Publié le 6 May 2020 - 01:24
CRISE ÉCONOMIQUE - EFFECTIVITÉ DES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT

Les acteurs du privé s’impatientent

 

Les acteurs du secteur privé attendent toujours l’effectivité des mesures d’accompagnement annoncées, en mars dernier, par le chef de l’Etat, afin de leur permettre d’atténuer les effets négatifs de la pandémie de Covid-29 sur leurs entreprises. Et ceci, après les mesures de confinement qui ont ralenti leurs activités, depuis presque deux mois.

 

Le chef de l’Etat Macky Sall a pris un certain nombre de mesures pour limiter l’expansion de la pandémie de Covid-19 à travers le pays. Il s’agit, entre autres, du confinement, du respect des gestes barrières, de la distanciation sociale, etc. Des normes qui ont eu des répercussions sur les activités des entreprises dont celles du privé.

Conscient de la situation, le président Sall a parallèlement annoncé une batterie de mesures d’accompagnement de ces acteurs économiques, pour leur permettre de réduire ces impacts sur l’économie nationale. Il s’agit, d’abord, de la mise en place d’un comité de croissance et de veille économique, d’allégement fiscal pour les entreprises impactées, du paiement de la dette que celles-ci devaient à l’Etat, de soutien financier, etc.

Cependant, plus d’un mois après ces annonces, les choses semblent rouler au ralenti pour certains secteurs. ‘’EnQuête’’ a contacté des acteurs pour s’enquérir de la situation. ‘’L’inquiétude a pris le relais sur certaines interrogations qu’on avait, quand on voit l’évolution exponentielle de la pandémie et des personnes qui sont touchées. (…) Le comité n’a pas encore démarré ses travaux. Ils en sont aux réglages. Donc, nous attendons la suite pour voir s’il va fonctionner convenablement’’, rapporte le secrétaire exécutif de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes). Mor Talla Kane souligne qu’en temps de guerre ou de paix, c’est l’urgence qui commande. ‘’Nous entendons toujours le chef de l’Etat rappeler aux différents ministères l’obligation d’aller très vite. Nous avons la même remarque. Si on perd du temps, le mal ne sera que plus profond. Il faut que les outils qui ont été annoncés puissent être opérationnels le plus tôt possible. La grande faiblesse dans nos administrations au Sénégal, c’est l’opérationnalisation et cela risque de nous rattraper. Or, il faut y aller très vite. Les autres pays qui ont géré cette crise y sont allés très vite’’, dit-il.

Aujourd’hui, à côté de l’urgence de la distribution de produits alimentaires aux populations, le secrétaire exécutif de la Cnes signale qu’il ‘’ne faut pas’’ que cela cache l’autre crise économique qui, d’après lui, ‘’risque d’être plus lourde’’, au point d’arrêter l’outil de production. ‘’La santé est certes importante, mais il faut savoir ordonner les priorités’’, fait-il savoir. Même s’il dit ‘’apprécier’’ la composition des membres de ce comité parmi lesquels figurent deux représentants du secteur privé, M. Kane indique qu’il appartient aux entreprises et au patronat de communiquer à leurs représentants les différentes observations ou solutions. Car, selon notre interlocuteur, il y a eu un ‘’flottement’’ dans la concertation entre le secteur privé et l’Administration. ‘’Ce qui n’est pas de bon augure dans la concertation. Or, il faut rappeler que la dévaluation a été un moment de référence du dialogue entre l’Etat et le secteur privé. Donc, il urge de dialoguer en permanence pour passer le gap, car cette crise est aussi profonde que celle de la dévaluation. Elle nous commande d’aller très vite et d’avoir une concertation soutenue entre l’Administration et le secteur privé’’, renchérit-il.

Au fait, s’agissant des deux représentants du secteur privé au niveau du comité de suivi, le président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS), Mamadou Ibra Kane, rappelle qu’il s’agit du président de l’Association des professionnels des établissements banquiers et financiers, Bocar Sy, par ailleurs DG de la Banque de l’habitat du Sénégal (BHS) et de Mbagnick Diop du Mouvement des entreprises du Sénégal (Mdes), qui est en même temps le PDG d’un groupe de presse et membre du patronat de la presse.

