Publié le 16 Apr 2017 - 13:05
MARCHE HLM

Après l’incendie, l’heure est à la solidarité

 

Aide-toi et le Ciel t’aidera. Ce vieux dicton, les commerçants de Dakar et notamment ceux du marché HLM l’ont bien compris. Ils n’ont pas attendu l’aide des autorités étatiques pour soutenir leurs camarades dont les cantines ont été ravagées par les flammes, dans la nuit du vendredi à samedi. Ils se sont organisés en commissions pour aller demander de l’argent auprès des autres commerçants du marché afin de permettre à leurs amis de reprendre leurs commerces.

 

Aider chacun à porter le poids de la vie et à la rendre plus facile. C’est la définition de la solidarité de l’écrivain et philosophe suisse, Henri-Frédéric Amiel. Et c’est de cette manière que les commerçants de Dakar et surtout ceux du marché HLM tentent d’épauler leurs camarades. En effet, 44 cantines de ce marché ont été calcinées et leur contenu réduit en cendre, lors d’un incendie qui s’est déclaré en début de week-end. Deux jours après le drame, le marché HLM bat son plein. Le commerce reprend son cours, comme si de rien n’était. A l’entrée et aux abords de la route, rien ne laisse deviner qu’un incendie a ravagé un pâté de cantines. Les tabliers étalent leurs marchandises par terre, comme à l’accoutumée. Les ambulants, bagages en main, guettent les clients à l’entrée du marché. ‘’Pardon, regardez cette robe, ces chaussures, ça vous va très bien’’. ‘’C’est votre couleur’’. ‘’Arrêtez-vous une minute et demandez le prix. Ce n’est pas trop cher’’. Ce sont autant de petites interpellations par lesquelles ces derniers bombardent les visiteurs ou passants. Qui, parfois s’exécutent, marchandent et achètent. Mais le plus souvent, ils continuent leur route, sans acheter quelque chose.

C’est seulement après une dizaine de minutes de marche, en longeant les cantines, qu’on se retrouve subitement devant la rangée de cantines calcinées au beau milieu de l’ambiance. Déjà nettoyées et fermées pour la plupart. Ici, seule la couleur noire des cantines permet de comprendre l’ampleur des dégâts. Dans certaines qui sont ouvertes, sont déposés les restes de machines à coudre consumées par le feu. Aucun sinistré n’est sur place. Les riverains interpellés informent qu’ils sont au siège de l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois- Jappo), sis au marché. Là-bas, l’heure est aux derniers réglages pour la répartition des commissions. ‘’Il faut faire vite, il est presque 16 heures’’, ordonne un des hommes du groupe, tout en décrochant un téléphone qui ne cesse de sonner. ‘’Non, on attend les responsables des autres marchés, ils sont en route’’, répondent les autres. ‘’C’est bon ! Mais, il faut qu’il y ait au moins une femme dans chaque commission’’, rétorque-t-il.

Trouvé sur place, au beau milieu de ce brouhaha de voix, Assane Thiam, vice-président de l’Unacois Jappo, par ailleurs président d’honneur des marchands tabliers et responsable au marché HLM, explique l’objet de leur rassemblement. ‘’On essaie de trouver une solution pour venir en aide à nos camarades. Les autorités sont venues nous réconforter. Mais, de notre côté, on s’organise pour mettre en place des commissions pour demander de l’aide auprès des autres commerçants du marché. Nous allons le faire pendant trois jours. La somme récoltée sera partagée entre les sinistrés’’, dit-il. Pour lui, ce qui s’est passé ‘’est vraiment douloureux’’. ‘’C’est triste. Parce que ce sont des soutiens de famille, des hommes comme des femmes, qui ont perdu leurs biens. Ce sont des millions de francs CFA qui ont été réduits en cendre. Nous sommes des croyants.

Pour nous, c’est le Bon Dieu qui en a voulu ainsi et nous l’acceptons’’, lance-t-il. Ce tailleur, la cinquantaine révolue, qui fréquente le marché depuis presque 30 ans, révèle que des gens réclament de l’argent aux sinistrés à qui ils avaient confié leurs marchandises la veille de l’incendie. ‘’Il y a une Malienne, informée de ce qui s’est passé, qui a failli en mourir. Elle n’en revient pas. Je ne sais pas comment elle a obtenu de l’argent pour venir acheter de la marchandise, mais je suis sûre qu’elle est carrément désespérée. Et elle veut coûte que coûte que la femme à qui elle l’avait confiée la rembourse’’, narre Assane Thiam. Selon lui, cet exemple n’est pas le seul. Ils sont nombreux à réclamer leur marchandise ou argent aux sinistrés.

