Publié le 16 Dec 2020 - 23:34
HÔPITAL RÉGIONAL DE THIÈS

Une architecture vétuste et un plateau moderne

 

Sa charpente ressemble à celle d’un poste de santé installé au cœur des zones rurales. Les espaces qu’occupent les accompagnants donnent l’impression d’un mini marché ou d’une cafétéria où tout le monde se rencontre. De la médecine interne à la morgue, en passant par le service des urgences, l’on constate un plafond en aluminium presque en ruines. Mais malgré la vétusté de ses bâtiments, le centre hospitalier régional El Ahmadou Sakhir Ndiéguène de Thiès dispose d’un plateau médical moderne et des spécialistes qui maintiennent haut le flambeau.

 

Le défunt président-poète l’avait déjà considéré comme un ‘’poulailler’’ en 1979-1980. Le jour de l’inauguration de cet établissement sanitaire, dit-on, Léopold Sédar Senghor avait refusé de participer à la fête, estimant que la maquette de l’hôpital qu’on lui avait présentée ne reflétait pas la bâtisse qu’il avait en face de lui. Le premier chef d’État du Sénégal indépendant s’était plaint, à cette époque, de la manière dont ladite structure sanitaire avait été construite.

L’année dernière, une découverte ou non de cafards dans un des services précieux de la bâtisse qui longe l’avenue Malick Sy, a alimenté les débats dans la capitale régionale. Érigé depuis 41 ans sur le site de l’ancienne maternité régionale, l’hôpital régional de Thiès a traversé tous les quatre régimes. Symbole du système de santé de la région, il plonge petit à petit dans une vétusté somme toute normale, vu son âge.

Cette structure sanitaire, qui fait face aux défis de la qualité des soins, a besoin de réhabilitation à bien des endroits. Hormis la pharmacie et la maternité rénovées grâce à la coopération italienne, rien n’y a quasiment changé. Devenu, au fil du temps, établissement public de santé de niveau 2 (EPS2), le centre hospitalier régional El Hadj Ahmadou Sakhir Ndiéguène a une capacité d’accueil de 382 lits. Il dispose, en outre, d’un bloc opératoire composé de six salles, d’une unité de dialyse fonctionnelle, d’une imagerie médicale (échographie, radiologie, scanner, mammographie…), d’un laboratoire de biologie médicale et d’anatomie pathologique, d’une maternité (plus de 4 000 accouchements par an), d’une pédiatrie, d’une chimiothérapie à la maternité depuis 2015, pour prendre en charge les cas de cancer du sein et du col de l’utérus, d’une banque de sang, d’un centre de traitement des malades de la Covid-19 d’une capacité de 38 lits…

Le tableau de ses activités cliniques par an est relativement reluisant. Avec sa quarantaine de médecins, le centre hospitalier régional El Hadj Ahmadou Sakhir Ndiéguène de Thiès a réalisé, l’année dernière, 100 000 consultations (urgences chirurgicales 63 % et 55 % en ophtalmologie), 4 800 actes chirurgicaux et 5 000 accouchements en moyenne. Le tout, en 65 000 journées d’hospitalisation (pédiatrie, 36,7 % des lits et cardiologie, 45 % des lits). Niché au cœur du quartier Randoulène Sud, il résiste tant bien tant bien que mal et s’ouvre à la modernité.

Un ‘’bon’’ plateau et une subvention remise en question

D’après le secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs de la santé et de l'action sociale (Sutsas) au niveau de cet établissement sanitaire, celui-ci n’a rien à envier aux autres structures de santé de même niveau. Lui qui, depuis 2002, travaille dans cet hôpital en qualité de technicien supérieur, anesthésiste-réanimateur, trouve que la région de Thiès dispose d’un système sanitaire relativement bien équipé en infrastructures.

De plus, affirme-t-il, le plateau médical est assez bien relevé et répond aux normes. Prenant l’exemple du bloc opératoire, il cite les quatre salles d’intervention pour le programme et les deux autres dédiées au service des urgences chirurgicales. Pour lui, des avancées ont été notées dans ce domaine. S’y ajoute, dit-il, le nombre de spécialistes qui y interviennent. Celui-ci, ajoute-t-il, commence à être revu à la hausse. ‘’Au niveau des spécialités, les choses bougent également. On a ici sept spécialistes chirurgicaux. Dans la semaine, chacun passe une ou deux fois. A la tête du bloc opératoire et de la réanimation, il y a un médecin-chef, Dr Françoise Ndiaye. Je suis le major de son service. Pour ce qui est de la réanimation, nous avons, à l’hôpital régional de Thiès, une réanimation polyvalente à huit lits dont quatre lits chauds où on peut recevoir des malades graves et les suivre, et une équipe de 16 infirmiers au total’’, se félicite Pape Mor Ndiaye, soulignant tout de même qu’il reste beaucoup de choses à améliorer. Dans ce sens, il plaide pour un changement de statut de l’établissement qui devrait devenir un hôpital national.