Pour le moment, les travaux du comité de suivi n’ayant pas ‘’réellement démarré’’, du côté des commerçants et industriels du Sénégal, le SG de l’Unacois/Jappo informe qu’ils restent à l’écoute des mesures d’accompagnement. Toutefois, Mamadou Dieng confie qu’ils sont en concertation régulière avec certains préfets et maires de Dakar, à propos des fermetures des marchés. D’après lui, il faut ‘’juste réorganiser les choses’’, désinfecter les lieux de commerce, inviter les commerçants et clients à respecter les mesures barrières à la place de la fermeture. ‘’C’est ce qu’on a proposé au préfet de Dakar, lors de notre dernière réunion, vendredi. Pour nous, le plus important, c’est de faire de sorte que les gens qui viennent dans les marchés n’y propagent pas la maladie et en rentrant aussi, qu’ils n’amènent pas le virus chez eux. Pour ce faire, il faut que tous les acteurs prennent les dispositions nécessaires. C’est un travail à faire en rapport avec les municipalités et les forces de l’ordre’’, dit-il. 

Mamadou Dieng (SG Unacois/Jappo) : ‘’L’Etat doit faire un arbitrage et trouver un système de compensation…’’

Depuis l’expansion de la pandémie au Sénégal, le SG de l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois/Jappo) confie que les choses sont devenues ‘’compliquées’’ pour tout le monde, notamment les agents qui sont dans le secteur du commerce. ‘’En fait, toutes les mesures prises pour éviter la propagation du virus ont un impact négatif sur les activités. Nous déplorons également les dernières mesures prises concernant le petit commerce et les acteurs de l’informel’’, regrette M. Dieng. En effet, il est désormais ordonné aux marchés de fonctionner en système de rotation. C’est-à-dire ceux qui vendent les produits alimentaires vont travailler pendant 3 jours et les vendeurs des produits non essentiels deux jours.

Or, le SG de l’Unacois/Jappo souligne que celles-ci ‘’ne sont pas appliquées’’ au niveau des enseignes de la grande distribution qui, d’après lui, ‘’ne respectent pas les mesures barrières’’. Ainsi, ‘’l’Etat doit faire un arbitrage et trouver un système de compensation des acteurs du commerce qui sont impactés, comme il l’a fait avec les autres secteurs. Ceci pour leur permettre de relancer leur business après la pandémie. Pour ce faire, il faut un comité chargé du secteur informel. Sinon, il y aura beaucoup de personnes qui seront en chômage. Ce qui risque d’être catastrophique pour le pays’’, plaide M. Dieng.  

Déjà, selon Mamadou Dieng, les pertes enregistrées durant ces deux mois sont ‘’énormes’’. Malheureusement, le SG de l’Unacois/Jappo ne dispose pas de données chiffrées. Mais, d’après lui, le constat est qu’il n’y a ‘’plus d’emplois’’ sur le marché. ‘’Le couvre-feu a réduit radicalement le commerce. Ils ferment tous à partir de 17 h pour rentrer à temps. Même ceux qui continuent ne voient pratiquement personne. Car les gens ont peur de sortir. Donc, on peut dire que 50, voire 60 % de leurs activités sont réduites’’, estime-t-il.

Heureusement pour l’approvisionnement du marché, M. Dieng rassure que pour l’oignon et la pomme de terre, la production locale actuelle couvre les besoins du marché. ‘’Et elle peut tenir pour quelques mois. Pour le riz aussi, nous n’avons pas encore de difficultés. Il n’y a pas encore de tension sur le marché international. Ce que nous craignons peut-être, est que si la crise continue, les pays exportateurs peuvent vouloir garder leurs stocks pour sécuriser leur marché local. Il n’y aura pas de problème, concernant les produits alimentaires, car le marché est bien approvisionné. Toutefois, par rapport aux produits non essentiels, leurs activités sont au ralenti à cause de la fermeture des frontières’’, fait-il savoir.

