Publié le 4 Jan 2016 - 23:21
WADE MACKY : DU TICKET AU PAQUET

Par Abdou Salam Kane

 

Du ticket au paquet, ou pour le dire mieux en anglais dans le texte ‘’from ticket to package’’ ! Ce n’est pas pour rire que j’écris cela mais il y a comme une vogue, je ne dis pas d’anglonamie, mais d’US mania qui semble vouloir s’emparer, en matière constitutionnelle de notre pays. Il y a d’abord eu Wade avec son fameux ticket et la création d’un poste de vice-président non pas élu mais perpétuellement nommé, on a su tout de suite ce qui sous-tendait cette réforme et au profit de qui elle était faite : son propre fils ! Ce qu’il en est advenu, on le sait bien aussi : il y a eu le 23 juin et le projet, piteusement a été retiré. C’est qu’il jurait par trop avec la forme républicaine de l’Etat.

Aujourd’hui, c’est Macky Sall qui fut son premier ministre qui se signale à notre attention avec l’intention qu’il vient d’annoncer, de modifier et, cette fois-ci, en profondeur, la loi fondamentale qui organise la vie politique dans notre pays. Il en a le droit et même lui seul l’a puisqu’il est le chef de l’Etat. Surtout s’il s’agit d’améliorer, pour les rendre plus conformes aux contraintes et nécessités du moment, certaines dispositions de la constitution. Pour une démocratie approfondie, plus solide, large et solidaire, décentralisée surtout. Pour plus de garanties aussi apportées aux citoyens, quant ‘à l’Etat de droit et sa fonctionnalité,  et à l’opposition quant à son libre exercice et à la reconnaissance pleine et entière de son rôle dans la vie publique et ainsi de suite…

En tout, c’est un ensemble de 15 mesures et d’une grande cohérence et pertinence en général ! je dis ‘’en général’’ pour en excepter deux ! C’est exprès que je n’écris pas ‘’exclure’’ car je ne récuse pas les deux notions ou concepts ou propositions dont je veux parler, mais leur donner des bornes, des limites, des lisières, les circonscrire en somme, faute de quoi, elles pourraient bien s’avérer mortelles pour la démocratie. Celle-là même exactement au nom de laquelle il faudrait qu’elles soient articulées et mises en œuvre.

Je veux bien sûr parler des partis politiques, d’une part et de la participation des ‘’candidats indépendants à tous les types d’élections’’. S’agissant des partis, je ne crois pas qu’il s’agisse à proprement parler de ‘’devoir les moderniser’’. Je ne vois pas, d’ailleurs, en quoi cette modernisation pourrait-elle consister. Tout autre chose par contre, serait d’interroger leur utilité et de s’interroger sur celle-ci. Un parti politique n’est jamais créé, organisé, en principe et selon la loi elle-même, que pour concourir à l’expression du suffrage des citoyens. Dès lors qu’il ne le fait pas, soit qu’il ne le veuille pas, soit qu’il ne le puisse pas (fautes d’arguments politiques ou financiers), il ne devrait plus légalement exister, avoir droit de cité et coûter ainsi aux contribuables.

De même, allant aux élections et ne parvenant pas à obtenir un nombre minimum d’élus ou de suffrages, il aura fait la preuve qu’il coûte à la collectivité bien plus qu’il lui en apporte, d’où, non pas son inutilité mais sa nocivité même. Les parties politiques donc, 250 ou plus,  pour une population qui compte à peine, 14 millions d’âmes, ce n’est même pas un scandale, c’est une grave insulte à la raison. Quand on pense que l’Amérique n’en a vraiment que deux, l’Angleterre en a juste 5 ou 6 et la France 10 ou 12 peut-être, etc. c’est donc insultant et c’est débile en même temps ! Senghor avait peut-être tort de limiter, de sa seule autorité, le nombre de partis à quatre et en leur disant ce qu’ils devaient être et représenter mais, c’est qu’il connaissait mieux, peut-être que nous notre propension à toujours vouloir hypertrophier  notre égo. Chaque Sénégalais, à peu près, se croit entraineur de foot, et capable d’être chef d’Etat (car, n’est-ce pas qu’untel l’a été ? et qu’untel l’est ?) alors chef de parti ? Tu parles !

