Publié le 8 May 2020 - 23:48
LUTTE CONTRE LE CORONAVIRUS

Le Sneips, l’antichambre de la prise en charge

 

La pandémie de la Covid-19 mobilise tous les secteurs. Ainsi, le Service national de l’éducation et de l’information pour la santé (Sneips), qui existe depuis 15 ans, concentre, depuis quelque temps, ses activités autour de la sensibilisation et de référer les éventuels cas positifs vers les structures adéquates pour leur prise en charge. Ces agents, composés en majorité de femmes, passent des nuits au service et sont souvent victimes d’insultes et de menaces de la part de certains appelants. 

 

‘’Bienvenue au numéro vert du ministère de la Santé’’. ‘’Service communication du ministère de la Santé, bonjour’’. Voici, en substance, quelques réponses servies par les téléconseillers du Service national de l’éducation et de l'information pour la Santé (Sneips). Très active en cette période de pandémie, la structure située à quelques mètres de l’hôpital général Idrissa Pouye de Grand-Yoff, reçoit à longueur de journée des appels relatifs au coronavirus. Si certains appellent pour s’enquérir des symptômes et de la situation de la pandémie au Sénégal, d’autres restent préoccuper par leurs statuts sanitaires.

‘’Notre rôle est d’orienter et d’assister à distance les malades. Tous les jours, on reçoit des appels, souvent venant d’interlocuteurs qui nous décrivent des symptômes du virus. Ils sont souvent dans l’angoisse, le stress.  Il nous revient de les rassurer, les prendre en charge et de traiter leur demande en temps réel’’, explique Miriam Mbaye, une téléconseillère.

Et pourtant, le calme qui règne à l’entrée des locaux où discutent quelques agents de sécurité de la structure, est aux antipodes des activités qui se déroulent à l’intérieur de la bâtisse. Dans les différents boxes visités, des téléconseillers, séparés par les distances recommandées, sont concentrés derrière des écrans d’ordinateur qui affichent toutes les régions du Sénégal.  Masque bien ajusté sur le visage, gel hydro-alcoolique sur la table, les agents restent attentifs aux éventuels appels venant des différentes localités du pays. Ce qui fait que la tranquillité des lieux est régulièrement perturbée par les sonneries de téléphones.

Vêtue d’un ensemble tailleur noir, Miriam Mbaye indique qu’il est important de prendre en charge les préoccupations des différents interlocuteurs au bout du fil. ‘’Quand ce sont des gens qu’on considère atteint de la Covid-19, on fait la remontée en temps réel, c’est-à-dire, on les signale très rapidement. Et on met à leur disposition le numéro de la cellule d’alerte. C’est à eux de voir comment les traiter. En même temps, on fait le suivi de ces cas pour qu’ils soient pris en charge très tôt’’, indique la jeune mère de famille.

En temps normal, les deux équipes du Sneips, constituées à 80 % de femmes, travaillent de 0 8 h à 14 h et de 14 h à 20 h. Avec la multiplication des cas du coronavirus, les téléconseillers ont dû réaménager leurs horaires, afin de référer et de détecter très tôt les éventuels cas positifs.

D’après le constat du Sneips, les nouveaux cas enregistrés chaque jour n’ont pas suffi à conscientiser certains qui continuent de nier la maladie. ‘’On leur donne l’exemple de ce qui se passe ailleurs, pour les inciter à davantage prendre leurs dispositions. On leur rappelle que la maladie tue, que c’est réel et qu’ils doivent respecter les mesures préventives, comme le port du masque et l’utilisation des gels hydro-alcooliques’’, indique Aimée Marceline Kaly.

‘’Quand je rentre au petit matin…’’

Docteur Ousmane Guèye et son team travaillent désormais H24, les horaires étant rallongés de deux heures. A tour de rôle, les équipes sont obligées de passer la nuit pour rentrer au petit matin à 8 h. Aimée Marceline Kaly commence à être habituée à ce rythme de travail, depuis bientôt deux mois. Cette mère d’un petit garçon ne compte plus les nuits qu’elle a passées loin de sa petite famille. Dans une robe trois-quarts noire, un béret rouge sur la tête, elle explique dans un rire contagieux : ‘’Mon mari est très compréhensif par rapport à mon travail et quand tu as un objectif, ton entourage doit te comprendre.  Quand je rentre le matin, mon fils me demande où est-ce que j’étais. Je lui réponds au travail.  Il me dit : ‘Il y a le coronavirus dehors ; il ne faut pas sortir.’ Une fois chez elle, la jeune dame essaye au maximum de rattraper le temps perdu pour combler son absence.

