Publié le 15 Feb 2014 - 17:46
PROFIL - BADARA SECK

 ‘’Nos propres familles préféraient aller à des concerts Mbalax qu’aux nôtres !’’

 

Lauréat du Ndjükel ArtistiK 2014, entre autres prestigieux prix et distinctions nationales et internationales, Badara Seck s'est présenté hier à la presse en étalant des opinions franches… et rafraîchissantes.

 

Issu d’une famille de griots, Badara Seck est un artiste dakarois au parcours des plus atypiques. Il le dit lui-même : alors que ses contemporains recherchaient la notoriété, ce qui l’intéressait, lui, était de thésauriser du savoir musical. ‘’Le musicien urbain que j’étais alors cherchait à acquérir une base traditionnelle et c’était tellement difficile, à l’époque, d’aller assez loin pour contaminer ces deux univers…

Nous, pauvres diables de la musique afro (NDLR : il fût membre fondateur du groupe Ceddo), nos propres familles préféraient aller aux concerts de Mbalaxmen plutôt qu’acheter des tickets pour assister aux nôtres.’’, raconte-t-il en riant.

Bien que, selon ces propres mots, ‘’la connaissances de l’art ait primé sur le reste car l’Art véritable nécessite plus de savoir que de talent’’ (il a fait 10 ans au Conservatoire de Dakar), le succès viendra quand même frapper à sa porte.

Après un contrat au Burkina Faso, il s’envole pour la Suisse et, de là, sa carrière internationale décolle : Badara Seck jouera pour nombre d’illustres artistes, participera à la production de disques d’or et passera même du coté des arts visuels avec des participations théâtrales et cinématographiques…

Loin de se reposer sur ses lauriers, l’auteur de ‘’Farafrik’’ et de ‘’Visa’’ estime au contraire que le plus difficile reste à faire vis-à-vis de sa carrière… A savoir s’installer dans le paysage culturel de son pays, le Sénégal.

‘’Il m’est facile de me vendre à l’international aujourd’hui… Sauf qu’au Sénégal, (…) il m’est très difficile de trouver des instrumentistes capables, artistiquement parlant, de comprendre et d’exécuter ce que le musicien demande. J’ai néanmoins d’autres projets, à part la musique, comme la création d’une émission de télévision sur le thème des immigrés, pour conscientiser les Sénégalais sur les bons et les moins bons cotés de ce phénomène’’, confie l’artiste.

S’il blâme le destin de ne jamais lui avoir donné l’opportunité de sortir un album au Sénégal (chose à laquelle il compte remédier en s’auto-produisant dans les années à venir), Badara Seck reste assez sévère dans sa critique de l’industrie musicale locale.

«Nous, complexés de Sénégalais !»

‘’Les habitudes d’écoute veulent que le Sénégalais privilège des sonorités qui sont non seulement toutes semblables en genre et en nombre, mais se trouvent, en fait, être un patchwork d’influences venues d’ailleurs… Le Mbalax, et c’est là où il pêche, a toujours privilégié le chanteur sur la mélodie. C’est une grave erreur ! Je la mets néanmoins sur le compte d’une surabondance de créativité mal gérée’’, déclare l’artiste.

Il ajoute : ‘’Les gens veulent de l’instantanée et refusent de faire de la musique recherchée. Ils comptent sur leur seul talent ; or le talent sans formation vire vite au monotone.’’.

Ne se contentant pas de critique, l’artiste offre néanmoins un début de réponse à cette ‘’crise’’ de la créativité… Pour lui, la solution est de retourner aux ‘’valeur sûres’’ de la musique traditionnelle.

‘’On n’a pas besoin de diluer le traditionnel pour vendre… En Casamance, au pays sérère, chez les Al Pulaar, il y a de très belles choses qui actuellement se vendent à coups de millions sur le marché international… Demandez aux artistes africains ! Et pendant ce temps là, nous, complexés de Sénégalais, on veut se persuader que le Mbalax est la seule musique que nous avons ! C’est presque un drame’’, s'étrangle le récipiendaire du Ndjükel 2014.

Sophiane Bengeloun

 

 

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