Publié le 25 Oct 2012 - 10:08
HUMOUR – TABASKI

Les stratégies masculines de l’«évitement financier»

Illustration: COUMARÉ

 

 

 

 

Dur d’être un jeune salarié en cette de Tabaski ! Pour palier aux demandes de prêts, dons et autres mises à contribution financière en tous genres venant de leurs proches, famille immédiate ou dulcinées, certains membre de cette espèce en danger développent une stratégie de survie pour le moins intéressante : l’«évitement financier»…

 

 

«Dekkeu bi métina torop, temps yi ! La demande sociale est telle que damay nebeutou sakh!*». Ces mots, chaque sénégalais a dû les entendre au moins une centaine de fois pendant la semaine écoulée… s'il ne les a pas prononcés lui-même ! Avec la fête de la Tabaski qui se profile à l’horizon, les maris, frères et cousins en âge de toucher un salaire font tous face à un tsunami de sollicitations : habits, moutons, greffages… La liste des raisons de mettre la main à la poche ne cesse de s’allonger avec l’arrivée du jour fatidique de vendredi, si bien qu’un nombre grandissant de kilifeu*, las de ne plus pouvoir dormir, ont mis sur pied un réflexe de survie : l’«évitement financier».

 

STRATÉGIE DE BASE

Si en manière d’«évitement financier» il existe autant d’écoles de pensée que d’hommes tourmentés, la majorité d’entre eux s’accordent sur un protocole de base qui consiste – pour résumer – à faire le mort. «Cela fait plus d’une semaine que je ne réponds ni aux numéros masqués, ni aux numéros inconnus. Il m’arrive même de ne pas répondre à celles de mes connaissances que je soupçonne de ne m’appeler que pour obtenir de moi de l’argent», explique Ablaye Ndiaye*, un jeune cadre vivant seul à liberté VI. Lamine Badji, qui adhère avec ferveur à cette doctrine, pousse même le bouchon plus loin : «Ces temps-ci, je quitte la maison familiale une heure plus tôt que d’habitude et je rentre du travail bien après 23 h. Tout ça pour être sûr de ne croiser personne», avoue le salarié de 32 ans, employé dans un journal en ligne.

Évidemment, cette stratégie n’est pas garantie gagnante à 100%... Pour être sûrs qu’on les laisse en paix, certains vont carrément jusqu’à changer temporairement de numéro de téléphone… ou inventer un voyage ! «Ça fait maintenant plus de 3 ans que j’invente fréquemment des stages et autres missions à l’approche de la Tabaski. Si on m’appelle, je dis que je suis en milieu rural ou même à Thiès, et que je ne reviendrais qu’après les fêtes, avoue Malamine Ndiaye, étudiant à l'Université Cheikh Anta Diop. «Il y a deux ans, j'ai croisé une personne peu de temps après lui avoir servi ce mensonge, mais je ne me suis pas démonté. J’ai juste dis que j’étais descendu à Dakar pour une course rapide avant de repartir… Ce n’est pas comme ci mon interlocuteur était en mesure de prouver que je le fuyais non plus», ajoute Malamine.

 

HIÉRARCHISATION DES PRIORITÉS

Tout le monde n’est pas égal devant l’homme qui débourse ! La Tabaski est ainsi l’occasion idéale de savoir si l’on vous tient en haute estime ou pas car, d’avis unanimes, les jeunes salariés refusent de financer ceux qui ont la malchance de ne pas faire partie de leur cercle immédiat. «Si tu n’es pas un membre de ma famille… et je parle de la famille nucléaire, c’est-à-dire papa, maman, frère ou sœur… Diaroul sakh ngay wax ak mane*», explique Fodé Tamba, un jeune ingénieur employé dans une multinationale de la place. Et comme pour être sans ambiguïté, il ajoute : «Ma famille sait à quoi s’attendre, j’ai un budget et je m’y tiens. Toutes les soi-disant amies là qui m’appellent de temps en temps pour obtenir de moi une carte de crédit, même si elles sont très belles, je les zappe! » Les demoiselles sont averties…

 

Dans une veine similaire, certains poussent l’avarice au point que même les proches des intéressés ont recours à la ruse pour leur mettre la main dessus. Ablaye Ndiaye confirme : «Ma propre sœur m’a coincé chez moi aux alentours de 7h du matin pour me demander des sous», raconte-t-il. «J’ai prétexté la conjoncture et menti comme ce n’est pas permis, allant jusqu’à lui jurer que je n’avais pas encore acheté de mouton alors que c’est fait depuis plus d’un mois…» Aujourd'hui, il ne regrette rien. «C’est ce qui m’a sauvé car, grâce à ça, j’ai pu réduire de moitié la somme réclamée! », conclut Ablaye avec un sourire narquois aux lèvres… Qu’est- ce qu’il ne faut pas faire !

 

DÉBILITÉ VOLONTAIRE

Non-contents de fuir leur monde, les jeunes salariés soucieux de leur portefeuille ont développé un éventail impressionnant de subtilités quant à l’«évitement financier» dès qu’il s’agit de traiter avec le beau sexe. «Une fille qui te demande des sous n’a que deux manière de le faire. Soit elle essaye de passer par des voies indirectes, et là tu fais autant le fou qu’elle en refusant de voir ou elle veut en venir. Soit elle n’y va pas par quatre chemins, et tu dégages en touche en lui promettant de la recontacter pour lui dire, à la dernière minute, que finalement les choses sont telles que tu ne peux pas l’aider. L’essentiel, c’est de ne jamais servir de niet catégorique!», nous apprend Mame Bocar Ndiaye, un jeune actif visiblement passé maître dans l’art du sophisme à tout juste 28 ans.

Lucide, ce dernier n’oublie cependant pas d’ajouter que cette méthode est un couteau à double tranchant. «C’est une technique super efficace, dit-il en guise d'avertissement, mais tu t’exposes à des représailles. Si la fille comprend que tu l’as eue, tu n’obtiendra plus le moindre sourire d’elle, encore moins de bisous. En tout cas, c’est à manier avec précaution», conseille ce rusé dakarois...

 

SOPHIANE BENGELOUN

 

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