Comme le commerce, les entreprises privées subissent également de plein fouet les effets de la Covid-19. ‘’Au début, les gens disaient qu’avec quelques dizaines de personnes, on pouvait éviter le pire. Mais les signaux que nous recevons déstabilisent déjà les entrepreneurs qui n’ont plus la possibilité de gérer dans la sérénité l’avenir du fonctionnement de leurs entreprises. Le plus inquiétant est que nous aurons des industries qui vont fermer. Il y a déjà une en particulier qui l’est. Parce qu’il y a eu une personne qui était touchée’’, déplore par ailleurs Mor Talla Kane.

En effet, le secrétaire exécutif de la Cnes explique que quand il y a, au sein d’une entreprise, 100, 200 ou 1 000 personnes qui se côtoient tous les jours, dès qu’une d’entre elles est touchée, cela installe la psychose. ‘’Le chef d’entreprise est actuellement entre le marteau et l’enclume. Il doit produire, mais il a peur que son entreprise soit le foyer de contamination de la pandémie. L’équation, c’est le chômage technique avec l’obligation de payer 70 % des salaires. C’est bien de penser à l’action sociale, mais il ne faut jamais oublier qu’il faut du chiffre d’affaires pour exister’’, renchérit-il.

Dans certains pays, nous souligne M. Kane, l’Etat a pris des mesures en prenant en charge le paiement d’une partie des salaires. Au Sénégal, il soutient que la logique sociale est là et est ‘’partagée’’ entre l’Etat et les chefs d’entreprises. Cependant, il précise que l’argent doit ‘’être trouvé quelque part’’. ‘’Le rôle d’une entreprise, c’est la création de richesses. Et si elle ne crée pas cette richesse, je ne sais pas comment on peut payer les ouvriers. D’autant plus qu’on ne connait pas la durée de cette pandémie. C’est une question sur laquelle les gens doivent avoir le courage de revenir. Ceci pour savoir comment on peut gérer socialement, humainement les travailleurs et permettre aux entreprises de rester debout pour remplir leurs obligations de salaires, mais aussi de se relever de l’après-Covid’’, affirme Mor Talla Kane.

La définition de la notion ‘’d’entreprise impactée’’ freine les travaux        

Concernant l’affectivité des mesures, le secrétaire exécutif de la Cnes renseigne qu’il y a des textes qui viennent de sortir, notamment celui sur les 200 millions. En plus, l’Association sénégalaise des banques vient de signer un protocole avec le ministère de l’Economie. ‘’Avec les impôts, on est en train de discuter de la définition de la notion d’entreprise impactée. C’est la base de tout. Il faut savoir qui est impacté, que recouvre cette notion, etc. On est en train de travailler sur ces textes. Mais, de mon point de vue, le rythme n’est pas encore satisfaisant. Ce sont des choses qu’on devrait faire très rapidement. Au lendemain du discours du chef de l’Etat, c’est ce qu’il fallait faire. Maintenant, on est encore sur des textes, alors que cela doit être opérationnel’’, regrette M. Kane.

En réalité, avec cette notion ‘’d’entreprise ou secteur impacté’’, le secrétaire exécutif de la Cnes estime qu’il risque d’avoir de ‘’grandes surprises’’. ‘’Il y a des secteurs qui ont été cités à titre illustratif et il est important de ne pas laisser sur la route ceux qui sont réellement impactés et qui n’ont pas été cités dès le début. Il y a l’industrie, les BTP ; tous les chantiers sont fermés. Mais s’arrêter seulement aux secteurs cités pour dire qu’ils sont les seuls impactés, risque d’avoir de grosses conséquences’’, avertit-il. Or, M. Kane rappelle qu’il y en a qui constituent la ‘’colonne vertébrale’’ de l’activité économique du pays. ‘’La crise peut nous révéler de mauvaises surprises sur les secteurs qui sont censés être non-impactés. Alors qu’ils l’ont été réellement. Il faut aller au-delà des spéculations intellectuelles et se référer aux faits. Et que ceux qui en ont droit puissent être soutenus. Parce qu’en le faisant, on ne les aide pas individuellement, mais on aide l’économie sénégalaise’’, alerte-t-il.

