Publié le 19 Jul 2012 - 19:50
ALGERIE

Quand  l'armée française avoue tout

L'exposition aux Invalides revient sur la présence douloureuse de l'armée française en Algérie.

 

 

L'armée française organise une exposition sur la guerre menée contre l'Algérie, son ancienne colonie. Rien n'est caché. Pas même les épisodes les plus gênants qu'elle a longtemps niés.

 

On avait toutes les raisons de craindre le pire. Les deux militaires français les plus prestigieux ayant exercé des commandements pendant la guerre d'Algérie, Massu et Bigeard, ont persisté à nier après 1962 que l'armée française ait pu employer la torture lors du conflit. Le premier, celui-là même qui a décidé puis encouragé cette pratique, ne l'a finalement reconnue du bout des lèvres que longtemps après, juste avant sa mort, il y a dix ans. Le second n'a jamais voulu l'admettre jusqu'à sa très récente disparition, en 2010.

 

Comment imaginer dans ces conditions qu'une exposition sur les cent trente-deux années de colonisation de l'Algérie organisée par le musée de l'Armée à Paris puisse être autre chose qu'une manifestation à la gloire des militaires tricolores et des trop fameux « bienfaits de la colonisation » que fantasment certains députés français de droite ?

 

Disons-le tout net : le contenu même de l'imposante exposition « Algérie 1830-1962 » présentée aux Invalides donne tort à tous ceux qui pouvaient nourrir des préventions avant de parcourir les salles du musée. Certes, ces visiteurs très énervés (sans doute des nostalgiques de l'Algérie française) qui ont inscrit sur le cahier disposé à l'entrée « À vomir ! L'exposition prend le point de vue de l'ennemi » ou « Même au musée de l'Armée, on continue à cracher sur l'armée » se trompent : il ne s'agit en aucune façon de prendre parti pour ceux qui se sont opposés armes à la main à la conquête au XIXe siècle, ni pour les nationalistes algériens privilégiant le combat politique au siècle suivant, ni, s'agissant de la guerre, pour le FLN.

 

Mais toutes les « vérités », y compris celles-là, sont prises en compte. Et, en définitive, elles dessinent un panorama de la colonisation qui renvoie moins à l'histoire de l'armée française en Algérie qu'à celle de toutes les parties prenantes de l'occupation du territoire : les militaires français mais aussi les colons, les gouvernements français successifs et la population des Européens d'Algérie d'un côté ; les masses algériennes et les résistants de toutes obédiences mais aussi ces Algériens qui ont fait alliance avec le colonisateur, de l'autre.

 

Des preuves irréfutables et méconnues

 

Résultat, rien n'est caché. Pas même les épisodes les plus gênants pour l'armée française et les autorités politiques dont elle dépendait. Que ce soit au temps de la conquête (les atroces « enfumades » de populations civiles dans les grottes où elles s'étaient réfugiées, la stratégie de la terre brûlée et les réquisitions forcées de terres, etc.) ou pendant la guerre proprement dite (la généralisation de la torture, les exécutions sommaires, les villages incendiés, etc.).

 

Des photos, souvent peu connues (comme celles de Jean-Philippe Charbonnier, les seules existantes sur ce sujet, montrant des scènes de torture dans l'Oranais), des témoignages d'époque, des entretiens avec des historiens, des cartes commentées, des images d'actualité ou de propagande des années 1950 fournissent à chaque fois des preuves irréfutables ou au moins des éléments convaincants pour attester la véracité de ces épisodes.

 

Certes, ici et là, quelques précautions de langage et autres subtiles approximations (on évoquera par exemple « des milliers de victimes » pour la répression qui suivit les événements de Sétif en 1945 alors que les historiens s'accordent à parler de chiffres très supérieurs) montrent que l'exposition a été conçue à Paris et non pas à Alger. Mais elle pourrait sans doute être montrée de l'autre côté de la Méditerranée sans choquer outre mesure. Massu et Bigeard, à coup sûr, se retourneraient dans leur tombe s'ils pouvaient aujourd'hui visiter le musée des Invalides.

 

JeuneAfrique

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