Publié le 3 Apr 2021 - 02:37
LOCALES A DAKAR

La mère des batailles

 

Malgré leur report probable pour 2022, la bataille fait rage au sein des états-majors pour le contrôle de Dakar.

 

La bataille s’annonce âpre. Pour les prochaines élections territoriales, c’est l’incertitude totale dans la capitale. Difficile de faire des pronostics. Même dans les différents états-majors, il sera très difficile de départager les candidats à la candidature de la mairie.

Déjà, trois forces semblent se détacher du lot. Il s’agit naturellement de Taxawu Dakar, qui trône à la tête de la capitale depuis 2009 ; de la majorité présidentielle, qui avait remporté les dernières élections majeures que sont les Législatives de 2017 – mais avec un Khalifa Ababacar Sall emprisonné - et enfin de Pastef (Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité)/ Les patriotes.

Vainqueur des élections de 2009 et de 2014, Taxawu Senegaal a perdu beaucoup de terrain à Dakar. En plus de la majorité des maires qui l’ont abandonnée pour aller goûter aux délices du pouvoir (8 au minimum), elle va devoir batailler ferme pour réunir ses principaux lieutenants dont Barthélémy Dias et Bamba Fall autour d’une même cause. Ceci est d’autant plus compliqué que Khalifa est annoncé hors cours. Mais, à en croire ce responsable, ceci ne saurait être un handicap. C’est plutôt une richesse. ‘’Dans un parti, pour la respiration démocratique, il est bon d’avoir plusieurs personnalités. Ils ne sont même pas de la même commune. Chacun doit d’abord s’occuper de sa commune ; ensuite, pour la ville ou le département, chacun est libre. Ce n’est pas un problème, c’est une richesse et c’est très bien pour un parti’’.

Interpellé sur les départs, il déclare : ‘’Cela ne veut rien dire. Ces gens, si c’était leur propre personne, ils ne seraient pas maires. Les Dakarois avaient choisi un projet porté par un individu.’’

En effet, entre 2014 et maintenant, la coalition de Khalifa Sall a perdu huit à dix mairies sur les quinze qu’il avait remportées de haute lutte, lors des dernières élections locales. Il s’agit des mairies de Dakar-Plateau, Cambérène, Parcelles-Assainies, Fass-Colobane-Gueule Tapée, Patte d’Oie, Grand Dakar, Sicap-Libertés, Biscuiterie et, dans une certaine mesure, HLM. Il ne lui restait plus que Mermoz Sacré-Cœur, Médina, Fann Point-E Amitié, Dieuppeul-Derklé, Hann Bel-Air, Grand-Yoff et Dalifort, jusqu’à la disparition récente d’Idrissa Diallo.

Pastef compte jouer les trouble-fêtes

Tout ce beau monde bat aujourd’hui pavillon BBY et avait contribué à la victoire de la coalition présidentielle, aussi bien aux Législatives qu’à la Présidentielle. Pendant ce temps, Taxawu, orphelin de son leader, reculait au profit d’autres entités du landerneau politique. Parmi ces forces en progression dans la capitale, il y a, à n’en pas douter, le parti d’Ousmane Sonko qui ne cesse de multiplier les sorties pour massifier ses rangs.

Selon son coordonnateur Abass Fall, il faudra bien compter sur le parti aux prochaines élections. Après avoir regretté une nième volonté de les reporter jusqu’en 2022, il peste : ‘’Depuis la Présidentielle de 2019, nous avons dit que, légitimement, nous pouvons prétendre à la mairie de Dakar. Pour ce faire, nous avions déjà commencé les descentes sur le terrain pour massifier le parti, sensibiliser les jeunes afin qu’ils puissent s’inscrire sur les listes électorales. Chaque semaine, nous organisons des échanges au niveau des différentes communes, dans le cadre des activités de sensibilisation des militants et sympathisants, par rapport à notre projet politique. Nous faisons deux à trois communes toutes les semaines.’’

A Pastef, les arguments ne manquent pas pour justifier les prétentions. Abass Fall explique : ‘’A la dernière élection présidentielle, nous étions 3e avec plus de 100 000 voix. Dans cinq communes - Ouakam, Ngor, Liberté, Mermoz Sacré-Cœur, nous étions 2e derrière la coalition présidentielle. C’est donc tout à fait légitime d’avoir des ambitions aussi bien dans ces localités que dans les autres où les résultats étaient très serrés. Ce qui est sûr, c’est que nous serons présents et nous jouerons pleinement notre partition’’. 

Khalifa, la tentation de…

 A Taxawu Senegaal, la même stratégie semble en branle pour la reconquête de la capitale. Mardi 30 mars, Khalifa était d’ailleurs aux HLM pour tâter le pouls des militants. Il était avec certains de ses lieutenants dont le maire de Mermoz Sacré-Cœur Barthélémy Dias. Comme pour se positionner, il disait : ‘’Quand je rencontre certains jeunes Dakarois, ils me disent qu’ils souhaitent que je devienne le prochain maire de Dakar. Mais je leur dis que le plus important, ce n’est pas que je sois maire, mais que nous travaillons ensemble pour la ville.’’

Barth de s’empresser d’ajouter que son ambition, c’est de continuer les chantiers de Khalifa Sall. ‘’On veut bâtir Dakar ; on veut atteindre les objectifs que Khalifa avait fixés pour la ville’’, souligne-t-il en rappelant des projets comme le ‘’Lait à l’école’’. Pour le moment, il semble en pole position pour diriger la barque de Taxawu dans la capitale, à moins que Khalifa se mouille à nouveau pour éviter, d’une part, la guerre inéluctable entre ses principaux lieutenants ; d’autre part, entre ses lieutenants et les responsables départementaux des autres partis de l’opposition.

En tout cas, à Pastef, certaines sources font état d’un véritable programme en gestation dans les officines du parti. Ousmane Sonko serait, selon des sources, à fond sur un livre relatif à la décentralisation. Ce qui pourrait donner beaucoup de matière à ses poulains, dans le cadre de ces prochaines élections.

Le PDS affûte ses armes

Par ailleurs, il serait réducteur de limiter la bataille de Dakar à BBY, Taxawu et Pastef. Au Parti démocratique sénégalais (PDS) on affûte également les armes. Secrétaire national à la Communication interne et à la Communication digitale, Nafissatou Diallo répond à tous ceux qui pensent que le Parti démocratique sénégalais est mort. ‘’Moi, depuis que je suis jeune, que j’ai commencé à m’intéresser à la politique, à lire et à comprendre, je lis que le PDS est mort. A l’époque, c’était sous le régime du Parti socialiste. J’ai tellement entendu cela, jusqu’en 1998. Je voyais ce titre barrer la une de certains journaux. Quand on a perdu le pouvoir en 2012, qui n’a pas dit que c’était fini, avec la vague de transhumance. Pourtant, pour les élections qui ont suivi, on est arrivé 2e face à une coalition de plus de 80 partis’’.

Selon la ‘’karimiste’’, militante à la Médina, le parti libéral est déjà fin prêt pour aller à l’assaut de la capitale et de toutes les autres localités. ‘’Comme vous le savez, insiste-t-elle, la meilleure manière d’animer et de massifier un parti, c’est de placer des cartes de membre. Depuis trois mois, le PDS est en tournée. Et la délégation a commencé par la région de Dakar… Par la même occasion donc, on prépare les futures élections. A l’instar de toutes les localités, les responsables de Dakar sont sur le terrain pour la préparation des opérations de placement des cartes’’.

En fait, pense-t-elle savoir, la différence avec les autres forces en présence, c’est que le PDS est une force tranquille. Elle déclare : ‘’Nous, nous ne sommes pas un parti de buzz. C’est la nouvelle mode de faire le buzz en politique. C’est pourquoi les gens ont été étonnés de voir nos voitures, nos tournées… Ils ont été surpris de nous voir sur le terrain, alors que nous y étions depuis décembre 2020, sans faire de bruit. Mais avec la levée des mesures, nous avons commencé la communication et ça fait peur… Comme je le dis : nous ne sommes pas dans le buzz ; nous sommes au contact de la base et nous parlons quand c’est nécessaire. Ce que je puis vous assurer, c’est que si les élections se tiennent demain, nous sommes prêts non seulement à Dakar, mais partout.’’

Par rapport à la bataille de Dakar, la ‘’karimiste’’ invoque l’évolution de leurs résultats depuis 2012, pour montrer qu’ils comptent toujours dans la capitale. Ainsi, soutient-elle : ‘’Nous avons pu doubler nos chiffres pour passer à plus de 4 000 voix contre plus de 6 000 pour BBY, 7 000 pour Bamba. Avant cela, Bamba était à 11 000 voix, le camp du pouvoir à 8 000 ; nous à environ seulement 2 000. C’est la même tendance au niveau de Dakar-Plateau et un peu partout ailleurs.’’

Cela dit, reconnait la jeune libérale, il va falloir au parti, et de bons candidats et une belle offre politique pour aller au-delà de son important vivier composé de 25 % au moins de l’électorat. Un vivier qui, quelle que soit la situation, vote PDS.

MOR AMAR

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