Concernant le secteur du BTP, le SG de leur syndicat, le colonel Mbareck Diop, par ailleurs membre du Conseil national du patronat (CNP) a également confirmé qu’ils ‘’n’ont pas été bien servis’’. ‘’Or, on a des entreprises qui souffrent en ce moment. Il ne faut pas se voiler la face. Les gens ne peuvent plus se déplacer de région en région pour les contrats au Sénégal. Il y a des entreprises qui avaient des contrats à l’étranger et actuellement, ils (les travailleurs) ne peuvent pas voyager. Nous espérons que les mesures prises par l’Etat pour payer la dette fiscale des entreprises va leur donner une bouffée d’oxygène’’, espère-t-il. Car, à court terme, M. Diop, relève qu’ils ont noté au moins 20, voire 25 % de baisse des activités actuellement. Et si la crise continue, selon lui, ils risquent d’aller à 50 %.

Mamadou Ibra Kane (CDEPS) : ‘’Le ministère de l’Economie a déjà viré les 1,4 milliard de francs CFA au Trésor public’’

A instar des autres activités économiques, le président du CDEPS pense qu’avec une presse ‘’fragilisée’’ par cette crise, il est normal que l’Etat du Sénégal puisse l’aider à remplir sa mission de service public. ‘’C’est fondamental. Elle joue un rôle dans la stabilité politique et sociale du pays. Elle doit être préservée pour être libre et indépendante, pour jouer son rôle dans le développement économique et social du Sénégal’’, témoigne Mamadou Ibra Kane. A ce propos, il rappelle que lors de leur rencontre, le président de la République, Macky Sall, a décidé que le montant de l’aide à la presse sera doublé. Parce que la presse subit les contrecoups économiques de la crise. Il a, au préalable, dans son discours du 23 mars 2020, cité la presse parmi les secteurs qui sont économiquement impactés. De ce point de vue, il a pris trois mesures qui concernent spécifiquement la presse. D’abord, elle est éligible au Force-Covid-19, ensuite aux allégements fiscaux. Et, enfin, selon lui, la presse fait partie des secteurs ‘’prioritaires’’ au même titre que le tourisme, l’hôtellerie.

‘’Cela va rendre possible la création d’un fonds spécial pour le secteur de la presse. Vu que c’est un secteur d’activité assez spécifique, ils tentent de voir d’autres mesures qui peuvent lui être appliquées pour qu’elle ne subisse pas trop l’impact de la crise’’, dit-il. Sur ce, le président du CDEPS relève qu’il y a une mesure qui est en voie d’application. Il s’agit du doublement de l’aide à la presse, qui est déjà effectif. Selon M. Kane, le ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération a déjà viré les 1,4 milliard de francs CFA au Trésor public. ‘’Cet argent est mis à la disposition du ministère de la Culture et de la Communication. Maintenant, le problème se trouve au niveau de la tutelle. Lors de notre entrevue avec le président de la République, nous avions demandé que les acteurs de la presse puissent être associés pour la définition des critères de répartition, pour que cela ne se passe pas n’importe comment’’, préconise-t-il.

Deuxièmement, les professionnels des médias ont également demandé qu’il y ait un arrêté de répartition de l’aide. ‘’Comme c’est de l’argent public, on doit pouvoir identifier les bénéficiaires et les critères qui ont été à la base des répartitions faites, de façon publique. Actuellement, le ministère de la Culture et de la Communication bloque un peu la délivrance et la distribution de cette aide. Le ministre nous a clairement dit qu’il n’était pas d’accord avec les conditions que le président de la République avait acceptées. A savoir, associer les acteurs de la presse pour la définition des critères de répartition et qu’il y ait un arrêté de répartition. Ce sont peut-être ces deux facteurs qui bloquent, aujourd’hui, la sortie de l’aide à la presse. Mais, toute façon, nous resterons vigilants’’, insiste-t-il.