Plutôt donc que de réfléchir à la modernisation des partis politiques, je pense qu’il serait plus pertinent et urgent de revisiter leur rôle et leur fonctionnement. C’est un cahier de charges en bonne et due forme qu’il faudrait leur imposer. Avec obligation de concourir concrètement à l’expression des suffrages et d’en obtenir un certain taux. L’écrémage s’en fera ainsi de lui-même. C’est de cela que la démocratie et le Sénégal lui-même ont besoin et non de cosmétique ou de partis qui n’existent que pour, au moment des élections générales, en parasiter d’autres comme des ténias armés au prétexte qu’ils les aideraient à mieux digérer.

Tout aussi problématique est la proposition d’accepter les candidatures indépendantes pour tous les types d’élections. Voila une idée qui nous parait des plus discutables ! On a à peine fini de disserter sur les très grandes nuisances causées par l’inflation de partis à notre démocratie qu’il faut encore y ajouter ceci ! Comme si 250 formations politiques ne pouvaient suffire à l’appétit de pouvoir ou de prébendes de nos compatriotes. C’est absolument consternant vraiment ! Sans doute, cette question a-t-elle été discutée, évoquée et même, peut-être adoptée au cours des Assises qui ont eu lieu pour préparer le combat contre Wade. Mais c’était parce que c’était de bonne guerre alors, il était nécessaire de rassembler le plus de monde possible. Les bossus, les manchots et même les culs de jatte comme dit la chanson et aussi les aveugles et les doux dingues. C’était la guerre et une guerre très juste. Mais maintenant, c’est fini : il ne s’agit plus de sauver le Sénégal, il s’agit de le reconstruire et sur les meilleures bases possibles.

C’était aussi le consensus mais un consensus d’alors. Du reste, ce n’est pas tout ce qui fait consensus qui est forcément bon ou le meilleur car celui-ci se fait toujours ‘’à minima’’ et se fonde sur le plus petit dénominateur commun. Ce n’est pas le consensus qui fera le bonheur du peuple car il y a souvent sinon toujours des sacrifices nombreux, douloureux et surtout d’amour propres ! il faut souhaiter, les choses restant à l’état, que les lois organiques qui devront suivre l’adoption de ces réformes sauront encadrer de façon responsable les dispositions qui peuvent inquiéter sur ces deux points du paquet présidentiel. Il y faut des bornes afin que des limites puissent encore exister et rester bien visibles.

Quant à ce qui passionne le plus le landerneau politique sénégalais  et l’opinion publique à savoir le mandat du chef de l’Etat et la date même du référendum, je vais en dire ceci : j’ai toujours estimé que le Président (révérence parler car il est le chef de l’Etat) avait eu tort de déclarer publiquement qu’il abrégerait le mandat que le peuple lui confierait. Politiquement, dans l’arithmétique il ferait moins en 5 ans que ce qu’il aurait pu faire, de positif en 7 ans. D’où une réélection plus ou moins facile. Au plan juste du ‘’teddungal’’ comme on dit chez nous et de l’honneur ne se refuse pas’’ comme disent les Français, il m’a paru un peu gênant d’avoir à dire à qui vous ont donné ‘’tant !’’ : non, merci, je veux juste ‘’ça’’ ! Voilà, c’est manquer un peu quand même…

Juridiquement parlant, j’ai toujours cru et je crois encore, sans en être un spécialiste, que ce dessein de demander à un Conseil constitutionnel d’écourter un mandat pour lequel il a été élu et prêté serment devant ce même Conseil pourrait bien ne pas pouvoir fonctionner. Parce que le Conseil est le temple du droit et le juge suprême, et qu’un projet de loi, même constitutionnel, ne peut pas être jugé conforme à la constitution dès lors qu’il viole lui-même et par lui-même cette constitution qui a institué la même Cour qui a reçu le serment du même Président qui, élu pour sept ans, avait juré alors de la respecter ! Voilà ce que je crois.

 

Section: