Publié le 24 Apr 2023 - 18:10
APPEL AU DIALOGUE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Des exigences en parfait désaccord 

 

Après son discours de la fête nationale d’indépendance, Macky Sall a rappelé son ouverture pour un dialogue politique avec l’opposition. Malgré cela, les parties peinent à s’accorder sur les termes.

 

Entre le président de la République et son opposition politique, on ne parle pas le même langage sur les tensions qui traversent le Sénégal, à 10 mois de l’élection présidentielle 2024. Si Macky Sall estime ‘’qu’il n’y a pas de prisonniers politiques au Sénégal’’ et que la démocratie ne s’est jamais portée aussi bien au  pays de la Téranga, Ousmane Sonko, le plus en vue des opposants, a déploré, meurtri, l’arrestation du n°2 de son parti, pour un post sur Facebook.

C’est dans ce contexte que le président de la République a réaffirmé, au lendemain de la fête de Korité 2023, sa disponibilité à dialoguer avec ses opposants pour dépasser les divergences.

Dans un entretien exclusif accordé à la RFM, Macky Sall a affiché de ‘’belles  intentions’’, en rappelant sa disponibilité pour un dialogue qui servira à tous. ‘’Ils (l’opposition, NDLR) n’ont qu’à croire en la bonne foi du président de la République, au lieu de croire qu’il y a des coups-bas derrière mon appel au dialogue. Ce n’est pas le cas. Ils doivent venir, mais s’ils ne le font pas, je n’y peux rien’’, a lancé le président de la République.

Macky Sall : ‘’Il n’y a pas de prisonniers politiques.’’

Pour Macky Sall, les arrestations notées ces derniers mois (plus de 400 manifestants et membres de l’opposition) n’ont rien à voir avec la politique. ‘’Il n’y pas de personnes tuées ou emprisonnées pour des délits d’opinion. Il n’y a pas non plus de journaliste emprisonné sur ses écrits, à moins qu’il n’ait enfreint l’éthique journalistique’’, assure le chef de l’État. Ce qu’il y a, ajoute-t-il, ‘’c’est des personnes qui ont enfreint la loi en procédant à la destruction de biens publics et privés. Il ne faut pas croire qu’on va céder à des pressions sur les Droits de l’homme. Dans tous les pays, ceux qui enfreignent la loi font face à la justice. Chaque pays a la capacité de conduire son peuple selon les lois établies. C’est  juste un rappel que personne ne doit oublier’’.

Macky Sall a été interrogé sur sa volonté ou non de barrer des adversaires politiques en vue de la Présidentielle. ‘’Rien ne m’oblige à appeler au dialogue politique. Je sais juste que cela peut permettre à certains de revenir dans le jeu politique. Et si je ne le fais pas, ils ont beau dire qu’ils vont se présenter, mais ils ne seront pas candidats’’, rappelle-t-il en référence à l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall et Karim Wade, fils de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, qui ont déjà annoncé leurs intentions de participer à la prochaine course vers le palais.

‘’On ne va pas céder à des pressions sur les Droits de l’homme’’

Après avoir perdu leurs droits politiques suite à des condamnations judiciaires, les deux opposants politiques peuvent bénéficier d’une loi d’amnistie et revenir dans le jeu électoral. Cette même sanction menace Ousmane Sonko, qui fait l’objet de poursuites dans un procès pour diffamation contre le  ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang et le parquet qui a fait appel d’une condamnation, le 30 mars dernier, qui ne le prive pas de son éligibilité. Sans oublier un autre procès pour des accusations de viol qui  n’est pas encore programmé.

Assez pour justifier une cabale de l’appareil judiciaire contre les opposants au régime ? Concernant le leader de Pastef/Les patriotes, le chef de l’État estime qu’il ne peut pas se prononcer sur un dossier pendant devant la justice. Toutefois, précise Macky Sall, ‘’être un homme politique ne garantit pas une immunité contre la justice’’. Tout en appelant au respect de la présomption d’innocence, le président de la République a rappelé que tous les citoyens sont des justiciables qui doivent répondre à chaque fois que la justice fait appel à eux.  

Macky Sall : ‘’Je ne suis pas au courant d’une médiation entre Ousmane Sonko et moi.’’

D’ailleurs, Macky Sall a récusé l’existence d’une médiation son principal opposant et lui. Cette idée a été agitée par Idrissa Seck, au moment d’annoncer sa candidature  pour la Présidentielle 2024.

En effet, le président de Rewmi a assuré s’être rendu au domicile de leader de Pastef/Les patriotes, avant la tenue du procès pour diffamation le visant. Ceci, après s’être entretenu avec le président de la République. Tout ceci, retient-il, pour que les tensions autour de la tenue de ce procès baissent.

Le chef de l’État s’est limité à son appel au dialogue, en rappelant qu’il reste ‘’disponible et ouvert. On peut le faire sur une à deux semaines, s’accorder sur l’essentiel pour apaiser les tensions. Je ne détruirai pas la démocratie sénégalaise’’. D’autant  plus que, retient-il, les sujets  à évoquer sont nombreux. ‘’Il n’y a pas que l’éligibilité comme point de dialogue. Il y a le parrainage et beaucoup d’autres sujets dont l’amnistie pour ceux qui ont perdu leurs droits et pourraient les retrouver’’.

L’appel au dialogue lancé par Macky Sall a suscité la réaction du coordonnateur du mouvement des forces vives du Sénégal F-24. Lancée le 16 avril dernier, cette organisation a enregistré l’accord des membres de la société civile et de formations politiques, principalement de l’opposition. Sur les ondes d’iRadio hier, Mamadou Mbodj a listé des préalables, indispensables à tout dialogue : l’instauration de conditions optimales et consensuelles d’une élection inclusive, apaisée et transparente, la libération des prisonniers politiques et surtout, le principal objectif de cette organisation, que Macky Sall renonce à présenter sa candidature pour un 3e mandat.

Macky s’en prend à ceux qui sont contre un troisième mandat

Cette position a été confortée par Thiate, du mouvement Y en a marre. Pour le membre de la société civile, dans une vidéo reliée par les réseaux sociaux, ‘’la seule option pour dialoguer est de promettre d’organiser des élections libres et transparentes auxquelles le président de la République sortant ne participera pas’’.

Un point sur lequel les parties auront peut-être du mal à s’entendre. En effet, dans la presse étrangère, le président de la République a déjà soutenu qu’au plan juridique, rien ne lui interdit de briguer un nouveau mandat. Et sur cette question, dans sa sortie de samedi, Macky Sall s’en est pris au collectif Jamm a gueun 3e mandat (la paix est préférable au 3e mandat).

Selon lui, tenir un discours de la sorte ‘’est avant tout source de violence, car la paix se cultive par le dialogue et non l’imposition d’une exclusion d’office’’. Non sans maintenir le suspense sur son intention de candidater ou non à un nouveau mandat en 2024 : ‘’J’ai été élu jusqu’au 2 avril 2024. D’ici là, qu’on me laisse me consacrer à cela. Ceux qui n’ont comme agenda qu’à se préparer pour être candidat peuvent s’y résoudre. Ce n’est pas mon cas. Alors, qu’on ne me l’impose pas.’’

EXPLOITATION DU PÉTROLE ET DU GAZ

Macky Sall confirme les doutes sur le démarrage effectif en 2023

Le président de la République s’est réjoui des performances économiques réalisées par le Sénégal, ces dernières années. Au point que malgré les crises internationales récentes (Covid-19, guerre en Ukraine), ‘’notre taux de croissance est projeté, pour cette année, à 8,8 %’’.

Toutefois, ce regain de l’activité économique est en recul par rapport aux 10 % annoncés en début d’année par les autorités.  Cela s’explique, selon Macky Sall, ‘’par l’incertitude sur le moment du démarrage effectif de l’exploitation du pétrole et du gaz. On ne sait pas si cela va commencer en novembre, décembre 2023 ou janvier 2024. Mais cela nous laisse sur un taux de croissance qui triple pratiquement la moyenne africaine de 3 %’’.

Si l’exploitation des hydrocarbures ne va pas faire du Sénégal un petit État du Golfe, le président de la République a listé les grands apports qu’elle aura pour l’économie nationale. D’abord, soutient-il, elle permettra au Sénégal de changer de statut économique, de récupérer des emplois et des contrats lucratifs avec la loi sur le contenu local. Mais cela permettra aussi de ne plus importer du pétrole et de garder les ressources (plus de 600 milliards/an) dédiées pour d’autres investissements, d’avoir une meilleure signature pour emprunter, de diminuer les prix de l’énergie au Sénégal.

Lamine Diouf

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