Publié le 19 Nov 2024 - 15:16
MAÏKA BAFOUR MOULOUD

‘’Aller vers les femmes pour briser les réticences face au dépistage’’

 

La problématique sur la réticence des femmes face au dépistage nécessite un éclaircissement des acteurs de la santé. Ainsi, Maïka Bafour Mouloud, doctorante à la faculté de Médecine de l'université Amadou Hampaté Ba, actuellement interne au centre de santé de Thiadiaye, a éclairé la lanterne dans cette interview sur ce facteur qui ne contribue pas à la lutte contre le cancer au Sénégal.

 

Vous êtes en première ligne dans la sensibilisation et la prise en charge des cancers féminins, notamment du sein et du col de l'utérus. D'après votre expérience, pourquoi observe-t-on tant de réticence chez certaines femmes à se faire dépister ?

La réticence, en effet, est bien présente. Selon moi, les raisons pour lesquelles certaines femmes et jeunes filles hésitent à se faire dépister sont complexes et variées. Premièrement, il y a une mauvaise habitude que nous avons tendance à perpétuer : celle de ne consulter un médecin que lorsqu’on ne peut plus supporter la maladie. Combien de fois avons-nous entendu cette phrase : ‘’Je ne sens rien, pourquoi y aller ?’’ Cette attitude repose sur une fausse impression de bien-être tant que les symptômes ne sont pas visibles ou insupportables. En bref, les femmes ne veulent partir à l'hôpital que lorsque ça va mal ou lorsque nous ne pouvons plus supporter la douleur.

À part cette mauvaise habitude, y a-t-il d’autres facteurs qui expliquent cette réticence ?

Absolument ! Nous pouvons évoquer la peur. La peur y joue un rôle majeur. Il y a la peur de l'inconnu, de ce que pourrait révéler le dépistage, mais aussi la peur d'un éventuel coût élevé, si la prise en charge devait suivre un dépistage positif. Certaines femmes craignent l'impact économique d'un diagnostic de cancer. Je cite aussi le manque d'information qui est un facteur clé. Si elles ne comprennent pas l'importance du dépistage, il leur est difficile de faire ce pas. Mais les principales barrières incluent la peur des résultats, la stigmatisation associée aux maladies dépistées, le manque de sensibilisation et d'information sur l'importance du dépistage ainsi que des croyances culturelles ou religieuses qui peuvent dissuader certaines femmes de recourir à ces services. Parfois, il y a aussi des obstacles logistiques tels que le manque d'accès aux centres de dépistage, les coûts indirects (comme les frais de transport) ou les horaires de travail qui ne coïncident pas avec les horaires d'ouverture des centres de dépistage.

Certaines femmes pensent que la grossesse ou l’allaitement les protège du cancer. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Oui, c'est une idée que l’on entend souvent. Cette assertion n'est pas fausse, mais n'est pas à 100 % correcte. Il est vrai que dans la littérature, il est mentionné que la grossesse et l'allaitement peuvent avoir un effet protecteur contre le cancer du sein, par exemple. Cependant, cela ne signifie pas que le risque est nul. Tant qu'il existe ne serait-ce qu’un faible pourcentage de risque, il est plus prudent de se faire dépister régulièrement. Du moment qu'il existe même 1 % de risque, il serait plus judicieux de se faire dépister.

Comment faire en sorte que cette mobilisation contre les cancers féminins touche un plus large public ?

Il est essentiel de comprendre que la mobilisation ne concerne pas uniquement les femmes. Les hommes ont également un rôle crucial à jouer. Ils peuvent sensibiliser leurs conjointes et les femmes de leur entourage à l’importance du dépistage. Si nous réussissons à faire passer ce message auprès des hommes, nous toucherons un public plus large et cela aura un impact direct sur le nombre de dépistages réalisés.

Donc, la sensibilisation des partenaires masculins peut aider à réduire les barrières liées à la stigmatisation et encourager les femmes à se faire dépister. Les hommes peuvent soutenir leurs partenaires en les accompagnant aux rendez-vous ou en discutant ouvertement de la santé, ce qui peut renforcer la confiance et le sentiment de sécurité chez les femmes.

Pendant les campagnes de sensibilisation, il est enseigné l’autopalpation aux femmes. Pourquoi est-ce si important ?

L'autopalpation est un outil essentiel pour permettre aux femmes de détecter elles-mêmes des signes alarmants. Cela fait d'elles des actrices principales de leur propre santé.

Toutefois, il est toujours recommandé de consulter un professionnel de santé pour un dépistage sûr. Les professionnels ont l'expertise et les outils nécessaires pour confirmer ou infirmer des soupçons. Le suivi des instructions du fabricant du kit de dépistage à domicile est crucial. Il faut s'assurer que le test a été validé scientifiquement. Les résultats obtenus à domicile doivent toujours être confirmés par un test en laboratoire pour garantir leur fiabilité.

Malgré la gratuité du dépistage dans certains cas, certaines femmes restent réticentes. Quelle approche suggérez-vous pour les convaincre ?

Effectivement, même lorsque le dépistage est gratuit, certaines femmes hésitent encore. Dans ce cas, il est impératif de changer notre stratégie. Nous devons augmenter l'accès au dépistage à domicile en fournissant des kits gratuits et en facilitant les dépistages mobiles qui se déplacent vers les lieux de résidence des femmes. Il ne suffit pas d’attendre qu’elles viennent à nous, il faut aller vers elles. Cela signifie se rendre dans leurs maisons, discuter avec elles, les informer et essayer de les convaincre sur l'importance du dépistage. Nous devons adapter nos méthodes de sensibilisation à leur réalité. On intensifie la sensibilisation sur les risques de l'absence de dépistage, en insistant sur les avantages à long terme pour leur santé. Une approche intégrée, impliquant la communauté, les leaders d'opinion et les professionnels de la santé, peut aider à motiver les femmes à prendre cette démarche proactive.

Quels risques courent ces femmes, si elles ne se font pas dépister à temps ?

Le dépistage précoce est crucial. Si le cancer est détecté tôt, qu'il s'agisse du cancer du sein ou du col de l'utérus, le taux de guérison peut atteindre 100 %. Alors que si nous n'intervenons pas assez tôt, le taux de guérison diminue considérablement et les chances de survie s'amenuisent. C'est pourquoi il est vital de convaincre ces femmes de se faire dépister le plus tôt possible.

Donc, le refus ou le retard du dépistage peut entraîner une détection tardive, ce qui réduit les chances de traitement efficace. Les maladies non détectées peuvent se développer, entraînant des complications graves, voire mortelles. De plus, cela peut augmenter les coûts des soins de santé à long terme pour les familles et les systèmes de santé.

Quel message souhaitez-vous adresser à celles qui hésitent encore à se faire dépister ?

Mon message est simple : le dépistage sauve des vies. Il ne faut pas attendre que les symptômes deviennent insupportables. Le cancer, s'il est pris à temps, est souvent guérissable. Parlez-en autour de vous, à vos proches, hommes et femmes. Ensemble, nous pouvons réduire considérablement l'impact de ces cancers sur nos vies et nos communautés. 

Ainsi, il est essentiel de combiner des approches psychologiques, sociales et technologiques pour encourager le dépistage et réduire les obstacles auxquels font face certaines femmes. Sensibiliser les proches et la communauté, améliorer l'accès aux services de santé et intégrer les nouvelles technologies sont des stratégies clés pour renforcer l'acceptation et la pratique du dépistage.

 

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