Publié le 20 Aug 2025 - 17:23
MALI

Assimi de plus en plus parano

 

Après la chasse aux officiers, le régime d’Assimi Goita  accélère le processus de mise à mort de Choguel Maiga et ses amis, longtemps thuriféraires de la junte au pouvoir.

 

Le scénario était inimaginable, il y a quelques mois. Choguel Kokalla Maiga envoyé en prison par la junte militaire pour “atteinte aux biens publics” et “faux et usages de faux”. Rares sont les observateurs qui auraient parié pour une telle tournure.

Dans un communiqué, le parquet général de Bamako apporte des précisions. “La Chambre d’instruction de la Cour suprême du Mali a procédé à l’ouverture d’une information judiciaire sur la base du réquisitoire d’usage dressé à propos de faits graves susceptibles de recevoir les qualifications juridiques pénales de faux et usage de faux, d’atteinte aux biens publics d’un montant égal à plusieurs milliards de francs CFA, de blanchiment d’argent et de complicités desdites infractions”, souligne le procureur général près la haute juridiction.

Placé en garde à vue depuis le 12 août, l’ex-fervent défenseur de la junte militaire a ainsi été inculpé et placé sous mandat de dépôt, en attendant l’instruction de son dossier. Il ne sera pas seul, puisque des poursuites sont aussi lancées contre d’autres personnes, dont des fonctionnaires et opérateurs économiques impliqués dans les dossiers.

Le parquet précise : “Les fonctionnaires impliqués dans les faits poursuivis sont essentiellement ceux qui ont eu à gérer les finances publiques relevant du budget de la primature sur une période allant de l’année 2021 au 30 novembre 2024, de même que ceux des fonctionnaires et opérateurs économiques ayant géré des contrats de marchés conclus dans le cadre de la convention de partenariat liant l’Agtier (Agence d’exécution des travaux d’infrastructures et d’équipements ruraux) à la primature.”

Le procureur revient sur les faits objet de la poursuite

Selon le procureur général, le traitement du dossier de ces affaires a donné lieu à la disjonction des procédures, mécanisme légal permettant de répondre aux nécessités d’une bonne administration de la justice. L’autorité chargée des poursuites distingue ainsi les mis en cause qui vont devoir répondre devant la Cour suprême de ceux qui doivent aller devant le Pôle judiciaire spécialisé en matière de lutte contre la délinquance économique et financière.

“En retenant sa compétence, la Chambre d’instruction de la Cour suprême a procédé, à la date de ce jour 19 août, à des interrogatoires dits de première comparution à l’occasion desquels des inculpations ou mises en examen ont été prononcées, des notifications de poursuites pénales en étant non détenus, de même que des mandats de dépôt ont été décernés”, justifie le procureur général près la cour, qui précise que la justice va suivre son cours dans le respect de la présomption d’innocence.

Les précisions de l’avocat sur le grand ménage judiciaire

Les avocats de l’homme politique ont à leur tour relaté dans un communiqué le déroulement de la procédure depuis l’interpellation de leur client. “Après avoir été auditionné, la première fois, vendredi 1er août 2025, par la brigade du Pôle national économique et financier, l’ancien Premier ministre Choguel Kokalla Maiga a été convoqué ce mardi 12 août 2025 devant la même brigade, en vue, selon les enquêteurs, de confrontations avec certains de ses anciens collaborateurs. Arrivé au pôle à 9 h, il a attendu jusqu’à 14 h sans que les confrontations annoncées n'aient lieu. En fin de compte, les agents de la brigade lui ont notifié formellement son placement en garde à vue, en attendant la transmission du dossier aux autorités compétentes”, a informé Maître Cheick Oumar Konaré.

Sur l’identité de ses co-prévenus, l’avocat indique qu’il s’agit  d’anciens collaborateurs de l’ex-PM, notamment son ancien directeur de cabinet, le professeur Issiaka Ahmadou Singaré, et trois anciens directeurs administratifs et financiers de la primature. “Ce  placement en garde à vue survient dans le cadre d’une enquête sur des allégations d’atteinte aux biens publics émises par un rapport du vérificateur général. Choguel Kokalla Maiga bénéficie de tous les égards du personnel de la brigade et il est présumé innocent jusqu'à une éventuelle condamnation par les juridictions compétentes”, a tenu à préciser la robe noire.

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RETOUR SUR LE PARCOURS DE CHOGUEL

From hero to zero

Figure politique majeure du Mali, Choguel Maiga a été l’un des principaux leaders du Mouvement du 5 juin qui était à l’origine de la chute du président élu Ibrahim Boubacar Keita, occasionnant la prise du pouvoir par l’armée. À l’arrivée d’Assimi Goita en 2021, le mouvement contestataire l’avait désigné pour diriger le gouvernement, suite à la décision du nouvel homme fort de laisser le poste aux civils.

Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Choguel a été accusé d’avoir tourné le dos à ses camarades de lutte pour les privilèges du pouvoir. Ses déboires ont commencé vers la mi 2024, quand il a commencé à critiquer le régime des militaires. Il a été limogé, remplacé, aujourd’hui envoyé en prison. Ce qui lui vaut pas mal de messages peu compatissants auprès de la classe politique et de la société civile.

Analyste et chroniqueur politique, Sambou Cissokho déclare : “Dans l’affaire Choguel Kokalla Maiga, un détail saute aux yeux : parmi les huit présumés coupables, aucun ne porte le sceau du M5-RFP. Pas un seul compagnon de lutte, pas une trace de cette ‘fraternité révolutionnaire’ qui l’a porté au pouvoir. Lorsqu’il a décroché le Saint-Graal de la primature, Choguel a prestement retiré l’échelle, laissant ses camarades de lutte dans l’ombre.”

De l’avis de M. Cissokho, ce qui se passe n’est ni plus ni moins qu’un retour de bâton qui devrait servir à tous les politiques. “La leçon est cruelle : on peut s’élever grâce à un collectif, mais malheur à celui qui croit pouvoir régner seul une fois au sommet. Le M5-RFP n’a été pour Choguel qu’un marchepied vite relégué aux oubliettes de l’histoire. Aujourd’hui, le destin lui rappelle une vérité implacable : les escaliers servent à monter, mais la chute est toujours plus rude que l’ascension.”

Un régime sur le qui-vive

Choguel, selon lui, incarne la caricature du politicien malien de façon générale, c’est-à-dire “un opportuniste qui confond lutte collective et ambition personnelle, prenant la loyauté pour un vêtement qu’on change au gré des saisons. L’ironie suprême ? Ses anciens alliés, qu’il a si vite écartés, ne sont même pas impliqués dans sa déroute. Choguel n’est pas victime d’une trahison : il est rattrapé par son propre cynisme’’, charge-t-il sans ménagement.

De Moussa Traoré au règne d’Ibrahima Boubacar Keita, Choguel a été un acteur de premier plan des luttes démocratiques au Mali. Son parti, le Mouvement patriotique pour le renouveau, a participé à plusieurs joutes électorales avec des scores souvent honorables. Il a été plusieurs fois parmi les faiseurs de rois et a occupé plusieurs fonctions publiques importantes, dont la dernière en date est celle de Premier ministre du Mali. 

Il faut rappeler que ces arrestations interviennent dans un contexte marqué par une vive tension au sein de la junte, avec une cascade d’interpellations au niveau de l’armée.

Le régime d’Assimi Goita a, en effet, annoncé, ces derniers jours, une série d’arrestations de militaires, dont deux généraux accusés de tentative de coup d’État.

MOR AMAR

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