Les premiers pas de l’assurance indiciaire

L’assurance indiciaire est un mécanisme de couverture des risques agricoles pour renforcer la résilience des producteurs. Lors d’une conférence qui se tient à Dakar les 4 et 5 décembre, il a été dévoilé les avancées et les limites du Sénégal.
Une conférence internationale de deux jours sur l’assurance indiciaire a débuté hier au Sénégal. Près de 200 participants de 20 pays vont procéder à des partages d’expérience sur la thématique. L’assurance indicielle, selon Fatou Assah du Groupe de la Banque mondiale, diffère de celle traditionnelle du fait que l’assureur s’accorde avec l’assuré sur un indice qui peut être la pluviométrie ou le rendement à l’hectare… ‘’Si ce niveau n’est pas atteint, l’assurance se déclenche automatiquement et le producteur est indemnisé. Tout ce processus peut se faire rapidement, entre 5 et 10 jours’’, explique-t-elle.
L’objectif d’une telle approche est de rassurer les institutions de microfinances pour qu’elles acceptent d’accorder des crédits de campagnes aux paysans, pour que ces derniers puissent continuer à investir et accroître leur production. ‘’Nous voulons apporter des solutions pour la résilience des petits fermiers ; faciliter l’accès aux crédits avec des solutions qui règlent les problèmes de la pluviométrie’’, souligne-t-elle.
Dans les pays en voie de développement, les facteurs de risques sont nombreux. Avec les changements climatiques, il y a la sécheresse, la pluviométrie, les inondations. Il y a aussi la pauvreté des sols, les insectes, les oiseaux granivores, les rats etc. ‘’L’activité de crédit agricole a besoin de l’assurance pour couvrir les risques. Les agricultures ont besoin de mécanisme qui leur permet, en cas de survenance de sinistre, de pouvoir retrouver leur capacité à emprunter’’, déclare le directeur général de la Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal (Cncas), Malick Ndiaye.
Un travail de sensibilisation a donc été mené et commence à porter ses fruits. Selon Mme Assah, de 60 contrats signés en 2011 au début de la mise en ouvre, aujourd’hui en 2017, on est à 30 000 signatures. Sachant que, ajoute-t-elle, un contrat pour une exploitation couvre en moyenne 5 à 8 personnes. Autrement dit, au minimum 150 000 individus sont couverts, le chiffre pouvant aller jusqu’à près de 400 000, si l’on en croit Fatou Assah. La Boad a aussi accepté de mettre 2 milliards au profit du Sénégal pour le secteur du coton. Ce qui veut dire que l’action ne se limite plus aux cultures vivrières ; elle s’étend aussi à l’activité d’exportation.
Si de tels résultats ont pu être atteints, c’est aussi parce que les autorités du pays ont accordé un certain nombre de facilités au groupe de la Banque mondiale. ‘’Dans le cas du Sénégal, il nous donne une subvention de 50% dans toutes les primes d’assurance. Il a aussi défiscalisé l’assurance agricole. La Tva n’est pas payée, ce qui fait que le surcoût est moins important’’, se réjouit-elle.
Absence et cherté des données météo
Cependant, malgré les avancées, il y a des contraintes réelles liées à la méconnaissance du produit et surtout à la méfiance des agriculteurs. Par exemple, révèle le DG de la Cncas, à Matam, il n’y a presque pas d’assurance agricole, parce que les producteurs sont très réticents. ‘’Même dans la vie courante, si la loi ne nous imposait pas d’avoir l’assurance automobile, je peux parier que beaucoup d’entre nous n’auraient pas assuré leur véhicule. Il nous faut donc convaincre le producteur du bien fondé de l’assurance’’, souligne Malick Ndiaye.
Ce dernier pense que la solution consiste à mettre sur le marché des produits packagés. Ainsi, le crédit agricole a décidé d’accompagner ceux qui veulent se souscrire et qui n’ont pas de trésorerie nécessaire. En fait, au moment de la signature du contrat, la souscription à l’assurance est mise dans les plans de campagne agricole, au même titre que les autres intrants. ‘’Pour nous, l’assurance agricole est le premier intrant’’, affirme M. Ndiaye. C’est ainsi que les cultivateurs de coton ont vu la banque préfinancer les 50% qui leur revenaient sur la base du contrat. Selon lui, la banque est prête à faire la même chose pour les autres filières.
Il y a également la difficulté de l’accès aux statistiques. Le programme a besoin de données météo fiables et sur une longue durée, pour mieux faire des projections. Or, elles ne sont pas toujours disponibles. Les initiateurs sont donc contraints de travailler avec les fournisseurs de donnés satellitaires. En fait, les données satellitaires sont gratuites, mais elles couvrent un rayon de 3 kilomètres. Pour avoir des chiffres sur des espaces aussi réduits que les exploitations agricoles (1 ha environ), il faut payer et les données coûtent cher. Au Sénégal, il y a aussi une autre solution, l’Anacim fournit ses données et la Banque mondiale, en contrepartie, l’appuie en matériel et formation.
BABACAR WILLANE