Publié le 6 Dec 2022 - 14:42
BUDGET MINISTÈRE DES TRANSPORTS AÉRIENS

Les députés portent le plaidoyer pour l’Anacim et Air Sénégal

 

L’Assemblée nationale a adopté, hier, le projet de budget du ministère des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires. Les parlementaires ont profité de l’occasion pour déplorer les manquements notés dans la gestion d’Air Sénégal, tout en plaidant pour un renforcement des moyens attribués à l’Anacim dont la mission est essentielle à beaucoup de secteurs de l’économie.

 

L'Agence nationale de l'aviation civile et de la météorologie (Anacim) et Air Sénégal. Deux structures importantes dépendant du ministère des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires dont le sort importe beaucoup aux députés. Lors du vote du budget de ce département intervenu hier, les parlementaires ont relevé l'importance des informations météorologiques et climatiques fournies par l’Anacim dont bénéficient particulièrement des secteurs clés de l’économie nationale comme l'agriculture, l'élevage, la pêche, la santé et l'environnement. Ceci, pour déplorer la piteuse situation que traverse l’agence  en proie à des difficultés financières liées à des arriérées de dettes fiscales d'un montant de près de 5 milliards F CFA.

Ces problèmes sont en partie la conséquence d’un budget du ministère des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires trop étroit face à l’ampleur de la tâche qui lui est confiée, confient certains parlementaires. Adoptée hier, la dotation budgétaire de ce département pour l’année 2023 est arrêtée à 10 377 676 543 F CFA en autorisations d'engagement. Cette insuffisance avait été soulignée en commission par le ministre des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires, lorsqu’il a évoqué les difficultés rencontrées au cours de la gestion 2022, notamment le déficit de la formation continue du personnel de supervision et d'encadrement dû à l'inexistence de crédits dédiés, l'insuffisance de ressources humaines spécialisées, la vétusté des équipements météorologiques et des locaux, ainsi que l'insuffisance des moyens du Crédit du transport aérien (CTA).

L’insuffisance des crédits alloués à ce département a été évoquée par le ministre des Finances et du Budget. Selon Mamadou Moustapha Ba, des prélèvements ont été opérés, en cours d'exercice, sur le budget général de l'État, à titre de subvention, pour maintenir les prix de l'énergie, du gaz butane et de certaines denrées de première nécessité. ‘’C'est cette réorientation de l'allocation des ressources publiques qui explique les ajustements qui ont été effectués sur le budget du ministère des Transports aériens en cours de gestion 2022, d'un montant de 1,2 milliard F CFA. Ce qui constitue des ponctions ayant perturbé l'exécution normale de certains programmes’’, a-t-il expliqué.

Toutefois, le ministre des Finances a relativisé la modestie du budget du ministère en soulignant, d'une part, que l'Anacim va bénéficier, pour la gestion 2023, d'une subvention de l'État d'un montant de 670 millions F CFA, ce qui constitue déjà une légère augmentation de ses moyens. Et d'autre part, ajoute Mamadou Moustapha Ba, cette entité dispose d'autres ressources qui lui sont propres ne figurant pas dans le document budgétaire. Il s'agit de diverses redevances, dont les redevances de concession d'aviation civile (5 milliards F CFA) et la RDIA de l'ordre de 40 milliards F CFA par an. Ainsi, il a fait observer que si ces ressources propres étaient intégrées dans le budget du ministère, celui-ci se chiffrerait en une cinquantaine de milliards F CFA.

Il n’empêche, rappelle Doudou Ka, la stratégie du gouvernement dans ce secteur repose sur le plan dénommé ‘’Stratégie hub aérien 2021-2025’’ dont la mise en œuvre repose sur quatre piliers essentiels : la mise à disposition d'un aéroport de référence aux normes internationales, la création d'une compagnie nationale de référence africaine, la mise en place d'un réseau d'aéroports régionaux aux normes et la création d'une autorité de l'aviation civile forte.

C’est d’ailleurs dans le cadre cette Stratégie de hub aérien qu’il est prévu la reconstruction du siège de l’Anacim pour 7 milliards F CFA. Aussi, rappelle Doudou Ka, cette agence bénéficie d’accompagnements annuels hors budget propre, dont 20 % de la redevance de concession sur le chiffre d'affaires versée par la société LAS (Limak-AIBD-Summa). Une proposition de relèvement de ce taux à 25 % a été soumise récemment au chef de l'État.

Ensuite, le ministre a indiqué les perspectives de son département pour l'année 2023. Celles-ci concerneront, notamment, la mise en service des aéroports de Saint-Louis, Kolda, Matam, Ziguinchor et Linguère ; le démarrage des travaux de Tambacounda, Kédougou et la deuxième phase de Cap Skirring ; la construction de l'héliport de Toubacouta ; l'ouverture d'une académie de formation aux métiers de l'aéronautique ; le renforcement de la sécurité et de la sûreté de l'AIBD et de tous les aéroports du Sénégal ; l'homologation de l'aéroport de Saint-Louis et la certification de l'aéroport de Cap Skirring ; la mise en œuvre de la stratégie de croissance d'Air Sénégal SA, ainsi que l'amélioration des investissements en faveur du secteur et du cadre législatif et réglementaire.

