Publié le 27 Apr 2015 - 12:41
YOUSSOU NDOUR PRESIDENT DU GROUPE FUTURS MEDIAS DECLARE LA GUERRE A DUBAI PORT WORLD

‘’Ici, c’est le Sénégal, ça nous appartient’’

 

Dans ce second jet de l’entretien que le Président du groupe Futurs Médias a bien voulu nous accorder, la multinationale Dubaï Port World en prend pour son grade. Youssou Ndour corse son discours avec force citations en wolof et menace celle-ci de réactions à la hauteur de ‘’l’agression’’ si aucune réparation du préjudice subi - une imprimerie de 2,4 milliards Cfa endommagée - n’est faite. Il évoque bien d’autres sujets comme ses relations avec le Président Macky Sall, l’avenir de la presse telle qu’elle se  pratique aujourd’hui, sa popularité mondiale etc.

 

On vous a entendu élever le ton dans le contentieux qui vous oppose à Dubaï Port World (DPW). Etes-vous dans la même logique de bras de fer ?

Oui, je suis dans la même logique. C’est moi qui ai retardé tout ça. C’est un projet de 20 milliards de francs Cfa qui concentre des centaines d’emplois. Et avec ce projet-là, je faisais une course contre la montre. Je voulais être le réalisateur du premier projet du PSE dans le domaine privé, après celui du Président Sall avec le centre de conférence de Diamniadio. Je voulais lui montrer que le secteur privé est là, derrière le PSE. Et aussi que moi-même je m’engage pour mon pays en créant des emplois et des opportunités. On ne l’a pas réussi parce qu’on n’a pas su inaugurer à temps. Je profite de l’occasion pour remercier tout le monde. J’ai eu de la sympathie venant des organisations, du CNP, du MEDES, de la CNES, d’amis du milieu. Bref de partout. Je pense aussi qu’on est tous d’accord que dans un pays, il faut un plan A, un plan B et toujours un plan C. Aujourd’hui, le plan A, c’est que tout le monde sait que ce projet est plombé et pourtant il doit démarrer. Il faut que les responsabilités soient situées. Deuxième chose, il faut discuter.

Un cadre est en train d’être créé dans ce sens. Je crois qu’à partir de lundi, la direction du port avec le ministère de l’Industrie vont échanger. Ce n’est pas encore officiel mais je crois que cela se fera dès la semaine prochaine. Les gens vont se rencontrer pour d’abord situer les responsabilités. ‘’C’est nous dans nous’’, mais il n’est pas question que les choses soient encore retardées. J’ai assez retardé les choses en tempérant, mais là vraiment, il faut que ça commence.  La troisième chose, il faut que les gens sachent que nous sommes dans une économie libérale. Tout le monde a le droit d’entreprendre. Dans ce pays, il n’y a plus d’exclusivité. Certains ont dit que tout cela, c’est du sabotage. On prend cela au second degré. Mais quand même, il faut comprendre que c’est fini les histoires de monopole. Ce projet est très important. Personne ne peut dire que moi, je suis là depuis les années 60 et que tel secteur m’appartient.

C’est clair et net, personne ne peut arrêter ce projet. La quatrième chose est que nous sommes des acteurs économiques de ce pays. Et comme on le dit, pour qu’un pays émerge, il faut des industries. Il faut que ces industries soient contrôlées à un certain niveau par les nationaux qui gagnent de l’argent ici pour que l’économie tourne. ‘’Ken mënul daaneel futurs médias budul Yàllà. Su yaboo niu gëm Yàllà’’ (ndlr nul ne peut faire tomber futurs médias si ce n’est Dieu. Croyez en Dieu).  Moi je suis chanteur, je suis venu dans le truc-là comme ça. Après, ça a évolué. Ce n’est plus que pour Youssou Ndour. Je n’accepterai pas qu’on fasse tomber cette entreprise. Dieu sait que depuis 12 ans, ce groupe de presse n’a fait que subir des pressions. On croit en Dieu donc on va continuer.

Jusqu’où êtes-vous prêt à aller dans ce combat ?

Je ne veux pas que cette bataille salisse la réputation de qui que ce soit. Je suis quelqu’un de très connu ici et à travers le monde. Je ne veux pas non plus que cela ternisse l’image de Dubaï Port World. On sait toujours où ça commence mais on ne sait jamais où ça se termine. Cela peut gâcher beaucoup de choses pour Dubaï Port World. Ils ne sont pas plus célèbres que moi. Moi aussi je peux en pâtir. ‘’So daanalee massinu jambuur mu nekk sa responsabilité, nga nek kilifë bu maate, da nga koy regle. Daniu bëgg njuuj njaaj torop’’ (ndlr, quand vous endommagez le patrimoine de quelqu‘un et que vous savez que vous êtes fautifs, en dirigeant responsable vous devez régler le problème).