Parce que Mamadou Ibra Kane pense qu’’il faut que les entreprises de presse, qui ‘’font des investissements, paient les impôts’’, puissent bénéficier de cette aide et qu’il y ait la ‘’transparence la plus totale’’. ‘’Nous le demandons en tant qu’entreprises, journalistes et citoyens. Il faut souligner que la presse est la principale arme du gouvernement pour vulgariser les mesures de protection contre le coronavirus. C’est à ce titre que le président de la République a reconnu, dans l’audience qu’il a accordée aux acteurs de la presse, le rôle prépondérant qu’elle joue dans cette guerre. Sans vulgarisation de ces mesures, celle-ci ne peut être gagnée. En plus du personnel médical, la presse et les journalistes sont des soldats de la nation’’, rappelle notre interlocuteur.

Aujourd’hui, compte tenu du ralentissement de l’activité économique, M. Kane signale que la publicité a chuté. Donc, les recettes publicitaires qui font, en réalité, la rentabilité des entreprises de presse, ‘’ne sont plus disponibles’’. ‘’Quel que soit le type de support, la presse écrite, celle en ligne et l’audiovisuel, tous les programmes ont été chamboulés’’, déplore le patron du CDEPS.

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SIDY LAMINE NDIAYE (APSFD) 

‘’Certaines institutions de microfinance sont au bord de l’asphyxie financière’’

Aujourd’hui, même le secteur financier n’est pas épargné par la crise économique causée par la pandémie. Le secteur de la microfinance, particulièrement frappé, demande un traitement spécifique pour continuer à soutenir l’économie du pays

D’après le directeur exécutif de l’Association des professionnels des systèmes financiers décentralisés (APSFD), dès le premier mois de l’expansion du virus au Sénégal, ils ont fait une évaluation concernant la production de crédit dans les institutions de microfinance.  ‘’On faisait, en temps normal, en moyenne 35 milliards de crédit par mois. Elle a baissé de 10 à 12 milliards de francs CFA. On en était à 23 milliards de production de crédit. Même le moteur du secteur est touché, dès le premier mois. A la fin du mois d’avril, on a senti qu’il y a une baisse drastique des remboursements. On en est à un taux catastrophique, avec des arriérés qui tournent autour de plus de 6 milliards de francs CFA. Ce qui constitue une énorme perte pour le secteur de la microfinance’’, rapporte Sidy Lamine Ndiaye.  

D’après lui, avant que les autorités monétaires ne préconisent les reports d’échéance de paiement, les gens commençaient à ‘’avoir des problèmes pour payer’’ leurs crédits. Parce que plus de 70 % de leurs clients travaillent dans le secteur informel. Alors que ce dernier est plus touché par la crise, notamment avec la fermeture des marchés, surtout les marchés hebdomadaires en milieu rural. Ce qui a ‘’beaucoup impacté’’ leurs institutions qui sont en zone rurale. ‘’On a un grand réseau qui intervient plus dans ces zones. En général, les institutions de microfinance qui sont en milieu urbain sont plus rentables que celles en milieu rural. Donc, on faisait focus sur la comptabilité des zones urbaines pour financer les institutions en zone rurale. Maintenant que tous les deux acteurs sont touchés, on se retrouve dans une situation vraiment compliquée’’, poursuit-il.

Pour venir en aide au secteur, M. Ndiaye soutient que l’Etat doit ‘’donner des ressources conséquentes’’ aux institutions de microfinance pour leur permettre de continuer à survivre. Ceci même si c’est sous forme de subventions ou prêts sur une longue durée, pour faire face à leurs charges de fonctionnement, etc. ‘’On a aussi besoin de ressources pour continuer nos activités. Si on veut soutenir les populations ou maintenir cette dynamique économique pour une émergence, il faut passer impérativement par les institutions de microfinance. Nous sommes plus en contact avec les PME, les acteurs de l’informel qui occupent une part importante du tissu économique’’, dit-il. Car, d’après le directeur exécutif de l’APSFD, ils ont aussi remarqué que même les autres indicateurs de l’encours d’épargne ont ‘’chuté’’.