Cependant, reconnaît-il, pour y arriver, il faut que la subvention annuelle de l’ordre de 350 millions de francs CFA soit revue à la hausse. Il souhaite que l’hôpital reçoive une dotation d’au moins un milliard de francs CFA de la part de l’État du Sénégal. 

Centre hospitalier de référence, Ahmadou Sakhir Ndiéguène couvre une population de près de deux millions. Car, il accueille les malades de toute la région, mais aussi ceux des régions de Louga et de Diourbel. Plus de 400 agents dont plus de 200 contractuels y travaillent à offrir aux malades des soins de qualité.

Mais, en dépit du plateau médical qui suit le rythme de la modernité et son champ d’action qui dépasse le périmètre régional, ledit centre est confronté à de nombreuses difficultés liées à la subvention qu’il reçoit. Avec l’implantation de l’université, huit professeurs agrégés interviennent à Ahmadou Sakhir Ndiéguène. Mais, à cause de la petite enveloppe qui lui est dédié et qu’il reçoit de l’État du Sénégal, il vit au rythme de divers problèmes. Ce qui se répercute, naturellement, sur le fonctionnement de la structure sanitaire malgré son ‘’bon’’ plateau médical. Même si les spécialistes parviennent à prendre en charge toutes les urgences qui sont référées.

En termes de perspectives, il y est prévu la mise sur pied d’un service d’accueil d’urgence (SAU). ‘’On doit aller vers ça. Le financement a été acquis, et incessamment, les travaux vont pouvoir démarrer. C’est le cadre qui va réunir toutes les urgences. Le tri va se faire. Et après la prise en charge, les malades vont être transférés dans les différents services. C’est un regroupement d’exigences médicales et chirurgicales’’, renseigne Pape Mor Ndiaye.

Une carte sanitaire bien fournie

En plus de son établissement de santé public de niveau 2 installé dans la ville, la région de Thiès est bien lotie en matière d’infrastructures sanitaires. Elle occupe même la deuxième place, après Dakar. Depuis 2001, on y a noté une augmentation des constructions. Selon une revue de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), Thiès disposait déjà, en 2012, de trois établissements publics de santé (EPS2) en plus des EPS1 de Tivaouane et de Mbour, et de deux hôpitaux privés. Outre ces derniers, la région compte neuf districts sanitaires (Thiès, Pout, Tivaouane, Thiadiaye, Khombole, Joal, Mékhé, Popenguine et Mbour), 144 postes de santé publics et 17 privés catholiques, 331 cases fonctionnelles, mais également d’un centre psychiatrique de santé mentale (Dalal Xel).

La région est dotée d’une brigade d’hygiène, d’une pharmacie régionale d’approvisionnement, de 26 cabinets médicaux et de plus de 160 officines etc. Ce qui fait dire au major Pape Ndiaye que la véritable problématique se trouve au niveau des ressources humaines. Car, dans les hôpitaux, dit-il, on trouve plus d’agents contractuels que d’agents étatiques. Tout ceci, au compte de la structure qui doit les prendre en charge (salaires, motivations, indemnités…).

De l’avis du patron du Sutsas régional, construire des structures sanitaires c’est bien, mais penser à recruter du personnel de qualité, c’est encore mieux.    

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SANTE THIÈS

Le privé sauve la région

En sus de ses trois autres établissements publics de santé (EPS), la région de Thiès est dotée de deux grands hôpitaux privés : Saint-Jean de Dieu et Barthimée. Ces deux ‘’sauveurs’’ accueillent beaucoup de patients et font la fierté des Thiessois, devant Ahmadou Sakhir Ndiéguène.

GAUSTIN DIATTA (THIÈS)

A l’apercevoir de loin et même devant la grande porte d’entrée, on se croirait en face d’un petit poste de santé. Mais dès qu’on met un pied à l’intérieur, c’est tout un autre décor. L’environnement est tout autre. Construit par le premier évêque du diocèse de Thiès, Monseigneur François Xavier Ndione, et mis en service le 1er décembre 1983, l’hôpital Saint-Jean de Dieu, situé au cœur de Diakhao, dans la commune de Thiès-Nord, est cité en exemple dans la ville de Thiès, en matière de santé.

