Publié le 30 Jan 2012 - 18:15
RÉCIT DU JOURNALISTE MALIK ROKHY BA, TORTURÉ PAR LA POLICE

''Si j'étais tombé, je serais aujourd'hui un homme mort''

Le journaliste Malick Rokhy Ba

 

''J'ai un traumatisme au niveau de l’œil droit, des hématomes au niveau de la jambe gauche. Mais également une plaie à hauteur du tibia, occasionnée certainement par les coups de pieds que j'ai reçus. Des douleurs à la cuisse droite aussi'', renseigne Malick Rokhy Bâ. Entouré de sa femme et de quelques proches, le journaliste a l’œil droit rouge et l’œil gauche enflé.

 

 

Il garde toujours les séquelles des coups que les policiers lui ont administrés lors de la manifestation du 27 janvier dernier à la place de l'Obélisque. Il se déplace difficilement et consent à nous montrer sa blessure sur le tibia et sa cuisse droite endolorie. Le journaliste a une incapacité de travail de 05 jours.

 

 

Les faits se sont passés à hauteur de la caisse de sécurité sociale de Colobane. Malick Rokhy Bâ, parti couvrir la manifestation comme bon nombre de journalistes, a subi les foudres de trois policiers. A un moment donné, il s'est trouvé dans une zone dangereuse, c'est-à-dire, entre les pierres des manifestants et les lacrymogènes des policiers.

 

 

Voulant chercher refuge, il est allé là où il ne fallait pas. En essayant de fuir, il s'est retrouvé du côté des policiers. ''Ils ont commencé à me frapper, je leur parlais, leur disant que je suis journaliste et sortant ma carte de presse, mais ils n'ont rien voulu entendre. Ils ne m'ont même pas répondu et ont continué à frapper, ils étaient au nombre de deux d'abord, après, un troisième est venu se joindre à eux, j'étais seul et isolé avec eux'', narre-t-il.

 

 

A coups de pieds et de matraques, les policiers ont malmené Malick Rokhy Bâ. ''Quand ils me frappaient, j'étais debout ; j'ai tout fait pour m'extraire de cette situation difficile, ils ont également continué à me taper en me poursuivant, heureusement que je ne suis pas tombé, sinon, je serais certainement un homme mort'', révèle-t-il impuissant.

 

 

Malheureusement pour lui, ceux qu'il appelle amèrement ''mes policiers agresseurs'', il n'a pas pu les identifier à cause de la pénombre et des coups reçus sur le visage. Tout s'est passé tellement vite. C'est ce qui semble le plus lui faire mal dans cette histoire, car il aurait voulu intenter un procès contre ces trois policiers qui ont failli le conduire à la morgue. Car, pense-t-il : ''À partir du moment où je n'ai pas pu identifier mes agresseurs, une plainte contre X à quoi cela sert-elle ?''.

 

 

Et au-delà de sa personne, Malick pense d'abord à tous ses confrères qui sont des victimes potentielles des policiers dans des circonstances comme celles du 27 janvier. Surtout de la part d'une police qui se targue d'être l'une des plus professionnelles au monde. Et le journaliste dépité se dit ne pas être surpris qu'il ''y ait des Abdoulaye Wade Yingou et des Dominique Lopy qui meurent dans les commissariats au Sénégal, où il y a des policiers agresseurs comme des fous furieux''. Une situation qu'il déplore et qu'il juge inadmissible.

 

 

Et le journaliste de douter que cela puisse changer un jour car avant cet incident, il y a eu des réunions entre le Synpics, dirigé par Diatou Cissé, avec les autorités du ministère de l'Intérieur. Malick Rokhy Bâ se demande à quoi cela a servi car, dit-il : ''La police n'a pas pris en compte ces rencontres pour au moins parler à ses agents, essayer dans des situations pareilles d'identifier les journalistes''. Il est d'avis qu'il y a les risques du métier, mais qu'il y a ''en face, des gens qui ne veulent rien entendre ; en fait, à quoi cela sert le travail admirable que fait le synpics? C'est du côté de la police que cela cloche''.

 

D'ailleurs, il s'est rappelé cette phrase de Karamokho Thioune, lors de son procès contre les policiers qui l'avaient agressé : ''Que peut faire un simple journaliste contre une puissante police ?''. Une phrase qui trouve un sens maintenant à ses yeux depuis son agression.

 

 

A l'agence française de presse où Malick Rocky Bâ est employé, ses supérieurs ont demandé au journaliste de leur faire le récit de tout ce qui s'est passé par écrit. Et après cela seulement, ils pourront réagir.

 

 

Pour ceux qui font le lien entre cet incident et les critiques qui lui ont été faites antérieurement par des gens du pouvoir, auprès de ses supérieurs, Malick Rokhy Bâ n'y croit pas : ''C'est vrai que j'ai des informations sûres selon lesquelles je suis dans le collimateur du pouvoir. Il y a des gens qui estiment que je suis anti-wade et que cela transparaît dans mes écrits. Ce n'est pas la peine de m'en défendre parce que j'ai la conscience tranquille. Je suis équidistant des partis politiques. Mais honnêtement, je n'ai pas établi de liens entre ces critiques fausses de bout en bout et cet incident. Je me demande même si les policiers qui m'ont agressé sont au courant de cette histoire. Ils ne savaient même pas qui je suis, parce qu'ils n'ont pas pris la peine de regarder ma carte pour m'identifier''.

 

KHADY FAYE

 

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