Publié le 28 May 2012 - 16:10
MEDIAS

 Al-Jazeera prépare une chaîne d'info en français basée à Dakar

 

 

 

La chaîne qatarienne ouvrira d'ici à la fin de l'année une chaîne d'information en continu en français depuis Dakar, la capitale du Sénégal.

 

Après avoir conquis le monde arabe, et successivement lancé un canal anglophone et des déclinaisons à l'usage de la Turquie et des Balkans, la chaîne du Qatar a décidé de faire du continent africain son nouveau terrain de jeu.

Si le lancement, il y a quelques mois, d'al-Jazeera en swahili était une réponse à la suprématie de la BBC et des médias sud-africains sur l'Afrique de l'Est, la création d'un signal francophone vise clairement à en découdre avec l'influence médiatique de la France en Afrique de l'Ouest, voire au-delà. En effet, la chaîne devrait être aussi accessible aux téléspectateurs de l'Hexagone via le satellite et aux francophones du Maghreb, deux cibles que Doha «travaille», depuis des années.

 

«Mais pourquoi Dakar et pas Paris?», s'interroge un ancien du groupe al-Jazeera, qui rappelle que ses responsables avaient envisagé de faire de leur bureau parisien, le centre de leur antenne francophone. Plusieurs raisons expliqueraient ce choix. Tout d'abord, la complexité de la législation et la lourdeur des obligations françaises les auraient fait renoncer au projet. «Al-Jazeera sera beaucoup plus libre de s'affranchir de certaines contraintes au Sénégal qu'à Paris», résume notre source.

 

L'an dernier, les responsables du groupe audiovisuel qatarien avaient, par ailleurs, peu apprécié l'arrivée fracassante de France 24 en arabe, en plein printemps arabe. Ils ont silencieusement rongé leur frein, tandis que la toute nouvelle chaîne française multipliait les communiqués triomphant sur sa conquête d'audience et de légitimité. Laissant sous-entendre au passage la perte de crédibilité d'al-Jazeera dans le monde arabe… «Comment peut-on prétendre avoir plusieurs dizaines de millions de téléspectateurs dans le monde arabe quand on sait quelle est l'extrême fragmentation de l'audience dans ces pays. Qu'on le veuille ou non, dans les pays arabes, il existe deux chaînes d'infos de référence al-Jazeera et al-Arabiya (à capitaux saoudiens, NDLR)», souligne un autre expert, sous couvert lui aussi d'anonymat.

 

Recherche d'influence

Une raison plus politique a pu également retarder le projet: il s'agit des liens privilégiés que le Qatar et la France de Nicolas Sarkozy ont tissés à partir de 2007, lorsque Doha a pesé dans plusieurs dossiers de politique extérieure, que ce soit en Libye pour régler la douloureuse détention des infirmières bulgares ou déloger Kadhafi du pouvoir, et plus récemment en Syrie pour en faire de même avec Bachar el-Assad. «On peut penser que le Qatar ne voulait pas embarrasser l'Élysée en créant une concurrente de France 24, qui aurait eu un regard différent sur de nombreuses questions internationales», observe l'ancien d'al-Jazeera.

Après l'élection de François Hollande, la donne n'est plus la même, même si le Qatar se cherche aujourd'hui des contacts avec la nouvelle administration socialiste. «Un fils de l'émir m'a appelé pour se plaindre que le Qatar n'avait pas de relais à gauche», confie un homme d'affaires français, influent entre Paris et Doha.

Cela étant, la très active diplomatie qatarienne ne devrait pas mettre longtemps à s'adapter à la nouvelle donne. Son maître d'œuvre, le premier ministre, Hamad Ben Jassem, a déjà discrètement rencontré François Hollande durant la campagne électorale. Et Laurent Fabius, le nouveau ministre des Affaires étrangères, a été reçu au printemps à Doha par l'émir, Cheikh Hamad. Peut-être ont-ils évoqué al-Jazeera en français?

Une chose est sûre: même si la chaîne francophone élit domicile à Dakar, Doha restera le centre de décision en ce qui concerne les questions de diffusion du signal. En effet, techniquement autant que pour des raisons de coûts, al-Jazeera privilégie la logique des «fenêtres» et des «décrochages» en fonction des prime times des zones géographiques respectives. De plus, cela facilite la reprise d'une partie de la grille anglophone, dont la qualité n'est plus à démontrer. 

 

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