Publié le 21 Oct 2015 - 12:13
KALTOUMA DAFFALAH, ANCIENNE HOTESSE DE L’AIR

‘’Le jour, on faisait des travaux ménagers, le soir, nous étions des esclaves sexuels’’

 

A la suite du poignant témoignage de la vieille Hadija Hassan Zidane, une ancienne hôtesse de la défunte Air Afrique s’est présentée hier à la barre de la Chambre d’Assises des CAE. Kaltouma Daffalah a levé un autre coin du voile de la réalité des femmes dans les geôles de la DDS.

 

Hôtesse de l’air, Kaltouma Daffalah a été arrêtée à bord d’un avion de la compagnie multinationale Air Afrique, le 2 février 1988, alors qu’elle était en transit à N’Djamena, par les hommes de Habré. A quelle fin ? ‘’Éliminer tous les Hadjarais’’, a-t-elle répondu. Conduite directement à la DDS, elle a été déshabillée. On lui a arraché ses bijoux et on l’a dépossédé de tout l’argent qui se trouvait dans son sac. Il ne lui restait que sa tenue d’Air Afrique. C’était le début de son chemin de croix. ‘’Dans les centres de détention de la DDS, on nous donnait du riz sec. Je le mettais dans une bouteille et je buvais l’eau. Après deux semaines, j’étais affaiblie. J’avais la diarrhée et je ne pouvais même pas me lever pour aller aux toilettes. Je faisais mes besoins devant la chambre’’, a-t-elle confié. En plus de ces conditions déplorables, s’ajoutait l’attitude ignoble des agents. A la DDS, deux hommes de Habré : Abba Moussa et Abakar Turbo se présentaient, tous les jours, pour extraire deux voire trois prisonniers. Ces personnes ne revenaient jamais.

Un jour, Abba Moussa a pris neuf femmes pour les conduire dans un endroit où les attendaient 3 camions militaires. Elles ont ensuite été conduites à Wazindoung, un camp militaire. ‘’Le commandant de la zone nous a amenées dans une grande chambre. A côté, gisaient des personnes mortes. Il y avait aussi beaucoup des caisses contenant des armes’’. Dans ce camp, la vie quotidienne était rythmée par les travaux ménagers, le jour. La nuit, ‘’on était leurs esclaves sexuels’’. Parmi les 9 prisonnières, trois étaient vieilles. De ce fait, elles ne subissaient pas les assauts des militaires. Par contre, les six autres étaient astreintes à cette corvée. Il y avait parmi elles deux mineures d’environ 14 ans. Chaque nuit, deux d’entre elles devaient aller rejoindre les agents. ‘’On nous donnait des médicaments, avant tout rapport sexuel. C’est par la suite qu’on a compris que c’était pour ne pas tomber enceinte.’’

Le parquet a voulu savoir ce qui s’est réellement passé à Wasindoung. ‘’N’insistez pas. Je ne peux pas entrer dans les détails, parce qu’on nous interdit au Tchad de parler de sexe devant la télévision. C’est un mauvais souvenir’’, a répondu Kaltouma.

‘’Hissein Habré a gâché ma vie, celle de ma fille et celle de mes parents’’

Ensuite, la victime a répondu aux avocats des parties civiles que le président Habré était au courant de son arrestation. ‘’Hissein Habré était au courant. C’est lui-même qui a envoyé un avion spécial, de N’Djamena à Wazindoung, pour venir nous chercher.’’ A propos de sa libération, elle a soutenu que certaines publications parues dans le journal « Africa », basé à Dakar, faisant état de la disparition d’une hôtesse de l’air, l’ont précipitée. Le Président Habré a ordonné leur libération, parce qu’il avait reçu les coupures révélant qu’elle était détenue dans un des centres de détention de la Dds. Elle est sortie de prison, le 12 mars 1989, après avoir prêté serment qu’elle n’avait rien vu, rien entendu. ‘’Hissein Habré a gâché ma vie, celle de ma fille et celle de mes parents.’’

Après cela, elle n’a pas pu reprendre sa carrière. De retour à Air Afrique, elle a passé une visite médicale et déclarée inapte à reprendre les airs, à cause d’une blessure à la tête, contractée en prison. La nuit, lorsqu’on venait les prendre, elles résistaient. Les soldats leur donnaient des coups à la tête. Avec beaucoup d’amertume, elle a ajouté : ‘’Je ne sais pas pourquoi cette haine contre ces pauvres femmes. Habré, un homme puissant, s’est rabaissé jusqu’à s’en prendre à de pauvres cultivateurs, des paysans. Mais aujourd’hui, je n’ai plus de haine, puisque j’ai dit devant cette justice tout ce que j’avais dans le cœur.’’     

Me Gningue décrédibilise le témoin

Un peu plus tôt, au moment d’entendre la suite du témoignage d’Hadija Hassan Zidane, il y a eu un grave incident, lorsque Me Abdou Gningue, avocat à la défense, a remis en cause le témoignage de la vieille. ‘’Le témoin a déclaré que c’est Saleh Younouss et Mouhamad Djibrine dit El Djonto qui l’ont amenée à la présidence où elle aurait été abusée par le Président Habré. Mais je dois vous dire que Saleh a quitté la Dds en 1987 et El Djonto est arrivé en septembre 1988. Comment des gens qui ne se sont pas retrouvés à la Dds peuvent faire une telle chose. Sur ce point, le témoin a menti.’’ Mais la dame ne s’est pas laissé faire. ‘’Non, je n’ai pas menti et je ne mentirai jamais’’, a-t-elle martelé.

Ensuite, le président Gustav Kam a été obligé d’intervenir. Il a demandé à l’avocat de respecter le témoin. ‘’Il faut également respecter l’accusé. Depuis hier, on est en train de dire des choses sur lui’’, a rétorqué l’avocat. « Asseyez-vous maître », lui a lancé le juge. Me Gningue de répliquer : ‘’Je ne peux pas parce que j’ai toujours la parole.’’ Mais c’était sans compter avec la poigne du président. « Mais j’ai la police de l’audience. Maître, asseyez-vous », lui a-t-il de nouveau lancé, mettant fin à l’incident.

Tout compte fait, le défilé des témoins va se poursuivre. Un autre témoin est attendu aujourd’hui.

AMINATA FAYE (Stagiaire)  

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