Les inquiétudes des parlementaires sur la compagnie nationale aérienne portent sur un certain nombre de dysfonctionnements dans la qualité du service. D'abord, des problèmes de ponctualité de plus en plus notés sur les vols, la faiblesse du nombre d’avions (10), la sous-traitance de services au profit d’Air France à l’aéroport Charles de Gaulle, la  cherté des billets d’avion, la suppression  ou la réduction de certaines dessertes sur certaines régions, etc.

Deux points sur lesquels ont particulièrement insisté les parlementaires sont la cherté des billets et le non-respect des horaires. Fatou Sagna l’a déplorée vigoureusement : ‘’Non seulement la qualité du service laisse à désirer, l’on peut vous convoquer à 12 h et vous faire embarquer à 21 h sans aucune explication. Idem pour les prix qui fluctuent de manière inexplicable.’’ 

Sur ce sujet, Doudou Ka a annoncé la mise en place d'un plan de redressement de la compagnie Air Sénégal, afin d’éviter une éventuelle faillite. Selon le ministre, les difficultés actuelles de la compagnie s’expliquent du fait que l'aide de l'État à la compagnie n'a pas permis d'amortir totalement les effets néfastes de la pandémie de la Covid-19. À l'absence d'appui financier conséquent, s'ajoutent les coûts de maintenance, l'assistance au sol, la location d'avions et la cherté du kérosène à Dakar. D'ailleurs, afin d'atténuer la cherté du carburant, l'entrée d’Air Sénégal dans le capital de Petrosen a été proposée. Le plan de restructuration vise l’amélioration de performances opérationnelles, commerciales et financières pour que la compagnie devienne rentable d’ici 2024.

Guys Marius Sagna traite Doudou Ka de ‘’nervi de l’APR’’

La nomination de Doudou Ka à la tête du ministère des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires n’est pas une bonne nouvelle pour le Sénégal. C’est l’avis de l’honorable député Guy Marius Sagna qui l’a fait savoir, lors du passage du chef de ce département à l’Assemblée nationale pour le vote de son budget.

Face au ministre, le député élu sur la liste départementale de Ziguinchor a qualifié le choix du président de la République de nommer l’ancien directeur de l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD) ministre des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires, de ‘’promotion d’un nervi de l’APR’’. ‘’Chaque fois, vous envoyez des nervis aux opposants. En même temps, pour soi-disant humaniser les relations politiques, vous envoyez un mouton de Tabaski au maire de Ziguinchor. Ousmane Sonko n’a pas besoin de votre mouton. Si vous voulez humaniser la politique, cessez d’être un nervi de l’APR’’, lance-t-il à Doudou Ka.

Si les députés ont déploré en commission les montants minimes des crédits alloués à ce ministère, Guy Marius Sagna a pris le contrepied de plusieurs de ses collègues. L’activiste a assuré qu’il a désormais arrêté de déplorer les budgets réduits de certains départements. ‘’On sait tous pourquoi on en est arrivé là. C’est parce que l’argent du contribuable est volé, détourné, que ces ministères n’ont pas assez de crédits. Les ministres et directeurs sont ceux qui volent l’argent du contribuable et lorsqu’on les reçoit, on se met à regretter la réduction de leur budget. Cela n’a pas de sens. Nous devons exiger l’arrêt des détournements et vols de deniers publics dans les ministères et directions’’, peste-t-il.

Quelques suggestions ont été faites par le député : ‘’Je marche à Ziguinchor et je vois des ambulances sur lesquelles il est inscrit ‘Don de Doudou Ka’. Vous avez offert 50 millions au Casa Sports, lorsque vous avez été nommé à la tête de l’AIBD. Pourtant, vous n’avez jamais été aussi généreux avant d’être à la tête de ces structures. A chaque fois que Macky Sall nomme quelqu’un à un département, il utilise l’argent de cette structure pour alimenter une base politique. Vous devez arrêter ça. Ce sont ces scandales qui réduisent les ressources qui doivent alimenter les ministères.’’

Le ministre n’a pas attendu son temps de parole pour voir ses alliés de la coalition Benno Bokk Yaakaar venir à sa rescousse. Nombreux parmi les députés de la mouvance présidentielle ont déploré vigoureusement les attaques du député de la coalition Yewwi Askan Wi envers le ministre, responsable politique de la mouvance présidentielle à Ziguinchor.

Pour Abdoulaye Diagne, l’attitude de certains députés est inacceptable. ‘’On insulte pour humilier. Accuser quelqu’un de voleur sans en avoir la preuve, de détournement sans preuve, est une forme d’insulte. Même la façon de dire certaines vérités peut relever de l’insulte’’, déplore-t-il. Le député Benno, Matar Diop, lui a emboité le pas en assurant à Doudou Ka : ‘’Vos passages à l’AIBD, au Fongip, jusqu’à ce ministère n’ont jamais fait l’objet d’aucune histoire de vol ou détournement. Mieux vaut être un nervi que l’on mendie vous acheter une voiture. C’est honteux ça !’’

Lamine Diouf

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