Publié le 7 Sep 2013 - 00:24
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

The Last Arab standing

 

 

Les menaces de frappe sur la Syrie ne se précisent pas dans les discours ampoulés du président des États-Unis Barack Obama mais dans les préparatifs militaires dans les eaux du Golfe et le renfort que la majorité républicaine est prête à lui apporter. Le sommet de Moscou du G20 sera l’occasion de rameuter les alliés traditionnels, ceux qui depuis l’aube de l’humanité asservissent les peuples qui n’ont pas inventé la poudre ni le gaz toxique. Les actions militaires qui se préparent auront une conséquence déterminante sur l’évolution ultérieure des peuples arabes car le président Bachar El Assad est le dernier leader arabe debout. Son affaiblissement progressif par une rébellion suscitée dans la foulée du printemps arabe puis la guerre civile que sa ténacité fait perdurer, l’ont de plus en plus isolé des autres pays arabes de l’ancien champ de bataille séculaire. La manœuvre conjointe entre l’armée américaine et Tsahal ébruitée par la Russie, montre le véritable enjeu stratégique.

Les États-Unis sont arrivés au bout d’un long processus de désagrégation de la nation arabe et il n’est pas étonnant que le dernier obstacle soit précisément le régime syrien qui se réclame du Ba’th arabe et socialiste, dont l’un des principaux fondateurs est Michel Aflack, un chrétien de Syrie. Le Ba’thisme fit de l’Unité, la Liberté et le Socialisme la pierre angulaire de son action politique. Cette soif d’unité arabe de la Syrie est une conséquence de l’amputation de son territoire originel par les puissances occidentales contrairement au mémorandum du 13 juillet 1919 du Congrès syrien qui exigeait l’indépendance et l’instauration d’une monarchie parlementaire décentralisée mais refusait l’implantation juive en Palestine. Le conseil suprême interallié de San Remo passe outre ce désir d’indépendance et place le 25 avril 1920 la Syrie et le Liban sous tutelle française. En juillet, le général Gouraud, commandant en chef de l’Armée d’Orient et Haut commissaire de la République française engage ses blindés et ses forces aériennes dans une bataille inégale contre les milices populaires syriennes à Maysalûn et s’empare de Damas.

L’indépendance obtenue en 1946 sur la moitié de la superficie de la Syrie historique, Damas prend part à la première guerre israélo-arabe de 1948. La défaite ouvre l’ère des coups d’État dont celle de 1963 qui consacre l’avènement de diverses factions du parti Ba’th. Le secrétariat régional du parti, discrédité par la deuxième guerre contre Israël, est évincé par le comité militaire qui impose le général Hafez El-Assad en 1970 tandis que le secrétariat national Michel Aflak émigre en Irak. Lors de la guerre civile libanaise, il suffira d’un coup de fil du président américain Ronald Reagan, qui plaidait pour une issue ''sans vainqueurs ni vaincus'', pour que le président Al-Assad envoie ses troupes combattre contre la résistance palestinienne et les islamo-progressistes. Alors certains se souviendront que lorsqu’il était ministre de la Défense du régime de Nur-eddine El Atassi, il avait refusé d’apporter l’appui aérien aux troupes syriennes parties secourir les palestiniens de Cisjordanie attaqués par l’armée du roi Husseïn de Jordanie.

Ce passif est aujourd’hui un des fardeaux de son fils qui l’a succédé au pouvoir, au moment où il doit compter ses amis. Mais la relation entre les Arabes est jalonnée de trahisons et l’unité de la nation arabe est plus une utopie qu’une réalité vécue. Il reste que le régime syrien est l’un des derniers pôles de modernité face aux monarchies arabes dont le rapport aux États-Unis d’Amérique et aux puissances occidentales est d’une rare ambiguïté. La guerre au terrorisme enclenchée par les États-Unis n’a pas encore résolu cette terrible équation que sur les 19 terroristes originels qui jetèrent les avions détournés sur les Twin Towers, 15 sont des sujets du royaume d’Arabie Saoudite et les quatre autres des membres de riches familles des Émirats arabes-unis, d’Égypte et du Liban. Sans parler des accointances anciennes entre Ben Laden lui-même et les services de renseignement américains pendant leur lutte commune contre les Russes en Afghanistan.

 

La première victime de cette guerre qui s’annonce est bien la légalité internationale telle que conçue au lendemain de la deuxième guerre mondiale par les vainqueurs qui sont encore les protagonistes sinon les provocateurs de toutes les crises mondiales. Les États-Unis ont décidé seuls que le régime en guerre civile de Bachar El Assad, dont toutes les parties, l'Armée nationale ayant fait scission, sont susceptibles de détenir des gaz toxiques, est plus coupable que la junte égyptienne qui tire sur des manifestants désarmés. Cette guerre, si elle doit avoir lieu, opposera encore les fils d’anciens colonisés aux puissances qui dominent le monde et qui veulent maintenir cette domination par tous les moyens nécessaires. Pourquoi donc François Hollande piaffe-t-il d’impatience ? La position de la Turquie soi-disant islamiste est compréhensible sous ce rapport : ne se voit-elle pas l’héritier d’autres conquérants, ces Turcs Seldjoukides qui dominèrent sous le drapeau de l’Islam tout le Moyen-Orient ?

La question de l’emploi de gaz toxique et d’autres armes de destruction massive est secondaire face à celle plus impérieuse de l’abolition de la guerre comme mode de résolution des conflits. Et aussi celle préoccupante qui s’impose de plus en plus dans les relations internationales que l'agitation de la rue et la subversion armée valent mieux que le suffrage universel. Mais le plus cocasse reste qu’au moment où le parlement du Royaume de Grande-Bretagne vote contre la Guerre emmenant son gouvernement à démobiliser ses troupes. Où le président Barak Obama compte sur l’appui des Républicains pour mener à terme son projet de guerre punitive, la France des révolutions ne peut entraver les ardeurs guerrières du pseudo-socialiste François Hollande avec des moyens constitutionnelles. L’on vous expliquera qu’une certaine constitution de 1958, rédigée par une commission comprenant des élus africains, pour un général qui avait pourtant combattu l’occupation nazie, est passée par là !

 

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