En témoigne le nombre de consultations qui y sont effectuées chaque jour. En seulement une journée, dit-on, cet hôpital privé diocésain, avec ses différents services (radiologie-échographie, stérilisation centrale, trois salles d’opération, un laboratoire biomédical, kinésithérapie, ophtalmologie, gynécologie, etc.), peut réaliser près de 500 consultations, voire plus. Tout dépend, puisque dans cet établissement sanitaire, les consultations peuvent débuter à 8 h pour prendre fin à 13 h. Et le plus souvent, c’est à la demande du chef de service fréquemment assiégé par les patients. Avec plus de 100 lits d’hospitalisation et son unité de soins intensifs répondant aux normes, l’hôpital Saint-Jean de Dieu compte plusieurs spécialistes.

Dans une des salles de soins intensifs, on retrouve un médecin généraliste et un médecin anesthésiste-réanimateur qui sont toujours de garde. Cependant, certains cas ‘’très graves’’ ne peuvent pas y être pris en charge. ‘’Dans ce cas précis, la structure hospitalière les évacue à bord d’une ambulance médicalisée vers une structure de référence, en général l’hôpital Principal à Dakar. Le choix du transfert peut également être assujetti à celui de la famille du patient’’, renseigne une source qui travaille à Saint-Jean de Dieu depuis 15 ans. Celle-ci est au cœur du fonctionnement de cet établissement sanitaire.

A Saint-Jean de Dieu, la rigueur est de mise. Mais des failles, il en existe dans le système mis en place. Cette jeune dame ne va pas oublier de sitôt le jour où sa maman a perdu la vie dans cet hôpital. Plus de quatre ans après, elle s’en prend toujours au médecin et aux infirmiers qui étaient de garde ce jour-là. Sa mère, qui souffrait d’une maladie chronique a, selon la jeune dame, été laissée pour compte, alors qu’elle mourait toute seule dans son lit d’hospitalisation. Alertés, tous se sont précipités dans la chambre. Mais, quand ils sont arrivés, se souvient-elle, c’était déjà trop tard.

Comme quoi, on peut avoir un plateau médical assez fourni et perdre des patients pour diverses erreurs.

Tout comme Saint-Jean de Dieu, l’hôpital Barthimée est un géant du système sanitaire thiessois. Reconnu comme hôpital de niveau 2 en 2010 par le ministère de la Santé et de l’Action sociale, Barthimée est aussi doté d’un plateau médical et technique assez costaud. Niché au cœur de Mbour I, dans la commune de Thiès-Ouest, il a été créé en février 1999 et offre des prestations en consultations générales, prénatales, gynécologiques, mais aussi des soins dentaires. Le Programme élargi de vaccination (PEV) et le Programme de récupération nutritionnelle (PRN) ont été également inscrits dans le calendrier des soins. Vingt ans après, tout a changé, avec la mise en place de nombreux services. Le tout pour offrir aux populations de la capitale régionale du Rail un accès aux soins de qualité.

Aujourd’hui, Barthimée dispose, en plus des services médicaux classiques (cardiologie, urologie, gynéco-obstétrique, ORL, chirurgie, kinésithérapie, anatomo-pathologie, ophtalmologie et orthopédie…) d’un automate d'hématologie BC 2800 Minray pour l'énumération sanguine à 19 paramètres, d’un Cobas C 111 pour toute la biochimie, d’un bloc opératoire équipé d'une centrale d'oxygène, d'un appareil d'échographie, d’une maternité, etc.

A Barthimée, la qualité des soins est adossée à la rigueur, témoigne M. Ndoye. Il y a deux ans, il y a été pour des soins dentaires. Cet habitant de la cité Lamy, dans la commune de Thiès-Est, dit avoir été ébahi par la rigueur que s’imposent les spécialistes, notamment celui qui l’avait aidé à extraire la dent qui lui faisait mal. ‘’Dès mon arrivée dans cet hôpital, j’ai été rassuré par le dentiste qui devait me soigner. A Barthimée, c’est la rigueur. C’est le travail bien fait. Voilà ce qui pousse les Thiessois à se rendre dans les structures, quel que soit le prix à payer. En tout cas, c’est très loin de ce qu’on voit dans les établissements publics de santé’’, se félicite l’homme âgé d’une cinquantaine d’années.

Outre ces deux grands hôpitaux, la région compte 17 postes de santé privés catholiques. A l’image de Sainte-Anne qui ne fait pas moins de 300 consultations par jour, avec son laboratoire et sa maternité (la Miséricorde)…

GAUSTIN DIATTA (THIÈS)

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