Publié le 26 Oct 2015 - 22:27
LA CHRONIQUE D’ABDOU SALAM KANE

Le ‘’Pater familias’’ et son ‘’fils’’ Fada

 

Un air de ‘’ déjà-vu’’ et, à dire vrai, très pénible que cette affaire entre Wade et Modou Diagne Fada. Une saga sans fin et un feuilleton qui, certains jours, tourne au burlesque, voilà ce que c’est. L’entrée, dans la distribution des rôles, de Mme Aïda Mbodji donne encore, à ce qui pourrait être perçu comme une espèce mineure de tragédie grecque, un petit air de Vaudeville, de piécette de boulevard à la Feydeau : c’est le trio infernal du trompé, du trompeur et de son complice !

Sauf que là, on n’arrive pas, mais alors pas du tout à bien distinguer qui est qui et qui joue quoi ? Qui a été trompé le premier et par qui l’a-t-il été ? Là est la question ! Car, tantôt l’on pense que c’est l’un (Wade) parce qu’en lui résiderait toute la légitimité au Pds, et tantôt que c’est l’autre (Fada) parce qu’il est légitimé par son propre parcours, lequel a été remis en cause et bafoué au profit de qui n’avait aucune qualité ou état de service pour appuyer une élévation aussi haute et soudaine qu’indue !

On peut dire ici que tous les deux ont un peu raison et donc, que tous ont un peu tort aussi. Le Pds, c’est une invention, une création pure et simple d’un certain monsieur Abdoulaye Wade. Dans ce parti politique, les meubles eux-mêmes sont à son nom ! C’est dire combien il le possède car il est avocat. Du temps de l’esclavage, en Occident en général et en Amérique en particulier, les esclaves n’étaient pas, aux yeux de la loi, des personnes, des individus, des êtres humains mais des objets, des biens meubles que l’on pouvait, à volonté, déplacer, aliéner, vendre, échanger et, si besoin était, tuer sans en rendre compte à quiconque et certainement pas aux tribunaux. Car les choses, les meubles ne se plaignent pas pour ne pas parler de plaider ! C’est ce rapport-là que Wade, tout juriste qu’il soit, croit avoir et devoir entretenir avec le Pds. Il a raison mais jusqu’à un certain point seulement ! Car, même dans les codes les plus rétrogrades et les temps les plus reculés, il est prévu des circonstances où un fils peut être émancipé et un esclave affranchi. Même dans le monde romain antique où le ‘’ Pater Familias’’, le père de famille, avait tous les droits et notamment celui de vie et de mort même sur ses enfants, il y avait des limites qu’il ne pouvait dépasser sous peine de perdre, lui-même, tous les droits qui lui avaient été dévolus et de tomber ainsi dans le crime de lèse-majesté, non pas humain mais divin. De l’usage à l’abus, en effet, il peut n’y avoir qu’un tout petit pas que certains n’hésiteront jamais à franchir.

C’est ainsi que Me Wade pourrait bien se retrouver en situation d’abus et les libéraux de sa famille politique pourraient dire ‘’de position dominante !’’ Car s’il est indéniable que le Pds est bien son exclusive création, il est tout aussi vrai qu’étant ainsi créé et né, ce parti a, par là même, acquis une vie distincte et autonome impliquant des capacités, des droits comme des obligations nouvelles. De glissements en glissements et par pente tout à fait naturelle, on finit par arriver à la loi fondamentale : la Constitution de la République du Sénégal. Wade et Fada sembleraient ainsi comme avoir été renvoyés dos à dos, chacun d’eux ayant à la fois et raison et tort, mais cela est faux : c’est une simple erreur d’optique. Car Wade a tort sur le fond : il a crée le Pds, l’a entretenu et l’entretient encore, c’est vrai mais le Pds est au Sénégal et son premier devoir comme parti, c’est d’obéir aux lois de la République du Sénégal. Il y a, même dans les lois, une hiérarchie qu’il convient de connaître et surtout d’observer.

Heureusement, doit-on dire. Car le feuilleton du Président Wade d’un côté, et de l’autre ses différents adjoints, collaborateurs, adeptes ou partisans, n’a que trop duré. Il est devenu encore plus lassant que ces interminables séries sud-américaines qui ont fini d’envahir nos écrans et nos salons. De Baila Wane ou Fara Ndiaye dans les années 70-80 à Modou Fada aujourd’hui, qui pourrait seulement faire le compte des victimes de l’ire, des foucades ou des ‘’fatwas’’ du Secrétaire général national ? Pas moi, en tout cas ! Les uns ont été exclus et chassés comme des valets indélicats et les autres ont été mis dans des conditions telles qu’ils ne pouvaient que s’en aller d’eux-mêmes.

Le pire, le plus détestable de tout cela, c’est que Wade semble avoir un tel magnétisme, un tel pouvoir d’attraction que, nombre de ces exclus, pas mal de ces parias, n’ont eu de cesse ou de trêve que de se faire satelliser, à nouveau, pour avoir la faveur de devoir tourner encore et encore autour de ce même astre qui les avait pourtant si brutalement éjectés de son orbite. Ils s’étaient vus et crus, un moment, autonomes et aptes aux plus hautes responsabilités puis, se sont découverts tels qu’ils étaient : impotents et dénudés hors de l’ombre tutélaire (quoi que terrible parfois) de Maître Abdoulaye Wade. Certains, pour se consoler peut-être ou se payer de mots, ont voulu penser que c’étaient là de la simple politique, de la ruse ou de l’habileté tactique que d’aller ainsi à Canossa et se mettre en devoir d’aller adorer ce qu’ils s’étaient fait pourtant une joie de brûler en public ! Rien de tout cela en fait : un peu trop de souplesse d’échine tout simplement ! Serait-ce du domaine de l’inné ou de celui de l’acquis, des gènes donc ou de l’éducation ? Seul Dieu le Sait…

 

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