Publié le 19 Oct 2020 - 21:55
PRESIDENTIELLE EN GUINEE

Vers l’impasse !

 

La Guinée a vécu son premier tour de la présidentielle, ce dimanche. Si le scrutin a réuni 12 candidats, deux d’entre eux ont toutefois attiré les attentions : il s’agit du président sortant, Alpha Condé, et de Cellou Dalein Diallo qui ont, dans l’ensemble, salué le déroulement du vote, malgré quelques heurts notés dans certaines localités. Mais beaucoup redoutent l’impasse dans les jours à venir…

 

Les Guinéens étaient aux urnes, ce dimanche, pour le premier tour de la présidentielle. Au total, c’est 15 000 bureaux de vote qui ont été ouverts sur l’ensemble du territoire national pour permettre aux cinq millions d'électeurs attendus au départ de faire leur choix parmi les 12 candidats en compétition. L’affluence a toutefois été timide dans la  matinée. Cette situation est due, informe-t-on, à l’appel au boycott d’une partie de l'opposition et de la société civile.

Seulement, deux candidats ont cristallisé les attentions durant tout le processus électoral : le président sortant Alpha Condé qui brigue un troisième mandat et son opposant historique Cellou Dalein Diallo. Le premier nommé, âgé de 82 ans et leader du parti du Rassemblement du peuple de Guinée, a effectué son devoir citoyen en fin de matinée dans une école pour enfants sourds de Conakry. A la sortie de son bureau de vote, le président sortant a appelé ses concurrents à la sérénité. Son souhait, dit-il, est que le scrutin soit libre, démocratique et transparent. ‘’Nous allons faire en sorte de sécuriser tous les bureaux de vote. La Guinée ne peut pas se développer, s’il n’y a pas la paix, la sécurité et l’unité. Nous invitons tous les candidats à éviter tout acte de violence. Nous souhaitons que le peuple guinéen puisse exprimer librement son choix et que les observateurs jouent leurs rôles, qu’ils puissent être dans tous les bureaux de vote, afin de contrôler et voir que tout se passe bien’’, déclare-t-il à l’endroit de la presse.   

Son challenger, Cellou Dalein Diallo, 68 ans, qui a voté aux environs de 14h, s’inquiète lui non pas du déroulement du scrutin, mais plutôt de la suite du vote. Si, craint-il, Alpha condé essaye de s’emparer par la ruse et la violence du pouvoir, ‘’en ce moment, ce ne serait pas acceptable pour nos partisans et les patriotes guinéens qui voudront voter pour l’alternance’’, avertit-il. Beaucoup de rumeurs ont circulé, dans les capitales des pays de l’Afrique de l’ouest, évoquant cette hypothèse.  

En mi journée, le Président de la Coordination de la mission internationale de la société africaine (Comisa), Compaoré Seydou  a déclaré, à titre d’observateur, que ‘’le vote s’est passé très bien. Nous avons visité beaucoup de bureaux. C’est la voie démocratique qui s’est dégagée et c’est ce que nous recherchons en Afrique’’. Et d’ajouter : ‘’les Guinéens sont matures et savent ce qu’ils veulent. Il ne faut pas qu’à chaque élection, on n’entende que des cris, des pleurs, des morts et les incarcérations’’. Pour lui, ‘’les Guinéens se sont mis ensemble pour chercher le fauteuil présidentiel. Ils sont sortis massivement, disciplinés et dans l’ordre pour accomplir leur devoir citoyen’’.

Se prononçant sur des résultats publiés çà et là, sur la base de procès verbaux, il déclare, ‘’Il y a des gens qui crient victoire ou fraude avant même les élections. Pour nous, ce sont des esprits malveillants. Il y a des institutions qui sont connues en la matière. Tu ne peux pas être un candidat pour ensuite proclamer tes propres résultats sous prétexte que tu as eu des procès-verbaux d’on ne sait où. Il y a une institution (Ceni) habilitée à cela et tout le monde doit s’y fier’’, déclare-t-il.

Après le vote, les bureaux ont été clôturés vers 18 heures afin de procéder au décompte des voix.   La Commission électorale disposera de 72 heures pour proclamer les résultats provisoires.

QUELQUES HEURTS ET IRREGULARITES 

Si le ministre de la Sécurité, Albert Damantang Camara, n’a pas noté d’incidents majeurs au cours de cette journée de vote, des heurts isolés n’ont pas manqué dans certains coins du pays. C'est  le cas, informe le site français Rfi.fr de la localité de Yomou, dans l'extrême sud du pays où des représentants de l'opposition dans des bureaux de vote ont été expulsés et un responsable local de l'alliance qui soutient l'opposant Celou Dalein Diallo a été arrêté et jeté en prison. Il se serait, informe-t-on, opposé au bourrage d'urnes orchestré par des inconnus. 

À Kissidougou, l'une des plus grosses agglomérations de la région forestière, le même constat a été enregistré : expulsion de délégués de partis politiques et vote de mineurs dans les localités de Massadou et Bendou. Il en est de même à Siguiri, dans le nord-est, où un responsable du principal parti d'opposition, l'UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée), a été arrêté pour un motif inconnu, alors qu’au même moment, un de ses camarades a été passé à tabac par un des partisans du parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple de Guinée. Le quartier général de campagne du RPG a également dénoncé des irrégularités dans le nord du pays favorable à l'opposition.  

Beaucoup d’observateurs craignent un scénario de crise. ‘’Aucune des deux parties n’est préparée à une défaite, c’est cela le problème’’, renseigne une source à Conakry. Les deux camps, ‘’avec leurs soutiens connus ou cachés se préparent au pire. Nous espérons que cela ne se fera pas sur la tête et la peau des Guinéens’’, poursuit notre interlocuteur qui espère que les intérêts en jeu ne pousseront pas les acteurs vers des positions extrêmes préjudiciables à la Guinée.

HABIBATOU TRAORÉ (AVEC ALSEYNI FOFANA, CORRESPONDANT)

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