Publié le 8 Mar 2013 - 02:34
KENYA

 Le pays toujours sans président

Trois jours après le scrutin, les Kényans attendent toujours de connaître les résultats de la présidentielle. Après l’échec de la transmission électronique des résultats, la compilation des documents provenant des centres de comptage prend du temps, ce qui fait croître l’anxiété.

 

Dans la pénombre, les yeux sont rivés sur l’écran de télévision. Tandis que les résultats sont égrenés au compte-gouttes, une musique qui siérait plus à une scène de course-poursuite dans un film d’action accentue le suspens, ce qui ne semble guère utile. Ils sont assis sur un banc autour d’une table et dégustent des mandazi (beignets) trempés dans du thé au lait sucré. Dans ce petit restaurant au toit en tôle, des habitants d’un quartier de Mathare préfèrent partager leur inquiétude plutôt que de la garder pour eux.

 

Depuis lundi, les télévisions locales ont interrompu leurs programmes ordinaires et offrent une couverture en continu des élections. Les journalistes interviewent des analystes ou lisent des messages de paix envoyés sur Twitter. Contrairement à 2007, les médias kényans jouent un rôle crucial pour calmer les esprits, ce qui permet d’équilibrer les déclarations de plus en plus alarmantes des politiques.

 

Jeudi, la Coalition pour la réforme et la démocratie (CORD) de Raila Odinga a affirmé que les résultats étaient trafiqués de manière systématique et que leurs agents s’étaient vus refuser l’accès de certains centres de comptages. Si Kalonzo Musyoka, son colistier, a cru bon de préciser qu’il n’appelait pas à des manifestations de rue, ces accusations portent un coup à la crédibilité de la commission électorale, déjà pas mal entamée par l’échec total du système de transmission électronique des résultats.

 

« Qu’on en finisse avec ces élections ! »

 

Il y a cinq ans, les violences à Mathare avaient commencé dans ce quartier, où vivent principalement des populations kikuyu (l’ethnie de Uhuru Kenyatta) et luo (l’ethnie de Raila Odinga). James Awende vient régulièrement prendre ses repas ici. Il tient un petit magasin de nettoyage de vêtements. « Les politiques sont irresponsables et jettent de l’huile sur le feu, estime-t-il. Nous sommes déterminés à ne pas sombrer à nouveau dans le chaos, mais plus les retards s’accumulent, plus le malaise et le doute s’installent ». Ses propos suscitent l’approbation de sa voisine, Grace Muite. « Je prie pour la paix, car je ne sais pas où je pourrais mettre mes enfants en sécurité en cas de problèmes, c’est très stressant ».

 

Le long des ruelles en terre parsemées d’immondices, une bonne moitié des magasins n’ont pas rouvert depuis dimanche dernier. En quelques jours, le prix d’un kilo de sucre est passé de 70 à 120 shillings kényans (soit 1,20 euro). La pénible expérience de 2007 a poussé Robinson Mburu à prendre des précautions. Il a soigneusement dissimulé son stock de marchandises dans un lieu sûr pour éviter de se faire piller à nouveau au cas où la situation commence à devenir hors de contrôle. « Je n’ai presque plus de clients et regardez mes étalages, ils sont quasiment vides. Je n’attends qu’une chose, qu’on en finisse avec ces élections », dit-il résigné.

 

Cette élection souligne l’ambiguïté grandissante de la population dans son rapport à ses dirigeants. Au Kenya, la politique est suivie avec plus de passion que n’importe quel soap opera. Mais simultanément, la conscience aiguë de servir sans cesse de chair à canon pour préserver les carrières des uns et des autres grandit dans les esprits.

 

RFI

 

 

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