer de la Falémé a une valeur de 52 milliards. Pourquoi céder à 2 milliards ? Ce ministère est un département que les présidents sénégalais donnent toujours à des gens qui leur sont proches (...) Moi, je considère que l’argent de cette signature, c’est pour financer votre campagne’’, a-t-il asséné. Le député est même allé plus loin, en avançant que le Sénégal a troqué 2 500 milliards contre 75 milliards sur ce dossier à cause de l’empressement des ministres des Finances et des Mines d’alors, Amadou Ba et Aly Ngouille Ndiaye. Une remarque qui a fait réagir Sophie Gladima de manière plutôt offensive. ‘‘Rien n’a été signé.

On a signé un MoU (Memorandum of Understanding) c’est-à-dire l’intention de vouloir travailler avec quelqu’un. Mais nous voulons travailler avec eux ; les études sont en train d’être faites (...) Une fois qu’on aura signé le contrat, tous les Sénégalais pourront le voir sur notre site web. Pour ce contrat, nous avons enlevé les intermédiaires qui étaient là pour leur propre intérêt’’, a-t-elle déclaré, rappelant à ce député libéral ainsi qu’à Moustapha Guirassy qui avait soulevé la question, les fautes de gestion qui ont été commises pendant la décennie précédant l’actuel régime dans ce secteur.

‘‘Pendant douze ans, des gens auraient pu corriger des choses, mais cela n’a pas été fait. Ce ne sont pas les sociétés minières qui doivent développer les collectivités locales, mais l’Etat du Sénégal. Ce que le président a fait en 5 ans, si on l’avait fait en amont, on n’en serait pas là. Certes, on ne peut pas tout éradiquer, mais imaginez 12+5, ça aurait fait 17 ans, on aurait parlé de Sénégal hyper-émergent’’, s’est défendu la ministre.

Secteur aurifère : les réformes en cours

La ministre est apparue très offensive, à la question de ce député de l’opposition, concernant les fuites d’or supposées dans les mines aurifères de Sabodala. ‘‘Vous ne savez pas combien en sort. L’avion vient et emporte tout. Il devait y avoir une vidéosurveillance qui contrôle tout ce qui sort’’, a déclaré Serigne Cheikh Mbacké. ‘‘Ça, c’est une insulte à notre Administration. Les circuits sont très bien contrôlés. Pour l’orpaillage, c’est incontrôlé, mais c’est marginal. C’est différent des sociétés minières. La douane et le ministère des Mines envoient des personnes qui vérifient. Nous aussi, en fonction des volumes de roches, nous vérifions. Nous comparons les données d’estimation par rapport aux données physiques. Avant que ça ne rentre dans l’avion, on est sûr des tonnages’’, s’est presque indignée la ministre des Mines.

 Elle promet, répondant à la question des options politiques sur l’exploitation de ce fer, que ce minerai ne va pas connaitre le seul chemin de l’exportation. ‘‘Nous pensons à installer des industries au Sénégal. Il n’a jamais été question que le fer soit exporté. On va installer des unités de transformation. Faire tous les dérivés secondaires que le fer peut offrir. Mais il faudrait déjà sortir cette ressource de terre’’, recadre Aïssatou Sophie Gladima.

Les 20 % de fonds de péréquation et d’appui aux collectivités locales n’ont pas été versés depuis 2010, comme l’a souligné le dernier rapport (2017) de l’Itie. Un manquement que n’a pas manqué de rappeler le député de Kédougou. Mais les assurances de la ministre sont tombées pour l’année prochaine : ‘‘Le régisseur va être nommé en 2019 et on espère qu’elles vont rentrer dans leurs fonds.’’ Aïssatou Sophie Gladima de rappeler que plus de 2 milliards ont quand même été injectés par le seul Sabodala Gold Operation (Sgo) dans les domaines de l’hydraulique, de l’éducation, de la santé, alors que rien n’y obligeait.

Certains députés se sont étonnés que ces entreprises, qui ont la capacité d’apporter l’eau ou de pourvoir les collectivités avec leur énergie en stock ne le fassent pas.

OUSMANE LAYE DIOP

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