Une sympathie qui tombe à pic

Dans cette situation de désespoir et de recherche de réconfort, la solidarité entre commerçants vient à son heure.  En effet, les sinistrés ont presque perdu toutes leurs économies et affirment qu’ils ont juste besoin d’un coup de pouce pour un nouveau départ. ‘’J’ai perdu tout mon matériel qui peut être estimé à 15 millions de francs CFA. Je reviens de la Gambie où deux jours avant l’incendie, je suis allé pour acheter de la marchandise. Il y a des tissus que j’ai achetés pour 600 000 francs CFA et rien n’a été sauvé. Tout ce dont nous avons besoin actuellement, c’est du réconfort et un soutien financier pour redémarrer notre commerce’’, avoue Samba Sy, un des sinistrés, d’une mine désemparée.

Adossé au mur du bâtiment abritant le siège de l’Unacois, ce jeune Foutanké, d’un ton calme, le regard triste et lointain, poursuit sa confession. En réalité, Samba a perdu ses quatre cantines. Ses 20 employés sont pour le moment au chômage. Contrairement aux cas soulevés par le vice-président de l’Unacois, Samba Sy n’a pas d’argent à rembourser à qui que ce soit. ‘’Je rends grâce à Dieu, parce que je ne travaille pas avec l’argent d’une banque. J’étais marchand ambulant, et j’ai commencé avec 40 000 francs, en 2010. Je gagnais bien ma vie et c’est ainsi qu’avec le montant que j’ai épargné, j’ai ouvert ces cantines. Aujourd’hui, il ne me reste que 50 000 francs, comme économie’’, regrette-t-il.

Contrairement à Samba, Mady Cissé, tailleur au marché HLM depuis 2003, n’a pas mis ‘’tous ses œufs dans un même panier’’. Certaines de ses machines se trouvent dans des cantines de l’autre côté du marché. Donc, il n’a perdu qu’une machine, lors de l’incendie. Les quatre autres sont fonctionnelles. ‘’J’ai perdu 3,3 millions de francs dans cet incendie. J’ai eu la chance de n’avoir dans ma cantine que mes bagages. Personne ne m’a rien confié’’, fait-il savoir. Si Mady et Samba ont un peu d’argent ou du matériel pour redémarrer, ce n’est pas le cas de la dame Fatou Faye. Elle n’a pu emporter que 20 500 F CFA avec elle, en rentrant, la veille du sinistre. ‘’J’ai tout perdu. Il ne me reste plus rien. Les tissus que j’ai achetés pour préparer la fête de korité sont partis en fumée. En général, c’est lors de ces événements que les activités décollent vraiment.

C’est pourquoi, dès qu’ils approchent, nous investissons tout notre argent pour l’achat de tissus et garnitures’’, se désole cette dame, d’un air désorienté. Quand mère Fatou, comme l’appellent ses proches, a été informée de la situation, elle croyait que c’était une blague. ‘’Boy Poulo m’a appelé au téléphone pour m’annoncer la nouvelle. Au début, je pensais qu’il blaguait. Lorsqu’il a insisté, j’ai su que c’était donc sérieux. Je suis restée assise, car ne pouvant plus tenir sur mes jambes. C’est mon mari qui a pris le téléphone pour continuer la discussion. Je ne pouvais plus parler’’, raconte-t-elle. Malgré leur désespoir, ces sinistrés ne sont pas en reste dans la mobilisation de soutiens initiée par leurs camarades. Ils ont tous rejoint les commissions et se sont mis sur le terrain.

Le marché prend feu pour la cinquième fois

Comme dans la plupart des incendies déclenchés au niveau des marchés sénégalais, le court-circuit a encore dicté sa loi aux HLM. ‘’Vu l’heure à laquelle l’incendie s’est déclaré, ça ne peut être que ça. Il n’y avait personne à l’intérieur. Entre 4 et 5 heures du matin, s’il y a un incendie, seule un court-circuit peut être à l’origine. Parce qu’il n’y a ni fer à repasser, ni gaz, encore moins un mégot de cigarette qui pouvait déclencher un feu’’, affirme le vice-président de l’Unacois Jappo, Assane Thiam. Selon les riverains, il y a eu deux coupures d’électricité, cette nuit-là. ‘’C’est peut-être lorsqu’elle est revenue en force que la tension a déclenché une étincelle qui est à l’origine du feu. Ce qui nous arrive souvent dans les marchés sénégalais et qu’on regrette vraiment, ce sont les courts-circuits. Mais dans un pays sous-développé comme le nôtre, il y a des règles qu’on ne peut pas imposer’’, argumente le responsable du marché.

 Ce que les gens ne savent pas, poursuit-il, c’est que ‘’le commerce rime avec incendies’’.  ‘’Le marché Kermel, qui est à 200 mètres du palais, avec toutes les normes, a pris feu un jour. Depuis que je suis au marché HLM, en 1986, il y a eu cinq incendies. On ne peut pas dire qu’ils aient tous été causés par des courts-circuits’’, informe ce tailleur. Néanmoins, pour régler le  problème, à défaut d’avoir un compteur pour chaque cantine, ‘’la meilleure solution’’, selon Babacar Dramé, est qu’un des délégués du marché coupe l’électricité à la fin de la journée et la remette le lendemain.

MARIAMA DIEME

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