Publié le 11 Feb 2012 - 19:03
REPORTAGE – GUINEE EQUATORIALE

Bata, dans la chaleur de la nuit

Bata, la ville qui a accueilli les Lions lors de cette CAN 2012, est une cité qui vit beaucoup la nuit. L’alcool, la danse et le sexe rythment ainsi les soirées chaudes de la capitale économique de la Guinée Équatoriale. Reportage un samedi soir...

 

 

Pedro entame sa neuvième canette de bière. D’un trait, le chauffeur de taxi fait admirer sa descente, et lance fièrement, comme si on lui avait posé une question : ‘’Je suis capable de boire le pack entier de 24 canettes en une soirée’’. Il est à peine 22h, la nuit vient de commencer ce samedi à Bata.

 

Pedro, 24 ans, célibataire avec deux enfants, met le cap avec son taxi sur Bar Estadio (le bar du stade). L’endroit grouille de monde. Les conversations en espagnol et en fang (langue locale) se mêlent à la forte musique techno diffusée sur la terrasse. Le bar est en plein air, toutes les tables occupées, l’alcool omniprésent. Bar Estadio est le plus grand bar de Bata, et aussi le plus populaire. ‘’Tout le monde vient boire ici, confie le Dj du bar. Les riches comme les pauvres, mais ils ne se mélangent pas, chacun à sa table.’’ Ici, la règle est de commencer sa nuit avec quelques bouteilles au bar avant d’aller en boîte, et chercher des filles. A Bar Estadio, elles sont bien présentes, plus nombreuses que les hommes. Bien maquillées, aguichantes et habillées tellement court qu’on se demande si le prix du mètre de tissu à Bata n’est pas hors de prix. Peu avant minuit, le bar commence à se vider. Certaines filles font les cents pas sur le trottoir, d’autres prennent la direction des boîtes en compagnie de leurs cavaliers d’un soir. Ou plus si affinités...

 

Direction Mamayta, à quelques mètres de Bar Estadio. Les entrées sont filtrées. La salle est bondée. Sur la piste, beaucoup d’Européens se trémoussent au contact des Équato-Guinéennes qui font tout pour faire monter leur température. ‘’C’est une boîte très fréquentée par les Blancs, révèle Yaya, vigile d’origine burkinabé. Ici les filles n’ont d’yeux que pour eux’’. Pour un Noir, impossible de ‘’choper’’. ‘’Elles aiment trop l’argent ici. Le sexe, comme l’amour, ça s’achète’’, fait savoir le Malien Hamidou, également vigile de la boîte. Le tarif ? ‘’Entre 10 000 et 50 000 francs Cfa, ça dépend de la qualité (sic) de la fille’’, poursuit le Malien. Mais ce n’est pas de la prostitution, défend Pedro. ‘’C’est une façon de vivre ; même avec ta future femme tu lui offres de l’argent quand tu couches avec elle. Et avant de te marier, tu dois prouver que tu peux bien t’occuper d’elle financièrement’’.

 

 

Il ne faut pas s’approcher de trop près…

 

Autre lieu, même ambiance : Makassy. Sous le rythme entraînant des stars nigérianes de la chanson, P-Square, Bracket, les jeunes filles, très souples, chauffent les hommes sur la piste. Bouteille de bière à la main, elles rivalisent dans les postures suggestives, et dans le frottement langoureux sur le torse des mâles en rut. Un ‘’blanco’’ (blanc), chauffé, et sans doute éméché, ose le baiser sur la bouche d’une fille. Avant qu’il ne réalise qu’il a dépassé les bornes, il se retrouve les fesses à terre après avoir reçu une gifle retentissante de la part de la fille. Début de bagarre : le Blanc, tout penaud, est exfiltré de la boîte par ses amis. La soirée est terminée pour lui…

 

A Mboa, l’ambiance est à son paroxysme. Dans cette discothèque camerounaise, une petite vedette locale, Alicia, se produit avec ses deux danseuses. Sur la piste, elle reprend en play-back les chansons des stars en vogue. Elle apporte sa touche en pimentant la prestation de danse sexy, montrant ses fesses et celles de ses danseuses. Les hommes sont ravis, les femmes moins… Ici, les règles changent ; les Camerounaises sont moins directes et moins courtement habillées. Pour autant, elles sont ouvertes aux propositions, il suffit de bien s’entendre autour d’un bon verre. ‘’La Camerounaise marche au feeling, si un garçon lui plaît, c’est elle qui attaque. Tu n’as même pas besoin de dépenser pour elle, alors qu’avec les (Equato) Guinéennes…’’, explique Yvette qui a quitté son Douala natal pour Bata, il y a 5 ans. ‘’Ce sont des arnaqueuses, oui’’, rétorque Pedro…

 

 

Le sexe et l’alcool à 12 ans

 

Deux heures du matin, Pedro, moins bavard et moins alerte, lance son taxi vers la sortie de la ville. Direction : la Feria. A la périphérie de Bata, sur une centaine de mètres, se dresse une quinzaine de petits ‘’resto-boîtes’’ tout au long d’une route mal éclairée. On peut y manger, boire et danser. ‘’C’est la discothèque pour les pauvres, informe Pedro. Il y a beaucoup d’ambiance.’’ Dans ce petit périmètre, les sonos, à fond, s’entrechoquent et diffusent une musique agressive pour les oreilles. Cela ne semble pas déranger les fêtards qui semblent maîtriser chaque note émise dans leur ‘’discothèque’’. L’alcool coule tout autant à flot. Des couples se forment, se jaugent, se coltinent. Des enfants (filles comme garçons), âgés de moins de 15 ans déambulent comme s’ils étaient chez eux, sans que cela n’émeuve personne. L’expression : ‘’interdit aux mineurs’’ est inconnue ici. ‘’Mineur ? C’est quoi ? demande Pedro. En Guinée, dès qu’on a 12-13 ans, on découvre le sexe, l’alcool. Il faut juste éviter la drogue et le Sida’’.

 

Sur le chemin du retour vers le centre-ville, le taxi s’arrête à la boîte Gama. Le dessin d’une femme, dotée d’une poitrine généreuse portant un string comme unique vêtement, sur la devanture, renseigne sur le genre de spectacle servi ici. Mais ce samedi, point de strip-tease. ‘’Les filles sont à Malabo, l’autre grande ville du pays, ce week-end’’, regrette Eli, le gérant. Mais les mâles peuvent se rincer l’œil sur une superbe créature, habillée d’une robe panthère qui lui permet juste de couvrir ses fesses. Avec un décolleté qui semble retenir ses seins prisonniers, la fille se lance dans un numéro de charme autour d’une table de billard. Entre deux déhanchements lascifs, elle saisit la queue du billard pour démontrer qu’elle sait bien la manier. Les clients sont sous le charme…

 

La soirée finit à Antanio, boîte mixte, où l’on croise locaux, Camerounais, Sénégalais, Marocains et autres Européens. L’ambiance est plus animée aux abords de la boîte qu’à l’intérieur. Les apartés se multiplient, les gestes osés également. Il est presque 6h du matin, l’alcool aidant, les noctambules se lâchent. Des couples se forment de plus en plus et partent ensemble à bord des taxis qui semblent bien connaître l’heure des départs. Le soleil ne va tarder à se lever sur Bata, mais la nuit est loin d’être finie…

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