Publié le 5 May 2025 - 17:28
DOMESTIQUES ET GENS DE MAISON

Enfin, une reconnaissance légale

 

Awa a 42 ans. Elle travaille comme domestique dans une famille dakaroise, depuis plus de 15 ans. Chaque jour, elle se lève à l’aube, prépare le petit-déjeuner, habille les enfants, nettoie la maison, lave, repasse, cuisine… sans jamais compter ses heures. Son salaire ? 30 000 F CFA. Aucun contrat. Aucun jour de repos formel. Pas de déclaration à la sécurité sociale. Et si elle tombe malade ou se blesse ? Elle devra se débrouiller toute seule.

Mais depuis le 25 avril 2025, quelque chose a changé pour Awa et pour des milliers d'autres comme elle.

Un tournant historique pour les travailleuses domestiques

Lors de la 4e Conférence sociale sur l’emploi et l’employabilité, le ministre du Travail, Abass Fall, a signé l’arrêté ministériel n°012.677, revalorisant le salaire minimum des personnels domestiques à 64 223 F CFA.

C’est un événement historique, car cela faisait 16 ans que ce salaire n’avait pas été revu (la dernière fois remonte à 2009).

Cet acte est bien plus qu’un simple chiffre : c’est une reconnaissance formelle du travail domestique comme un emploi à part entière, avec des droits et des obligations.

Ce que la loi prévoit désormais

  • Le contrat de travail domestique doit être écrit. Il peut être à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI).
  • Attention : s’il n’y a pas de contrat écrit, le contrat est automatiquement présumé à durée indéterminée, conformément à l’article L.49 du Code du travail sénégalais.
  • L’Inspection du travail est compétente pour régler les litiges entre employeur et travailleur domestique. Elle peut être saisie pour :
  • Retards ou absence de paiement de salaire,
  • Congédiement abusif,
  • Absence de déclaration à l’Ipres ou à la CSS.
  • Les agents de l’Inspection du travail peuvent accéder à tout lieu présumé abriter du travail domestique, à toute heure et sans autorisation, munis de leur carte professionnelle.

Un changement de paradigme

Dans notre société, le travail  domestique a longtemps été perçu comme un “service rendu” ou un “geste de solidarité”.

On disait souvent : ‘’Je l’aide, je l’héberge, je la nourris, ce n’est pas vraiment un travail.’’

Mais cette époque doit prendre fin.

Car balayer, cuisiner, garder les enfants, entretenir une maison, ce n’est pas un  geste d’amitié : c’est un vrai métier, qui mérite un vrai salaire, un contrat, des droits sociaux.

Avec ce nouveau texte, l’État du Sénégal envoie un message clair : le droit du travail commence aussi à la maison.

Ce qu’il reste à faire

Cette réforme est une victoire, mais elle ne sera efficace que si elle est connue, comprise et appliquée.

Il faut maintenant :

  • Informer les ménages sénégalais, les domestiques et les recruteurs sur leurs nouvelles obligations ;
  • Fournir des modèles de contrats accessibles et simples à utiliser ;
  • Faciliter la déclaration des travailleurs domestiques à l’Ipres et à la sécurité sociale (CSS) ;
  • Renforcer les moyens de l’Inspection du travail pour contrôler et sanctionner les abus.

Conclusion

Offrons à Awa la reconnaissance qu’elle mérite

Awa ne demande pas la charité. Elle demande le respect. Elle veut juste être reconnue pour le travail qu’elle fait chaque jour.

Elle veut un contrat clair, un salaire décent, la sécurité sociale, le droit au repos et à la retraite.

Elle veut qu’on l’appelle travailleuse, pas “bonne”.

Aujourd’hui, grâce à cette réforme, Awa commence à sortir de l’ombre.

C’est à nous tous, employeurs, familles, citoyens, de faire en sorte qu’elle ne retombe plus jamais dans l’invisibilité.

 

Papa Abdoulaye Ndiaye

Ndiayepapaabdoulaye@outlook.com

77 262 21 28

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