Publié le 14 Nov 2024 - 19:15
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DE L’ACTION SOCIALE

399 salariés payés à ne rien faire depuis une dizaine d’années

 

Le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Ibrahima Sy, a annoncé hier la tenue d’un conseil interministériel sur le système de santé en vue d’aller vers les états généraux de la santé, lors d’une conférence qui lui a permis de faire un diagnostic complet de son département et des révélations sur la gestion de ses prédécesseurs.

 

Le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Ibrahima Sy, a fait le point, hier, sur son département, lors d’une conférence de presse. La rencontre a été riche en révélations.

Les éléments de diagnostic situationnel ont permis, selon lui, de constater 21 points. Il a cité la problématique de la disponibilité des médecins spécialistes et de la non-maîtrise de la masse salariale, le retour à la mise en œuvre de la carte sanitaire pour faire évoluer substantiellement le plateau technique médical et l’offre de soins de santé, notamment l’érection de cases de santé en postes de santé, de postes de santé en centres de santé et de centres de santé en établissements publics de santé (EPS) conformément aux normes et standards définis ainsi qu’à l’évolution des besoins de santé.

Il a également évoqué l’irrégularité dans la situation des agents de santé du ministère, suite à un contrôle des effectifs réalisé par la Direction de la Solde pour confronter sa base de données à celle du ministère. Ce contrôle, dit-il, a révélé 1 080 agents en situation irrégulière, dont 480 agents présents dans la base de données du ministère, mais non répertoriés au niveau de la solde, et 600 agents actifs dans le fichier de la solde, mais non répertoriés dans la base de données du ministère. Plus de 142 agents ont été retrouvés au niveau des structures de santé.

Ainsi, le ministre révèle que 399 salariés sont payés depuis plus d’une dizaine d’années pour le compte du ministère sans travailler pour celui-ci. ‘’Les dispositions seront prises pour une présentation de ce dossier auprès de l’agent judiciaire de l’État. Pour plus de visibilité sur le personnel et la masse salariale, un audit est en cours de réalisation’’ informe le ministre.

Poursuivant son diagnostic, il a mentionné la vétusté des bâtiments, des installations électriques et du système d’assainissement et d’approvisionnement en eau, avec des risques d’incendies et d’infections nosocomiales ainsi que des difficultés d’extension. ‘’La plupart de ces structures présentant des dysfonctionnements sont des hôpitaux de niveaux 1, 2 et 3 construits depuis plus de trente ans et ne répondant plus aux normes architecturales et organisationnelles, malgré de nombreuses réhabilitations, notamment les hôpitaux de Saint-Louis, Ndioum, Ourossogui, Tambacounda, Ziguinchor, Kolda, Kaolack, Thiès, Diourbel, Louga, l’hôpital Aristide le Dantec et l’hôpital Général Idrissa Pouye’’, informe le Dr Sy.

Pour illustrer son propos, il prend exemple sur les récents incidents d’incendies dans les services de néonatologie des hôpitaux de Linguère et de Tivaouane qui illustrent les défaillances des installations électriques dans les bâtiments abritant les services médicaux.

‘’En effet, la qualité du service est intrinsèquement liée à une infrastructure fonctionnelle et conforme aux normes. Cette situation de vétusté est particulièrement préoccupante dans les régions de Thiès, Diourbel et Ziguinchor où respectivement 93 %, 92 % et 87,5 % des infrastructures doivent être réhabilitées’’.

‘’Un lit pour 2 589 habitants dans les services d’hospitalisation’’

Le ministre informe, en outre, qu’il y a une forte concentration des ressources infrastructurelles, logistiques et matérielles des offres de santé (publiques et privées) à Dakar. Sur les douze établissements publics hospitaliers de niveau 3, dix sont concentrés dans la région de Dakar et deux à Diourbel. Le ratio est alarmant : un lit pour 2 589 habitants dans les services d’hospitalisation, un lit pour 48 530 habitants dans les services d’urgence et un lit pour 147 356 habitants pour la réanimation.

