Publié le 15 Feb 2023 - 22:09
JOURNÉE DE L'AGROÉCOLOGIE

Le savoir paysan au service de la souveraineté alimentaire

 

Face aux crises multiformes qui bousculent les certitudes des politiques agricoles, le retour vers une agriculture durable offre une solution pérenne aux défis de l’alimentation mondiale.

 

Un nouveau modèle de développement basé sur une relation fusionnelle avec la nature ? L’agroécologie relève le défi. Et au Sénégal, la marche vers cet objectif vit à un rythme actif, imposé par la Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal (DyTAES). L’organisation, qui regroupe les différentes organisations et plateformes engagées dans la promotion de l’agroécologie au Sénégal tient, depuis hier, ses journées de l’agroécologie. Ceci, pour promouvoir le soutien d’une agriculture ‘’qui repose sur la diversification, l’assolement, le retour des arbres, la fertilité des terres, la sécurisation des générations futures’’.

Loin d’une définition académique de ce qu’est l’agroécologie, cette  présentation faite par Marième Sow, Secrétaire exécutive d’Enda Pronat, qui assure le secrétariat de la DyTAES, est avant tout le ressenti d’une passionnée rompue à des pratiques rurales bien ancrées dans les terroirs sénégalais. Car, au fond, simplifie-t-elle, ‘’l’agroécologie n’est rien d’autre que le savoir-faire paysan’’.

Ayant laissé place aux engrais chimiques et à l’exploitation excessive des terres, une culture respectueuse de l’environnement s’impose aux enjeux mis à nu par les crises multiformes que traversent l’agriculture et son administration. Les changements climatiques, la pandémie du Covid-19, de même que la guerre en Ukraine ont fini de démontrer qu’il est temps de revoir les politiques d’approvisionnement, surtout pour les pays pauvres.  

Pour évoquer ces questions, Dakar est, pour trois jours, le point de rencontre entre des organisations de producteurs, de consommateurs, des ONG, des institutions de recherche sénégalaises et internationales, des réseaux d’organisations de la société civile sénégalaise et ouest-africaine, des privés et des élus locaux.

Afin de faire du thème de cette 44e édition des journées initiées par la DyTAES, ‘’La territorialisation de l’agroécologie’’, une réalité, Marième Sow estime qu’il faudrait que tous les acteurs s’y mettent. ‘’C’est aux collectivités  locales, à la société civile, aux communautés  de travailler pour l’émergence au niveau de la base, afin que des politiques locales soient mises en place pour arriver à  ce que le national consomme le local’’, assure-t-elle.  

La DyTAES est déjà à l’origine d’un dialogue fécond entre les acteurs de l’agroécologie et les décideurs. Grâce à un large processus de consultation dans les différentes régions du Sénégal, elle a produit un document de contribution qui a permis d’adresser des recommandations politiques à court et long terme pour la transition agroécologique. Ce rapport a été partagé avec les décideurs lors des Journées de l’agroécologie (JAE) en 2020, ouvrant un premier cycle de dialogue politique et d’actions dans les territoires. Suite  à cela, le ministère de l’Agriculture a nommé un point focal sur la transition agroécologique et a attribué une subvention annuelle d’environ un milliard F CFA pour les engrais organiques.

En 2022, la DyTAES a organisé une caravane à travers l’ensemble du pays, marquée par une importante action d’information et de sensibilisation, d’échanges d’expériences et de dialogue politique. Si le partage des résultats de cette caravane se fait dans le cadre des journées à Dakar, l’influence sur les décideurs sera au cœur des enjeux. Surtout, lorsqu’on parvient à capter l’attention des autorités gouvernementales.

Venu lancer ces journées, le ministre de l’Agriculture, de l’Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire a souligné l’importance, pour l'État, des questions abordées dans le cadre des activités. ‘’Il apparaît urgent et nécessaire de promouvoir des stratégies de résilience adaptées, efficaces et durables pour inverser les tendances en augmentant durablement les productions agricoles au bénéfice de toutes les populations. Ceci nécessite une synergie des actions menées par les différents acteurs comme cette initiative de la DyTAES dont vous m’avez fait part hier de ses premiers résultats’’, assure Aly Ngouille Ndiaye.

Le ministre a rappelé que la vision pour la transition agroécologique de la DyTAES est une initiative encourageante qui rejoint la volonté du gouvernement du Sénégal à travers le PSE vert. C’est pourquoi, promet-il, à l’image ‘’de nos interventions dans le cadre du plan de la souveraineté alimentaire, je vous rassure également de notre engagement à faciliter la mutualisation des efforts et la synergie des initiatives des acteurs en faveur de la promotion de l’agroécologie’’.

Ces mots ont été bien accueillis par le président du Conseil de concertation et de coopération des ruraux (CNCR). Elles témoignent déjà de la ‘’reconnaissance de notre État qui, dans la PSE, inscrit la nécessité d’agir pour la durabilité de nos produits.’’ Pour Nazirou Sow, la suite est d’accéder à une partie des subventions des politiques publiques à l’agroécologie. Car, rappelle le membre du Réseau des organisations de producteurs de l’Afrique de l’Ouest, ‘’nous parlons de notre vie, comment vivre de nos ressources de base en les préservant. C’est nos terres, nos eaux et nos forêts. Comment produire en ayant des revenus ? C’est  notre production et nos marchés. Dans cela, comment avoir un bien-être familial ? C’est notre culture et nos valeurs. Voilà l’ensemble des thématiques qui regroupent l'agroécologie dont nous parlons’’.

Lamine Diouf

Section: