Publié le 15 Mar 2023 - 20:17
MISSION DU FMI AU SÉNÉGAL

Discussions autour d’un nouveau programme économique et financier

 

Le Fonds monétaire international (FMI) a effectué une mission au Sénégal, du 8 au 14 mars 2023, pour faire le point sur l’évolution récente de l’économie, mettre à jour les prévisions macroéconomiques et discuter des options potentielles pour un nouveau programme économique et financier soutenu par le FMI.

 

Le Sénégal et le Fonds monétaire international (FMI) vont discuter des options potentielles pour un nouveau programme économique et financier soutenu par l’institution de Bretton Woods. Cela a été annoncé hier, au terme de la mission (du 8 au 14 mars 2023) d’une équipe du FMI dirigée par Edward Gemayel, pour faire le point sur l’évolution récente de l’économie sénégalaise et mettre à jour les prévisions macroéconomiques.

‘’Les négociations pour un nouveau programme soutenu par le FMI commenceront en marge des réunions de printemps du FMI, à la mi-avril, à Washington et se poursuivront à Dakar à la fin du mois d’avril’’, a commenté le chef de mission lors d’une conférence de presse organisée hier.

S’il faut attendre des négociations officielles pour comprendre les contours de ce futur partenariat, Edward Gemayel a évoqué un programme autour de trois ans dont les axes principaux tourneront autour de trois points : ‘’Le renforcement de la résilience des finances publiques et la redirection de la trajectoire de la dette sur une tendance baissière ; l’amélioration de la gouvernance, de la transparence, de la lutte contre le blanchiment d’argent et du financement du terrorisme ; et l’amélioration de la résilience socioéconomique à travers le renforcement du dispositif de protection sociale, la mise en œuvre des réformes pour une croissance plus inclusive et l’amélioration du climat des affaires.’’

De plus, les autorités sénégalaises ont demandé à bénéficier de la nouvelle facilité de résilience et de durabilité contre les changements climatiques introduite par le FMI, informe le chef de mission.

L’inflation au plus haut niveau, depuis 10 ans

Le 19 janvier dernier, le Conseil d'administration du FMI approuvait la sixième et dernière revue du programme au titre de l'Instrument de coordination des politiques (ICPE) et les troisièmes et dernières revues de l’accord au titre de l'Accord de confirmation (AC) et de la Facilité de crédit de confirmation (FCS). Un achèvement qui a permis le déblocage immédiat d'environ 133 milliards F CFA au profit du Sénégal.

Au titre de l’évolution récente de l’économie sénégalaise, les statistiques du FMI tablent, concernant l’année 2022, sur un ralentissement plus marqué que prévu de la croissance et du PIB.

‘’La croissance du PIB réel est désormais estimée à environ 4 % au lieu de 4,7 % projeté, en raison d'une campagne agricole moins favorable et d'une contraction de la production industrielle. L'inflation moyenne a atteint 9,7 %, son plus haut niveau depuis plusieurs décennies, en grande partie du fait de la flambée des prix des denrées alimentaires’’.

Cette tendance s’applique aux recettes fiscales qui ont été légèrement inférieures aux prévisions, tandis que les dépenses courantes ont dépassé l’objectif fixé entre le gouvernement et le FMI, ‘’en raison de l’augmentation de la masse salariale de l’Administration publique. Les subventions à l’énergie ont atteint un niveau record de 700 milliards F CFA (4 % du PIB)’’.

Un déficit public au-dessus de 6 % depuis trois ans

Toutes ces mesures ont contribué à creuser le déficit public qui est resté au-delà de 6 % durant trois années consécutives. En janvier, les autorités sénégalaises se sont engagées à accélérer l'assainissement budgétaire pour contenir le déficit de 2023 en dessous de 5 % du PIB, tout en renforçant leur réponse pour alléger le poids de la crise du coût de la vie. Pour réduire les subventions à l’énergie en 2023, une hausse des prix de l'électricité et des carburants est effective depuis janvier.

En outre, le gouvernement a publié une feuille de route visant à supprimer progressivement les subventions à l’énergie, d'ici 2025.

Toutefois, les perspectives à moyen terme restent favorables. Pour 2023, le FMI estime que la croissance de l’activité économique devrait s’accélérer à un rythme plus lent qu’initialement projeté. En même temps, ‘’l’inflation devrait reculer de 9,7 % à environ 5 % à la fin de l’année’’.

Une bonne nouvelle en perspective pour le pouvoir d’achat des ménages. À condition ‘’d’un démarrage de la production pétrolière et gazière à la fin de l’année, et de la mise en œuvre des réformes structurelles visant à surmonter les principaux obstacles au développement du secteur privé dans le cadre de la phase 3 du Plan Sénégal émergent’’, souligne Edward Gemayel.

La dette publique au-dessus du seuil de l’UEMOA

Le chef de mission du FMI ajoute que l’institution souhaite également que le nouveau programme qui sera discuté avec le Sénégal puisse reprendre les réformes qui ont été entamées et qui sont inachevées. Elles concernent, entre autres, l'amélioration de la transparence et de la responsabilité, l'adoption d'un nouveau Code des marchés publics pour favoriser des appels d'offres plus ouverts et plus compétitifs ou encore la mise en place d’un cadre fiscal pour la gestion des revenus des hydrocarbures, afin de s'assurer que ces ressources profiteront au développement du Sénégal.

La dette publique du Sénégal est estimée à ‘’75 % du PIB, dont 67,5 % pour le gouvernement central’’, soit 5 points au-dessus du seuil communautaire d'endettement de l’UEMOA (70 %). D’ailleurs, prévient le représentant du FMI, ‘’les premiers signes d’un resserrement des conditions de financement sur le marché régional des titres publics appellent à la vigilance et à l’élaboration d’un plan de contingence. Dans ce contexte, nous pensons que l’amélioration de la mobilisation des recettes fiscales et la rationalisation des dépenses publiques non prioritaires contribueront à atténuer les pressions financières tout en préservant  la viabilité de la dette’’.

La crise bancaire aux États-Unis n’affectera pas le Sénégal

Malgré tout, rappelle Edward Gemayel, la dette publique reste modérée. En plus simple, elle occupe un niveau 2 sur 4, cette  dernière étant le niveau de risque le plus élevé.

Toutefois, ‘’la marge de manœuvre a été épuisée par les déficits élevés notés ces dernières années. D’où l’importance d’une consolidation graduelle sur les prochaines années à travers un renforcement des recettes internes  et une rationalisation des dépenses’’, retient-il.

La réduction de cette marge de manœuvre pourrait exposer l’économie sénégalaise à une crise financière externe, comme celle redoutée depuis la crise du système bancaire aux États-Unis, avec la fermeture de la Silicon Valley Bank (SVB) par les autorités américaines. La plus grande faillite bancaire aux États-Unis depuis la crise financière de 2008 inquiète forcément le reste du monde.

Mais le représentant du FMI rassure les Sénégalais. ‘’On ne pense pas que la crise bancaire aux États-Unis aura un impact sur le Sénégal. On est toujours en train d’étudier ce qui s’est passé, mais cela ne devrait pas affecter le pays’’, a assuré  Edward Gemayel.

Lamine Diouf

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