‘’Les gens, au lieu de déposer de l’argent, ils viennent plus pour retirer leur épargne. Avec toutes les difficultés, certaines institutions sont au bord de l’asphyxie financière. Récemment, certains de nos membres nous ont fait part que si la crise perdure, ils vont fermer leurs institutions. Parce qu’ils ne pourront plus continuer à payer les salaires, maintenir le rythme de production’’, signale M. Ndiaye. Selon lui, au sein de l’APSFD, leur objectif, quelle que soit la situation, c’est ‘’d’être aux côtés des populations’’ afin qu’il y ait une continuité de l’activité de service. Mais pour le faire, il note qu’il leur faut ‘’disposer de moyens de résilience très efficaces’’. Et là, M. Ndiaye soutient qu’il y a ‘’une forte attente’’ de la part des autorités étatiques.

‘’Jusqu’à présent, les mesures prises, notamment par la BCEAO, concernent plutôt les banques classiques et non les SFD. Pour la BCEAO, ce sont ces banques qui doivent appuyer le secteur de la microfinance. On nous met dans le même segment que les PME. Or, on aurait souhaité, étant des acteurs très importants du système financier, que la Banque centrale, de même que les autorités étatiques puissent prendre des mesures spécifiques pour le secteur de la microfinance. Et vu l’acuité du problème, nous voulons que cela aille vite’’, suggère-t-il.

‘’Il y aura des licenciements ou des chômages techniques’’

Ceci sachant que les SFD ‘’n’ont pas la possibilité’’ qu’ont les banques de se refinancer au niveau du guichet de la BCEAO. ‘’Il faut voir avec les autorités monétaires comment créer un système qui leur permette de le faire. Aujourd’hui, il urge de développer un partenariat entre les banques et les SFD. Nous plaidons également pour que le report d’échéance soit accordé aux SFD et, au besoin, de mettre les ressources allouées aux différents fonds nationaux à la disposition des institutions de microfinance’’, lance M. Ndiaye.

 Au niveau national, il informe qu’ils ont déjà fait une enquête, au début de la crise, avec un mémorandum qu’ils ont transmis à l’Etat du Sénégal par le biais de leur ministère de tutelle, à la Direction de la réglementation et de la supervision des SFD, rattachée au ministère des Finances, et un autre mémorandum à la BCEAO. ‘’Mais, jusqu’à présent, on n’a pas encore de retour officiel de la part de toutes ces institutions. Nous échangeons tout le temps avec notre ministre de tutelle qui est en train de faire le plaidoyer auprès du gouvernement, de même que la Direction de la réglementation et de la supervision des SFD. Cependant, on n’a pas ce dialogue direct, comme le gouvernement l’a fait avec l’APBEF. Or, c’est ce que nous voulons’’, déplore le directeur exécutif de l’APSFD.  

Toutefois, en termes d’emploi, M. Ndiaye admet qu’il existe ‘’une certaine stabilité’’ dans leur secteur. Car, dans certaines institutions de microfinance, il y avait une politique sociale qui faisait qu’elles recrutaient beaucoup d’étudiants stagiaires. Avec la pandémie, la plupart d’entre eux ont été obligés d’arrêter. ‘’Certaines institutions aussi ont mis en congé les travailleurs qui n’avaient encore pris leurs vacances de l’année. Mais il y a un système de rotation. L’évaluation faite le 30 mars dernier, nous avions les prémices que si la situation perdure jusqu’au 15 avril, il y aura des licenciements ou des chômages techniques. On a envoyé un nouveau questionnaire à ce propos et nous attendons le retour d’information d’ici le 5 mai. Ce qui permettra d’avoir le pourcentage du personnel des SFD maintenu’’, fait-il savoir. Tout en relevant qu’avec le couvre-feu, il est ‘’difficile’’ pour leurs agents de se déplacer dans certaines zones pour maintenir leurs activités ou financer les activités de ces populations.

MARIAMA DIEME

 

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