Publié le 7 Dec 2022 - 15:54
COMMANDE PUBLIQUE

Le privé national à l’assaut de plus de 2 000 milliards F CFA

 

Malgré les nombreuses initiatives prises par le gouvernement pour une meilleure participation du privé national dans la commande publique, celui-ci peine à en tirer pleinement profit, faute d’information et de maitrise des procédures.

 

Comment le secteur privé national et communautaire peut profiter davantage des nombreuses dispositions et facilitations aménagées dans le Code des marchés publics pour se développer ? Voilà une question centrale au cœur des échanges, hier, entre autorités contractantes, organes de régulation et secteur privé sur initiative de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes) en collaboration avec l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP).

Venus de différents secteurs de l’économie nationale, les participants se sont penchés toute la journée autour du thème ‘’Défis et enjeux de l’opérationnalisation des régimes de préférence accordés au secteur privé dans la commande publique communautaire dans les pays de l’UEMOA’’.

De l’avis du président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes) Adama Lam, la réforme du Code des marchés publics aurait dû servir de régénérer le tissu industriel national, après des années de destruction marquées par la disparition de plusieurs fleurons. Hélas, les fruits sont loin de tenir la promesse des fleurs. ‘’… Cette réforme majeure du Code des marchés publics, soutient M. Lam, n’a pas été accompagnée de projets sectoriels phares pour rendre opérationnel des régimes de préférence accordés. De plus, l’article 51 qui complète l’article 50 ne précise pas le seuil d’intégration de biens et services locaux dans les offres de soumission pour bénéficier des marges de préférence de l’article 50’’.

Pendant que les acteurs du privé national communautaire ne cessent de réclamer davantage de parts de marché dans la commande publique, les chiffres de l’ARMP semblent décerner une note assez satisfaisante, malgré les efforts qu’il reste à faire. Prenant la parole, le directeur général de l’ARMP, rappelant que la commande publique mobilise plus de 2 000 milliards de francs CFA par année, est revenu sur la part du privé national, estimée à 67 %, entre 2020 et 2021. D’après Saër Niang, ce taux est certes satisfaisant, mais toujours en deçà des objectifs, au regard des grands enjeux que sont l’existence d’un secteur privé fort, l’emploi et l’employabilité des jeunes, des femmes et des personnes vivant avec un handicap.

L’ARMP, selon lui, ‘’a jugé opportun de proposer des textes visant à améliorer le cadre juridique, afin de mieux prendre en compte les attentes et préoccupations des entreprises nationales, notamment la catégorie des PMI-PME, pour un accès plus facile à la commande publique qui constitue, pour elles, un mécanisme de développement durable, endogène et résilient’’.    

Les initiatives de l’État pour favoriser la participation du privé national

Depuis quelques années, le gouvernement du Sénégal a pris plusieurs initiatives allant dans le sens de soutenir la participation du secteur privé à la commande publique. L’une des dernières en date, selon Saër Niang, c’est la discrimination positive introduite dans la nouvelle loi sur le partenariat public-privé, en vue de faire participer davantage le secteur privé national au développement des infrastructures. Déjà, en 2014, la réforme du Code des marchés publics renforçait cette participation, en accordant une attention particulière aux PME. ‘’Cette catégorie d’entreprises, qui constitue la frange la plus importante en nombre, exprime le besoin de capacitation, de financement et d’accompagnement. Ces aménagements permettent à cette catégorie de soumissionner aux marchés en lots séparés et de bénéficier de la sous-traitance dans les marchés complexes’’.

Dans la même veine, le DG de l’ARMP, s’appuyant sur des études réalisées par sa structure, s’est érigé en défenseur des petites et moyennes entreprises.  ‘’Le plaidoyer en faveur des PME pour faciliter leur accès à la commande publique, insiste-t-il, est d’autant plus opportun que des résultats d’une étude réalisée par l’ARMP sur leur accès à la commande publique ont révélé leur faible participation aux marchés publics. Cette situation crée un impact négatif, de manière globale, sur les performances de l’économie et plus spécifiquement sur la diffusion des effets bénéfiques de la croissance sur l’emploi et la répartition des revenus… Cette même étude a également démontré qu’une meilleure participation des PME à l’exécution des marchés publics permettrait d’augmenter l’emploi, réduirait les inégalités et accroîtrait les effets positifs sur le transfert de technologies, l’apprentissage, l’innovation et l’inclusion sociale’’.

Les contraintes qui plombent le privé national

Par ailleurs, une chose est de prendre des dispositions pour permettre aux privés nationaux et communautaires d’avoir accès à la commande publique, mais c’en est une autre de leur doter de moyens d’avoir accès à de telles informations et d’en profiter.

Selon le président Lam, il ressort des statistiques de l’ARMP de 2021 un manque de maitrise des procédures, notamment celles relatives aux règlements de différends. ‘’De plus, fait-il remarquer, le rapport 2021 de suivi relatif aux marchés publics et aux délégations de service public dans l’espace UEMOA indique un nombre insignifiant de marchés obtenus sur le territoire d’un État membre de l’UEMOA par les entreprises communautaires non nationales’’.

À côté de ces contraintes, d’autres semblent tenir du ressort de l’État qui soustrait certains marchés d’envergure du Code des marchés. Trois phénomènes sont déplorés à ce niveau par le président de la Cnes. D’abord, indique M. Lam, il y a les marchés publics de BTP assortis de financement communément appelés offres spontanées d’un certain seuil. Ensuite, il y a la soustraction au Code des marchés publics des entreprises nationales relevant du secteur énergétique, à savoir : le gaz, le pétrole et l’électricité. Et en troisième lieu, le président note la soustraction au Code des marchés de plusieurs marchés de prestations intellectuelles, de fournitures et de travaux sous le sceau du secret, du secret-défense, de l’urgence impérieuse, de mesures de mobilisation générale et de mise en garde, etc. Selon lui, ‘’il faut arrêter de faire des entreprises nationales et communautaires des entités vouées à la sous-traitance. À défaut de faire des entreprises non communautaires des exécutants, il serait nécessaire de privilégier au moins la cotraitance’’.

Revenant sur l’importance de l’atelier, le président de la Cnes dira : ‘’Le but de cette initiative est de lever les contraintes qui empêchent la satisfaction de la commande publique du Sénégal et dans le reste de l’espace communautaire par les biens et services originaires des pays de l’UEMOA… L’intensité d’utilisation de biens et services communautaires pour satisfaire la commande publique au Sénégal et dans les autres pays de l’UEMOA, constitue le levier indispensable, au sein de notre communauté sous-régionale, pour l’intégration commerciale, l’intégration des capacités productives et celle des travaux d’infrastructures’’.

MOR AMAR

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