Publié le 1 May 2020 - 06:04
PR. YÉRIM MBAGNICK DIOP (DIRECTEUR DE LA PHARMACIE ET DU MÉDICAMENT)

“Nous allons mettre de l’ordre à la vente de tisanes à base d’artémisia’’

 

Au Sénégal, grâce à la chloroquine, 315 patients sont maintenant guéris de la Covid-19. Toutefois, un autre produit brandi par les Malgaches, l’artémisia, arrive, avec la commande passée par le président Macky Sall.  Dans cet entretien, le professeur Yérim Mbagnick Diop, Directeur de la Pharmacie et du Médicament, se prononce sur cette question et sur la disponibilité de la chloroquine.

 

Nous avons vu le président de la République passer une commande d’artémisia au niveau de Madagascar. Pouvez-vous nous dire quelle est la différence entre la chloroquine et l’artémisia, dans le cadre de la Covid-19 ?

Déjà, pour un éclairage du public, pour la Covid-19, il n’y a pas de traitement efficace attesté scientifiquement par la communauté scientifique, y compris la chloroquine. Il y a la chloroquine, il y a également des antiviraux et beaucoup de médicaments qui sont en train d’être testés. Mais, pour le moment, ils ne sont pas encore déclarés médicaments Covid pur et dur. De la même façon, l’artémisia a été évoqué par les Malgaches – qui, je le rappelle, n’ont pas beaucoup de cas, d’après les informations – qui disent utiliser ce produit curatif.

Maintenant, sur la base de la commande du président de la République, nous techniciens et scientifiques, on ne peut qu’encadrer cette utilisation. Donc, on va incessamment réunir le Comité d’experts du médicament, qui va se prononcer sur les voies et moyens d’encadrer, sur le plan éthique, scientifique, technique et règlementaire l’utilisation de l’artémisia. Une réunion se tiendra, dès demain (NDLR : aujourd’hui). Et cela, c’est une commande du Comité de gestion de l’épidémie avec le docteur Marie Khemesse. Si je te donne un avis scientifique d’ores et déjà, il y a d’autres propositions de plantes médicinales qu’on aura sur la table pour étudier celles qui ont des possibilités curatives. On évaluera toutes ces possibilités pour voir celles qui pourraient ou non être utilisées, dans le cadre de la riposte contre la Covid-19.

 Cela dit, je voudrais en profiter pour dire qu’il y a beaucoup de personnes qui commencent à vendre des tisanes à base d’artémisia qui sont en train d’exploser dans certaines zones du Sénégal. Je veux rappeler aux gens que même si ça existe au Sénégal, s’ils le présentent comme complément alimentaire, les compléments alimentaires sont réglementés au niveau de la zone UEMOA. On ne peut pas se lever un beau jour, faire son mélange et dire qu’on vend un complément alimentaire.

Nous allons essayer de mettre de l’ordre dans tout ça, parce nous sommes dans un pays organisé. Sinon, les gens vont se mettre à spéculer, parce que comme vous le savez, les périodes de crise sont les périodes des mauvais commerces. Nous l’avons vu avec les masques dont les prix sont passés du simple au centuple. Un masque qui coutait 50 F coûte maintenant 500 F. Mais c’est au niveau international ; ce n’est pas simplement le Sénégal qui subit cette surenchère. On essaie quand même de réguler. Il faut que les gens se calment. Il y des techniciens qui prennent en charge cette question. On va voir dans quel protocole on va introduire l’artémisia et l’encadrer. Si c’est avéré efficace pour la prévention, on va l’organiser également. C’est comme ça que marchent les choses. 

Des patients ont été guéris grâce à la chloroquine. Pourriez-vous nous faire la situation de ce médicament au Sénégal ?

La situation du Sénégal dans la disponibilité de la chloroquine est confortable. On en a suffisamment pour tenir au moins jusqu’à 5 000 à 6 000 doses. Ensuite, on attend d’autres livraisons, normalement. Mais, avec les grossistes, se pose un petit problème, parce que comme vous le savez, il y a des restrictions au niveau de l’Inde et au niveau de certains pays. Il faut alors un peu activer la voie diplomatique pour pouvoir permettre à ces industries de pouvoir exporter vers le Sénégal. Mais, pour le moment, il y en a assez.

Donc, l’information faisant état d’une potentielle rupture de la chloroquine au Sénégal n’est pas avérée ?

En fait, cette information, c’était en son temps. C’était une rupture virtuelle, plutôt. Du fait de l’avènement de la Covid-19, puisqu’on ne savait pas où on allait, on avait choisi de bloquer un peu le stock disponible, pour une éventuelle prise en charge de cas Covid. Parce que, à un moment également, il y avait la polémique autour de son efficacité. Mais c’était des précautions pour la prise en charge des cas Covid. Ça a créé un peu de tension, mais c’est dépassé depuis.

Les autres malades qui utilisent la chloroquine pour leurs soins peuvent-ils se rassurer de la disponibilité du médicament pour eux également ?

Affirmatif, je dirai. Nous avons pris une circulaire en direction des professionnels du médicament, pour leur dire de contingenter la quantité de médicaments actuellement. Parce qu’on ne voudrait pas qu’il y ait de la panique et que les gens se mettent à stocker des médicaments. Donc, les malades de rhumatisme, de lupus peuvent aller dans leur officine de choix demander leur médicament. Mais avec une prescription médicale. Et sur cette base, on peut leur fournir le médicament. Et même si ce n’est pas disponible dans leur pharmacie, la pharmacie peut commander chez les grossistes.

Du côté des grossistes également, nous avons vraiment contingenté pour plafonner les commandes pour que les gens ne stockent pas la chloroquine et ne détournent pas son utilisation vers des cas supposés de Covid. La prise en charge des malades de la Covid se fait en, effet, au niveau des centres de traitement qui sont édifiés à cet effet. Donc, il n’y a pas d’automédication avec la chloroquine, dans le cadre de la Covid-19. Et c’était cela qu’on voulait éviter. Donc, il n’y a pas de problème. On travaille à maintenir le stock. C’est un travail continu et on espère qu’on sera à l’abri de rupture.

IDRISSA AMINATA NIANG

 

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