Les mille et un problèmes des personnes handicapées

Les handicapés vivant à Saint-Louis rencontrent des difficultés dans leurs prises en charge sociale, éducative et sanitaire. Leur accès aux soins de santé et aux services d'accompagnement est limité. La pauvreté, qui est un facteur aggravant, constitue un autre frein à leur intégration sociale. Ainsi, pour inverser la tendance à ces multiples manquements, des actions sont entreprises par l'État pour améliorer la situation et garantir leurs droits.
L'accès aux soins de santé et à l'éducation inclusive reste la principale préoccupation des personnes en situation de handicap vivant à Saint-Louis. Elles rencontrent énormément de difficultés, même si l'État a déployé de gros efforts pour les accompagner. Malgré les avancées législatives en matière de droits des personnes handicapées au Sénégal, la réalité sur le terrain reste toujours complexe.
Pour le président de la Fédération communale des personnes handicapées de Saint-Louis, Atoumane Sy, l'accès aux soins de santé de leurs membres pose toujours problème. “Les personnes handicapées détentrices de carte d'égalité des chances ne sont pas toutes enrôlées dans les mutuelles de santé. Au début, certains d’entre nous étaient pris en charge par la Couverture maladie universelle (CMU) mais depuis deux ans, ils sont exclus sans qu’on nous donne des arguments valables. Dernièrement, le directeur régional de l’agence de la CMU nous a annoncé la régularisation de la situation. Il avait soutenu que tout handicapé détenteur d’une bourse familiale serait réintégré et enrôlé dans les mutuelles. Mais la mesure n'est toujours pas effective”, a dénoncé Atoumane Sy.
Pour lui, beaucoup d’infrastructures sanitaires ne sont pas adaptées aux besoins spécifiques des personnes handicapées, rendant difficile leur prise en charge médicale. ‘’Le manque de sensibilisation et de formation du personnel médical sur les différents types de handicaps peut conduire à des discriminations et à un manque de traitement adapté. Donc, notre message à l'endroit des autorités, c'est de leur demander de veiller pour que les personnes handicapées puissent, en cas de besoin, se soigner comme tous les autres. Car seul l'État a le pouvoir et les moyens de venir en aide aux handicapés pour une bonne prise en charge sanitaire”, a-t-il déclaré. Des difficultés de prise en charge sanitaire qui ont été confirmées par Diaw Guèye Baldé, présidente départementale de Saint-Louis.
L'accès aux soins sanitaires, un véritable calvaire
D’après elle, les femmes à mobilité réduite rencontrent de nombreux obstacles dans les services sanitaires, surtout à la maternité. ‘’Malgré la mise en place de la couverture maladie universelle et de la carte d'égalité des chances, nos sœurs handicapées rencontrent toujours certains obstacles dans les structures sanitaires", a reconnu Baldé Diaw Guèye. À l’en croire, la femme à mobilité réduite en état de grossesse vit une double vulnérabilité. "Malheureusement, certains paramètres de l'accueil et de l'accessibilité de la patiente handicapée au service de la maternité ne sont pas très souvent pris en compte. Dans la gratuité, des points importants sont laissés en rade dans la prise en charge. Généralement, les personnes handicapées sont d’une économie très modeste. Donc, la prise en charge gratuite ne doit pas se limiter seulement au kit de l'opération", a-t-elle insisté.
Raison pour laquelle, a poursuivi la présidente des femmes handicapées du département de Saint-Louis, les frais d'analyses et de médicaments d'avant et après accouchement de la femme handicapée doivent être ajoutés au package.
Concernant la prise en charge sociale, les personnes handicapées de Saint-Louis font face aussi à de nombreuses difficultés. Les structures d'accueil et les services d'accompagnement ne font pas légion dans la ville. Il est donc souvent compliqué pour ces dernières de trouver une aide adaptée à leurs besoins, que ce soit pour l'accès à l'éducation, à l'emploi ou à l'intégration sociale. ‘’La région de Saint-Louis compte près de 7 000 personnes handicapées détentrices de la carte d'égalité des chances. Mais elles ne sont pas toutes bénéficiaires de la bourse familiale et ne sont pas toutes enrôlées à la couverture maladie universelle”, a déploré M. Sy.
Pour le président de la fédération communale de Saint-Louis, il est établi que les personnes handicapées ne sont pas insérées la plupart du temps dans la vie active et ont des problèmes au niveau de leur foyer et de leur quartier. “De nombreuses personnes handicapées souffrent d'une grande précarité économique, rendant difficile l'accès aux soins et à l'aide sociale. Les initiatives de développement économique destinées aux personnes handicapées ne sont pas nombreuses, laissant ces dernières dans une situation de grande vulnérabilité”, a signalé M. Sy.
L'éducation inclusive toujours à la traîne
Toutefois, la présidente Diaw Guèye s'est réjouie des sessions de formation professionnelle dont elles bénéficient souvent. Selon elle, elles peuvent être un bon début de solution pour réduire la précarité des handicapés. "Grâce à ces sessions de formation professionnelle, nos membres dans le département de Saint-Louis ont eu des métiers qui peuvent leur permettre de ne plus tendre la main et de gagner dignement leur vie", s'est félicitée Mme Baldé. Avant d'inviter les autorités et les autres structures d'appui à accompagner davantage les handicapés diplômés dans leurs futures entreprises. " La voie la plus rapide pour stopper la mendicité et la précarité dans les rangs des personnes handicapées, c'est de les autonomiser. Nous constituons un poids non négligeable, car nous représentons 15 % de la population nationale. Raison pour laquelle nous lançons un appel aux structures de financement à financer individuellement ou collectivement ces dernières. Surtout les handicapés qui ont eu à bénéficier de formations pour entreprendre. Puisqu'il ne sert à rien de dénoncer la mendicité et autre difficulté en ignorant les initiatives d'autonomisation des handicapés", a plaidé Diaw Guèye Baldé.
Si les volets sanitaire et social connaissent de sérieux problèmes, celui de l'éducation n'est pas mieux loti pour les personnes handicapées de Saint-Louis. “Pour l'éducation inclusive, nous ne pouvons rester insensibles à ce qui se passe ici. Saint-Louis est la première capitale et les écoles ont été construites bien avant l'indépendance. Malheureusement, aucune disposition n'était prise pour faciliter l'accès aux personnes handicapées. Aujourd'hui, les élèves peinent à accéder aux salles, surtout dans les écoles à étages. Aucun dispositif n'est aménagé pour leur faciliter l'accès. Les handicapés visuels ont des problèmes pour étudier à Saint-Louis, parce qu'il n'y a pas d’infrastructures pouvant les prendre, même si une classe est ouverte au niveau de l'école élémentaire Rawane Ngom dans le faubourg de Sor”, a fustigé Attou Sy.
Face à ces difficultés, il est essentiel de promouvoir des politiques publiques inclusives visant à améliorer l'accès aux soins et à l'aide sociale pour les personnes handicapées à Saint-Louis. Il est également nécessaire de sensibiliser la population à la question du handicap, afin de combattre la stigmatisation et de favoriser l'intégration sociale de ces personnes. Des tâches auxquelles le Service régional de l'action sociale s'active pour renverser la tendance.
IBRAHIMA BOCAR SENE (SAINT-LOUIS)