Publié le 7 Feb 2021 - 14:05
AFFAIRE OUSMANE SONKO

L’effondrement d’un mythe ?

 

C’est une affaire grave, dont Pastef/Les patriotes aurait sans doute préféré se passer. Accusé de ‘’viols et de menaces de mort’’, son leader Ousmane Sonko pourrait avoir d’énormes difficultés à laver son honneur trainé dans la boue.

 

Comme une onde de choc. Révélée, hier, par le journal ‘’Les Echos’’, la plainte pour viol de la nommée Adji Sarr, contre la personne d’Ousmane Sonko, a pris le relais de la très stressante Covid-19 avec son lot de morts et de cas graves. Vrai ou faux ? Dakar et le Sénégal ne bruissent plus que de ça. Ou presque.

Après plusieurs appels restés infructueux sur le numéro du fameux salon de massage aux allures de maison close, où travaillait Mlle Sarr, ‘’EnQuête’’ a appelé le journaliste Buur Guédé qui a pu rencontrer la patronne des lieux. Il rapporte : ‘’La dame avec qui j’ai échangé est très sereine. Elle semblait très sûre de ce qu’elle avançait. Pour elle, il ne peut y avoir de viol, dans la mesure où les deux chambres (la salle de massage et celle des parents) sont séparées par un mur. S’il y avait viol, on aurait entendu quelque chose.’’

A entendre la version de la dame, Sonko passait régulièrement dans son espace. Sur la nature de leurs relations, Buur Guédé explique : ‘’Un peu familier, je dirai. Elle me disait qu’elle le connaissait et que Sonko passait là-bas de temps en temps, qu’il n’est pas du genre à faire ça. Elle m’a dit que c’est elle-même qui lui faisait son massage. Si elle était occupée, Ousmane ne faisait pas son massage à visage découvert. Il mettait toujours un turban sur son visage’’. Si c’était pour masquer son identité, c’est peine perdue. Parce qu’un jour, informe la patronne qui se présente tantôt comme Amy Diop, tantôt comme Absa Diagne, ‘’je l’ai entendu dire au téléphone à quelqu’un ‘may bomb’ (c’est moi qui déchire), parce que c’est moi qui fais le massage à Ousmane Sonko’’.

Lavant à grande eau le leader de Pastef, la patronne n’a pas hésité à jeter le discrédit sur son employée. ‘’Elle a aussi été surprise au téléphone et quelqu’un lui disait de tout faire pour le faire éjaculer. Et le jour de son départ, elle disait au téléphone que c’est fait. La nuit même, deux hommes sont venus la prendre dans un véhicule de marque 4X4 noir, en ces temps de couvre-feu’’.

Une chose est sûre : la dame s’est tant bien que mal évertuée à défendre son client de luxe Ousmane Sonko. Est-ce parce qu’elle lui fait simplement confiance ou parce qu’ils ont des relations personnelles ? L’enquête ne tardera certainement pas à lever un coin du voile.

Dans sa plainte parcourue par ‘’EnQuête’’, Adji Sarr disait : ‘’Monsieur Sonko se présente régulièrement en qualité de client pour des séances de massage. Mais, à la fin, il exige toujours des faveurs sexuelles. Devant mon refus d’assouvir ses pulsions, il m’a un jour étranglée et contrainte à avoir des relations sexuelles avec lui. Confuse et prise de honte, j’ai voulu garder le silence sur cet acte mortifiant, en espérant que cela ne se reproduise pas. Mal m’en a pris, puisqu’il revient régulièrement et me contraint d’avoir des relations sexuelles avec lui’’, affirme la dame dans sa plainte, non sans ajouter que Sonko menaçait de la tuer, si jamais elle ouvrait la bouche. ‘’Je signale qu’il revient toujours porteur de deux pistolets’’.

REACTION OUSMANE SOKO

‘’Je n’ai rien à voir avec ces mensonges crapuleux’’

En tout cas, chez les amis et sympathisants d’Ousmane Sonko, cette accusation pour le moins rocambolesque a du mal à passer. Sur sa page Facebook, il a été publié le message suivant : ‘’Après les financements russes, après les liens avec le MFDC, après les financements par l'Etat islamique, après la plainte pour diffamation portant sur les 94 milliards, après la plainte fantoche de Franck Timis et tutti quanti, après les dizaines de millions de Tullow Oil, après les mallettes de Karim Wade et Yaya Jammeh, etc. Voici venue l'affaire des viols "répétitifs" sous la menace de deux pistolets, en présence de témoins et avec envoi préalable de SMS par le violeur pour annoncer son arrivée à sa victime’’, se défend le leader politique de l’opposition. Qui peste : ‘’Aucun homme politique n'a jamais été autant diffamé, calomnié et persécuté en si peu de temps. Et c'est révélateur de leurs tentatives de déstabilisation, aussi inlassables que vaines.’’

Pour Ousmane Sonko, après les liquidations de Khalifa Sall et Karim Wade, le nouvel attelage de Macky n'avait qu'une mission : liquider Sonko à tout prix avant 2024, y compris en manipulant des individus pour une besogne aussi abjecte. ‘’Depuis des mois, souligne-t-il, des amis, y compris de l'intérieur, n'ont cessé de m'alerter sur un complot à venir portant sur des questions de mœurs, puisque tous les autres avaient lamentablement échoué’’.

A ses militants et sympathisants, il déclare : ‘’Soyez rassurés que je n'ai rien à voir avec ces mensonges crapuleux. En attendant la notification officielle d'une plainte ou d'une convocation, je vous invite à rester mobilisés comme à l’accoutumée et à continuer le travail de massification, d’enrôlement des primo votants et d’installation de cellules dans tous les coins et recoins du Sénégal, car 2024 c’est maintenant !’’

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DECRYPTAGE AVEC LE PR. MOUSSA DIAW

‘’Cela risque d’écorner son image d’homme politique clean, très à cheval sur la pratique et la morale, mais…’’

Depuis hier, le leader de Pastef/Les patriotes a rejoint la longue liste des personnalités politiques citées dans des affaires de mœurs qui ont atterri sur la table des autorités judiciaires. Quel pourrait en être l’impact sur sa carrière politique ? Décryptage avec le professeur Moussa Diaw, politologue, enseignant à l’université Gaston Berger de Saint-Louis.

Dans l’histoire politique du Sénégal et même au-delà, les personnalités citées dans des affaires de mœurs font florès. Même si, souvent, les montagnes ont accouché d’une souris, il est parfois difficile, pour certains, de se relever. L’on se rappelle encore l’accusation contre Maitre El Hadj Diouf qui le poursuit comme un boulet. Ironie de l’histoire, ce sont les hommes même d’Ousmane Sonko qui sont les plus prompts à lui rappeler cette histoire, vraie ou fausse, qu’il aimerait sans doute oublier. Au-delà de nos frontières, en France, l’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a dû mettre un trait sur sa carrière politique, à cause d’une affaire de mœurs.

Quel pourrait être l’impact de telles accusations sur la carrière d’Ousmane Sonko ? Le politologue, Moussa Diaw rétorque : ‘’Cela peut pousser certains de ses partisans à douter. Cette histoire, même si c’est elle est fausse, risque d’écorner un peu l’image d’homme politique clean, très à cheval sur la pratique et la morale, qu’il a toujours dégagée. Maintenant, il faut éviter d’aller trop vite en besogne. Il faut attendre la suite de cette affaire aux allures rocambolesques. Pour le moment, ça ne reste que des accusations.’’

Sonko ne risque-t-il pas le même sort que des personnalités politiques comme Dominique Strauss Kahn ? Le professeur se veut on ne peut plus nuancé. ‘’Je ne pense pas que cela peut le nuire. D’autant plus que le pouvoir a cette réputation de toujours casser de l’opposition. Avant Sonko, plusieurs stratégies ont été développées pour contraindre des leaders de l’opposition à ne pas s’aventurer dans une logique de critique radicale. Encore une fois, à ce stade, il est très prématuré de se prononcer dans un sens ou un autre’’.

Et d’ajouter : ‘’En ce qui concerne Ousmane Sonko, ce n’est pas la première fois qu’il est cité dans des affaires. Beaucoup de Sénégalais avaient déjà ce sentiment de cabale contre lui. L’opinion, à tort ou à raison, considère que c’est parce qu’il est le seul vrai opposant au régime actuellement qu’il est devenu la principale cible du régime. Moi aussi, je suis tenté de croire que cette affaire entre dans cette logique. Mais attendons d’en voir plus clair’’.

 

Une chose est sûre, selon le politologue, ce qui est invraisemblable, c’est qu’il puisse fréquenter de tels endroits. ‘’Si c’est vrai, cela ne jouera pas en sa faveur. Mais il faut être prudent. Tout est possible dans cette affaire’’, a-t-il relevé. 

MOR AMAR

 

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