Publié le 5 Jun 2020 - 20:07
REPRISE DU TRANSPORT INTERURBAIN

A Thiès, les acteurs jubilent 

 

Les mesures d’assouplissement prises, hier, par les autorités pour ‘’déconfiner’’ le transport interurbain, ont été bien appréciées à Thiès par les acteurs qui réclament de ‘’fortes’’ mesures d’accompagnement pour réussir la reprise de leur activité. 

 
 
Privés d’exercice de toute activité de transport interurbain depuis bientôt trois mois, les transporteurs de la région de Thiès ont improvisé, mardi dernier, une série de manifestations sporadiques dans la ville et à Ndiakhaté Ndiassane, dans le département de Tivaouane, commune de Chérif Lô, pour pousser l’État du Sénégal à lever toutes les restrictions qui les empêchent de se mouvoir d’une région à une autre. Face à l’ampleur des contestations du même genre dans plusieurs régions du pays, le gouvernement a finalement décidé de revoir sa copie. Conséquence : à partir de lundi prochain, ils vont reprendre leur activité. Il sera permis aux conducteurs de faire la navette Thiès - Dakar, Thiès - Ziguinchor ou encore Thiès - Kaolack. Une décision bien appréciée par les acteurs à la base.
 
 Selon le président du Regroupement des transports de la région de Thiès, les nouvelles mesures d’assouplissement prises par l’État sont sages et pertinentes. ‘’La décision du gouvernement de rouvrir les gares routières est venue à son heure. Car nous étions dans une situation catastrophique. Les chauffeurs, fatigués et jugeant les premières mesures du gouvernement discriminatoires, sont descendus dans les rues pour exiger de l’État la reprise du transport interurbain. Aujourd’hui, cela est acté. Nous leur disons merci’’, se réjouit Mamadou Guèye. 
 
Joint par ‘’EnQuête’’, le transporteur en chef de la région de Thiès se félicite également des 3 milliards supplémentaires que le président de la République, Macky Sall, a décidé de leur allouer, en plus des 2 milliards 750 millions de francs CFA. Aux yeux de Mamadou Guèye, cette somme, si elle est bien distribuée, peut permettre aux ayants droit de mieux faire face aux effets de la pandémie du coronavirus. C’est pourquoi il invite l’autorité à assurer une bonne répartition de cette enveloppe. 
 
La hantise de la visite technique 
 
Aussi, le président du Regroupement des transports de la région de Thiès soutient que les mesures qui ont été prises arrivent à point nommé. Par contre, il demande à l’État de travailler davantage à dérouler une stratégie d’accompagnement pour cette période de reprise. Parce que, ajoute-t-il, celle-ci ne sera pas de tout repos pour des chauffeurs qui ont été contraints de rester chez eux pendant une longue durée.
 
D’après lui, si le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Me Oumar Youm, et toute son équipe travaillent à les accompagner, il y aura moins de problèmes lors de la reprise, lundi prochain. ‘’Les mesures sont salutaires. Car nous allons pouvoir reprendre notre activité. Mais cela nécessite quand même un accompagnement consistant de la part de l’État du Sénégal. Le gouvernement nous a promis de l’argent pour supporter l’arrêt de travail. Mais nous n’avons rien vu. Pour l’instant, ce qui nous intéresse le plus, c’est la reprise de notre activité’’, déclare Mamadou Guèye, rappelant que tous les gestes barrières seront de mise dans toutes les gares routières de la région. 
 
Contacté par ‘’EnQuête’’, le candidat au poste de président du Regroupement des chauffeurs de la région de Thiès pense plutôt à la visite technique d’avant reprise. Ainsi, Ellou Diakhaté demande aux autorités compétentes de les laisser travailler une dizaine, voire une quinzaine de jours avant de les soumettre à cet exercice. Pour étayer son propos, il affirme que leurs véhicules sont restés près de trois mois sans rouler. Pour lui, le risque, pour certains, de perdre les moteurs de leurs voitures est réel. C’est pourquoi demande-t-il, à l’État, au-delà de la visite technique, de les aider à avoir l’assurance pour leurs véhicules. 
 

MATAM - LEVEE D’INTERDICTION DU TRANSPORT INTERURBAIN 

La libération du sourire

L’annonce de la levée de l’interdiction du transport interurbain était épiée par une très grande partie de la population de la région de Matam, tant le nombre de personnes bloquées sur place était important. Entre celles qui étaient venues pour des cérémonies familiales et d’autres qui cherchaient à fuir la rigueur de la canicule dans le Nord-Est, le soulagement est palpable sur les visages. Cependant, une minorité affiche son inquiétude et annonce une explosion de cas positifs dans la 11e région.

 
La gare de Ourossogui, la ville-carrefour de la région, avait perdu son charme, avec la mesure interdisant les voyages interurbains. Les cris des maraudeurs et les bousculades des apprentis ont laissé la place aux ronronnements des quelques voitures qui assurent la desserte entre les petites villes. Ndiaga est un vieux ‘’coxeur’’ originaire de Richard Toll. Accroupi sous un hangar, un chapeau sur la tête, il n’attendait plus la levée des restrictions, mais il la désirait ardemment. ‘’Si le président avait retardé la fin de cette interdiction d’une semaine, on serait chassé de nos chambres.
 
On serait dans la rue pour quémander de quoi nous nourrir. On a souffert avec l’immobilisation des bus. Nous ne sommes ni chauffeurs ni apprentis, mais c’est de ces bus que nous tirons notre gain journalier’’, lâche-t-il dans un rictus laissant voir des dents colorées par une forte consommation de cigarettes. ‘’Avant la pandémie, je rentrais tous les soirs avec au minimum 3 000 F et parfois même, il m’arrivait de rentrer chez moi avec 10 000 F dans ma poche. Aujourd’hui, à moins que tu me donnes quelque chose, je n’ai rien à amener à ma famille et c’est ainsi depuis plus de deux mois.’’ 
 
Ce sexagénaire n’est pas plus malheureux que Khouma, un chauffeur de bus qui roule sur l’axe Dakar - Waoundé. ‘’Je suis un chômeur depuis quasiment trois mois. Je ne sais rien faire d’autre à part conduire. Quand on nous a interdit de nous déplacer entre les régions, j’ai garé le bus. Ce n’est pas le coronavirus qui m’a rendu misérable, mais ce sont les mesures impopulaires prises qui m’ont précipité dans la précarité. Chaque matin, je suis obligé de venir poiroter à la gare pour espérer qu’un chauffeur de ‘clando’ me laisse faire un aller-retour pour moins de 1 000 F. Que peut-on faire avec cette somme, pour quelqu’un qui a une femme et des enfants ? Pourquoi attendre le dimanche pour appliquer la mesure ? C’est tout de suite qu’il faut rendre effective la levée de l’interdiction. On est mort’’, balance-t-il.
 
La mesure restrictive du transport n’était pas seulement maudite par les personnes dont les activités gravitaient autour du transport, celles qui ne pouvaient plus se déplacer étaient au bord de l’explosion, à l’image de Siley Diallo, un jeune maitre tailleur venu à Thilogne pour l’enterrement de son grand frère et bloqué par l’entrée en vigueur de l’interdiction de déplacement interurbain. ‘’J’ai fermé mon atelier de tailleur à Dakar depuis bientôt 3 mois. Je veux retourner, mais je ne trouve pas le moyen. C’est difficile. Je ne fais rien de mes journées, à part prendre du thé dans les grand-places. La Tabaski se profile et il était temps d’ouvrir les frontières régionales. J’ai poussé un grand ouf de soulagement, en sachant que je peux retourner travailler’’, confie-t-il.
 
Inquiétudes 
 
Le ministre de l’intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, va lever l’interdiction de transport interurbain le dimanche prochain. Une mesure incomprise par Hamady Wane, enseignant de son état. ‘’C’est un suicide, martèle-t-il. Comment peut-on alléger les restrictions, alors que le coronavirus continue de gagner du terrain ? Notre région était la dernière à résister à la Covid-19 et voilà qu’on nous annonce ce matin 3 cas communautaires. Au même moment, le président de la République veut libérer le transport interurbain. Où est la logique ? J’ai vraiment peur’’.
 
Abondant dans le même sens, Adjaratou, gérante d’un multiservice à Ourossogui, est catégorique : ‘’Si on lève cette mesure d’interdiction, on va tous mourir à Matam. Les gens de Dakar vont fuir le virus là-bas. Ils viendront par centaines nous contaminer. On n’a pas de structure sanitaire adéquate pour faire face à ce virus. Ce n’est pas trop tard pour revenir sur cette décision’’, conseille-t-elle.
 
Djibril Ba
 

                  GAUSTIN DIATTA (THIES)

 

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