Depuis l’installation du nouveau régime dans ce pays, on ne parle que de DP World. On ne parle que d’eux. Alors, il faut qu’ils arrêtent. Ce n’est pas une histoire de milliards ou d’autres choses. Ici, c’est le Sénégal, ça nous appartient, ‘’amul naar, amul Saoudien, amul xaaliss, amul pétrole amul dara’’. On ne peut que nous tuer mais le Sénégal restera notre Sénégal. Il faut qu’au-delà du business et des stratégies, on fasse attention. DP World est un partenaire pour le Sénégal qui est là et qui travaille avec nous. Ils ne peuvent donc pas être là et mépriser les Sénégalais (sic). Devant ce genre de problèmes, l’entreprise devait s’organiser et voir comment réparer le dommage. Ils ne font rien dans ce sens et disent ‘’nio ma eupeu doole. Non eupouniou ma doole. Yalla moo am doole’’.  J’ai pris mon mal en patience du mieux que j’ai pu. Mais là, il faut régler ce problème parce que je ne peux plus attendre. ‘’Niu ngi dee’’.

Futurs médias est en danger ?

Mais bien sûr. Ce projet, c’était pour plus de sécurité. La presse est en mutation. Nous, on s’est dit que si on entre dans l’industrie et qu’on y investisse, on pourrait montrer à ceux qui prédisent la mort de la presse que cette dernière est en train de faire des mutations. Une industrie de ce genre peut générer des milliards et des milliards au-delà même du Sénégal, surtout avec l’interdiction des sachets plastiques. Si cela marche bien, ça va consolider le groupe. Le papier ne se vend presque plus dans la presse. La télévision, ce n’est plus que dans le salon. Il y a maintenant les Smartphones. Avec ça, la presse va beaucoup perdre. Donc, il nous faut un plan B. Il faut vraiment que notre projet soit lancé. Ils font marcher leur entreprise, ils n’ont qu’à nous laisser faire autant avec la nôtre.

Vous avez un compte twitter et c’est instantané alors que vous êtes dans l’appareil d’Etat. Comment faites-vous pour contrôler votre communication ?

Chaque jour, je fais le point. Je ne veux pas être en contradiction avec l’Etat. Chaque fois que c’est un peu sensible, je vais vers le ministre des Affaires Etrangères. Je lui pose des questions et je me conforme après à ces conseils. Quand c’est quelque chose de personnel qui n’a rien à voir avec la machine d’Etat ou qui pourrait avoir des incidences sur celle-ci, j’interviens directement. Twitter est aussi un mode de communication extraordinaire. C’est moi qui gère mon twitter. Je suis très sollicité. Mais j’essaie quand même de ne pas être en contradiction avec l’Etat.

Votre notoriété sur le plan mondial ne fait-il pas d’ombre au Président Sall ?

Je vous dis sans détour que je suis plus connu que le président Macky Sall. Mais c’est lui mon patron.

Il n’est pas jaloux ?

Nooon ! Au contraire ! Sur ça, il n’est pas du tout jaloux.

Il n’envie même pas vos capacités vocales ?

Un jour, je lui ai demandé ce qui l’intéressait dans la musique. Il m’a dit qu’il était très attiré par le piano. Je lui dis qu’il devait prendre des cours de piano. Il m’a répondu qu’il lui fallait d’abord trouver du temps pour ça. Je veux bien l’aider à jouer au piano un jour et il interprétera l’hymne et je chanterais.

Comment voyez-vous votre avenir avec le Président Sall ?

Ça va continuer. Comme je l’ai dit, Macky Sall a été un ami, un compagnon avant qu’il ne soit président de la République. Je fais partie des premiers à avoir trouvé Macky Sall dans son salon alors qu’il était Premier ministre et en passe de devenir président de l’assemblée nationale avant d’être exclu pour lui dire : ‘’Vous avez une responsabilité historique, prenez votre courage à deux mains.’’ Après cela, on est resté très proche. On a travaillé ensemble. On est ensemble et je souhaite qu’après tout cela, on reste des amis. Sur la gestion du pays, on est d’accord sur presque tout. Même si des fois j’ai des critiques. Je suis un ministre conseiller, je les formule à l’interne. Pour mon avenir politique, moi je suis entré en politique par accident.

J’ai senti un besoin d’une majorité des Sénégalais. Mon vrai combat, c’était pour que les autres dégagent. La stratégie que j’ai utilisée a été bonne parce que j’avais des chances aussi. Avant je parlais de l’histoire et d’un coup je faisais partie de l’histoire que d’autres raconteront. Mon entrée en politique n’était donc pas un besoin personnel. Maintenant je suis avec un Président avec qui je m’entends très bien. Je ne le gêne pas. Je ne crée pas de dualité. Tant que Macky Sall ne change pas de vision, je suis derrière lui. Je n’essaie pas de lui mettre des bâtons dans les roues et pourtant je peux avoir mes ambitions. Sur l’échéance qui est devant nous, que ce soit 2017 ou 2019, nous sommes avec lui. Je ne suis pas avec lui juste pour parler, je participe et cela au vrai sens du terme.

A quand la prochaine production de Youssou Ndour ?

Ça va sortir d’ici la fin d’année peut-être. Maintenant, il y a des choses à voir avant. Il y a l’international à prendre en compte etc. Mais en 2016, je suis prêt pour un autre album. Cela fait un moment quand même depuis Dakar-Kingston. Je ne peux vraiment pas aller au fond des choses pour l’instant quant à la composition de ce nouvel album. Je peux juste dire qu’il y aura un clin d’œil à la jeunesse.

 

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