A l’heure où de nombreuses structures ont opté pour le télétravail, au Sneips, on est au front tous les matins pour barrer la route à la propagation du coronavirus. Quitte à parcourir de longues distances et faire face au transport. Fanta Mansaly a intégré le service, depuis bientôt deux mois. Contrairement à son collègue, la jeune maman d’un nourrisson ne peut pas passer des nuits au travail à cause de l’allaitement. Ce n’est pas pour autant qu’elle est épargnée.

En effet, l’ancienne journaliste dans une radio communautaire de Ziguinchor quitte tous les jours Sébikotane (département de Rufisque) pour rallier son lieu de travail. ‘’Avant, j’écourtais mes heures de travail pour être chez moi à temps. Mais maintenant, je peux rester jusqu’à 18 h, car on me dépose après le boulot. C’est la Covid-19 qui complique les choses, sinon, ce n’est pas un travail assez prenant’’, rassure-t-elle.

Sa collègue Ndèye Khady Fall est d’avis qu’avec cette période de pandémie où la principale consigne est ‘’Restez chez vous’’, il n’est pas évident de sortir, d’emprunter les transports et d’effectuer de longues heures de travail. ‘’La majeure partie des femmes, ici, sont mariées. Elles doivent accomplir leurs tâches professionnelles et gérer leurs familles. Avant, les horaires étaient moins longues’’, souligne l’habitante de Ouagou Niayes.

Seulement, dans leur routine quotidienne, nos interlocuteurs ne ménagent aucun effort pour satisfaire les Sénégalais et prennent très au sérieux la menace de la pandémie. ‘’Ce n’est pas facile, mais on a compris que c’est ensemble que nous vaincrons la Covid. Nous y mettons tout ce qu’il faut pour vaincre la maladie’’, fait savoir Rokhaya Ngom.  D’après ses propos, une fois dans la structure, les problèmes des travailleurs sont rangés aux oubliettes. 

‘’La priorité, c’est le travail et de rassurer les gens.  Souvent, à la fin d’une conversation, il y en a qui finissent par éclater de rire. Ils se rendent compte qu’en réalité, ils ne sont pas malades, mais ont seulement peur’’, se réjouit-elle.

‘’On est victime d’insultes et de menaces’’

Seulement, malgré les sacrifices consentis par ces téléconseillers, certains ne leur rendent pas la tâche facile. En effet, ces travailleurs du Sneips sont à longueur de journée victimes d’insultes et de chahuts. ‘’Des enfants s’amusent avec notre numéro vert, des adultes aussi nous appellent pour nous interpeller sur des questions obscènes. On se dit qu’ils ne sont pas conscients de la gravité de la situation’’, regrette Aimée Marceline Kaly. Fanta Massaly, elle, se désole des insultes et des menaces. Elle renseigne d’ailleurs que des investigations sont menées pour l’identification d’un numéro qui persiste dans les insanités. ‘’On passe nos journées à l’écoute de la population pour, en retour, récolter des insultes. Et avec ça on dit qu’on ne travaille pas. Des fois, on préfère ne pas décrocher, surtout si on reconnait le numéro de l’appelant’’, indique-t-elle.

 Rokhaya Ngom pense, pour sa part, que ces écarts de comportement sont en partie dus à la gratuité des appels. Cependant, précise-t-elle, ils ne sont pas là pour jouer, mais plutôt pour satisfaire la population. ‘’Il faut sensibiliser les parents qui laissent leurs portables à la disposition des enfants qui nous appellent pour rigoler. En ce moment, nous vivons une crise. Tout le monde est angoissé. Des gens patientent des minutes pour nous avoir où peinent à accéder à nous, parce qu’on est occupé à répondre à d’autres. On perd souvent des appels. Il m’est arrivé personnellement d’en perdre 50 en une journée. Quand on tombe sur un enfant, on raccroche sans pour autant savoir si c’est un appel sérieux ou pas’’, fulmine Rokhaya.

A ce propos, le directeur de la structure, Daouda Guèye, informe qu’une plainte a été déposée au commissariat de Yoff. Parallèlement, dit-il, une requête a été envoyée au niveau de la Sonatel pour traquer ces parasites. Il précise, en outre, que les agents de la structure ne sont pas inquiétés par le couvre-feu. ‘’Ils ont des badges pour leur permettre d’être identifiés.  Il y a aussi un car de ramassage qui les dépose le soir et les ramène le matin, pour leur faciliter le transport’’, renseigne Dr Guèye.

HABIBATOU TRAORE

 

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