Le ministre a également évoqué la forte concentration de l’offre de soins spécialisés entre les régions de Dakar, Thiès et Saint-Louis (cardiologie, prise en charge des cancers, neurologie et neurochirurgie, médecine nucléaire, urologie…). Il note l’existence de seulement deux hôpitaux pédiatriques (hôpital pour enfants de Diamniadio et hôpital d’enfants Albert Royer) pour 7 321 031 enfants de moins de 15 ans.

Également, Ibrahima Sy se préoccupe de la concentration des équipes médicales dans les régions de l’Ouest et du Centre-Ouest. S’agissant de l’imagerie médicale, il renseigne que 60 % des scanners sont situés dans l’axe Dakar, Thiès et Diourbel, avec une faible disponibilité d’IRM (quatre à Dakar, un à Touba et un en cours d’installation à Ziguinchor).

Les dépenses exécutées, mais non encore justifiées

Le ministre a également abordé la question des dépenses exécutées, mais non encore justifiées de 1 165 498 euros concernant le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) pour la période 2018-2020, dans le cadre d’une subvention de 32 368 108 €, soit 21 227 298 533 F CFA. ‘’Le MSAS doit rembourser le montant non justifié pour ne pas s’exposer à un débit d’un montant double au moment du versement de la prochaine subvention du Fonds mondial’’, déplore-t-il.

Dans la même veine, il a fait état d’un détournement de fonds à Kolda, dans le cadre du projet PASME à hauteur de 42 458 818 F CFA, constaté suite à un audit d’organes indépendants, notamment le cabinet GMS et l’Inspection générale des Finances. Ce Projet d’appui à la santé de la mère et de l’enfant (PASME) est une convention de financement AFD 1411 01 Y/PASME Kolda et Sédhiou, d’un montant de près de 8 000 000 €, destiné à la construction des centres de santé de Médina Yoro Foulah et de Bounkiling, ainsi qu’à la réhabilitation du Centre régional de Formation en Santé de Kolda. ‘’Ce projet a été suspendu par l’AFD à partir de juillet 2019 suite à ce détournement, entraînant la perte d’un financement de 7 115 969,79 € en plus de la demande de remboursement du montant de 42 458 818 F CFA par le bailleur’’, révèle-t-il.

Selon toujours le ministre, ‘’la mobilisation d’un budget d’investissement de 1 000 milliards F CFA de 2013 à 2023 n’a pas eu un grand impact sur le renforcement du système de santé, au regard du diagnostic qui vient d’être fait sur le secteur. Le MSAS est à 9 % du budget national, au lieu des 15 % préconisés au niveau communautaire. Cela signifie que les besoins de financement restent énormes pour le secteur de la santé’’.

Il ajoute que la rétention des données sanitaires de routine et la non-mise à jour de la plateforme DHIS2 ne permettent pas d’avoir une évaluation de la performance de notre système de santé, notamment le renseignement de certains indicateurs clés. Ce qui fait manquer beaucoup d’opportunités de financement pour notre secteur de santé.

Le ministre annonce les états généraux de la santé

Le ministre s’est également prononcé, hier, sur les réalisations enregistrées depuis qu’il est aux affaires. Il a cité le domaine des infrastructures sanitaires, de la digitalisation et de l’information sanitaire, du relèvement du plateau technique et des prestations.

De plus, Ibrahima Sy a annoncé des actions urgentes à court terme pour lancer la mise en œuvre du nouveau référentiel des politiques pour le secteur de la santé. Il s’agit de la mise en place d’une unité d’assistance technique de projets et programmes dénommée Delivery Unit, pour accroître les capacités organisationnelles, techniques et de mobilisation de financements. Il prévoit également l’adaptation du Plan national de développement sanitaire et social (PNDSS-2019-2028) au nouveau référentiel des politiques publiques, la préparation de la nouvelle Lettre de politique sectorielle de développement de la santé (LPSD), l’accélération du processus d’évaluation prospective et participative de la réforme hospitalière de 2018, la généralisation du management de la qualité…

La tutelle envisage aussi la révision et la mise à jour de la carte sanitaire selon de nouvelles normes et standards pour améliorer la qualité de la desserte médicale ainsi que la tenue d’un conseil interministériel sur le système de santé en vue d’aller vers les états généraux de la santé.

CHEIKH THIAM

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