Publié le 29 Jun 2020 - 21:38
ENTREPRISES CULTURELLES ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE

Les entrepreneurs demandent un régime spécial 

 

L’entreprise culturelle doit bénéficier de régime spécial sur le plan législatif, fiscal, réglementaire, administratif, etc., pour se développer correctement, de manière adaptée à sa nature. C’est ce qu’a soutenu le directeur fondateur de l’entreprise culturelle marocaine Studio des arts vivants. Fihr Kettani s’exprimait samedi, lors d’un panel sur ‘’Entreprendre dans la culture post-crise, entre projections et actions’’, à l’occasion de la Journée des microentreprises et des petites et moyennes entreprises.

 

L'Assemblée générale des Nations-unies a décidé de proclamer le 27 juin Journée des microentreprises et des petites et moyennes entreprises, afin de sensibiliser l'opinion publique sur leur importance dans la concrétisation des objectifs de développement durable. Les acteurs culturels africains ont saisi cette occasion pour voir comme entreprendre dans la culture post-crise entre projections et actions pour le développement économique du continent.

‘’Les industries culturelles et créatives peuvent et doivent participer à la relance économique de nos pays avant, pendant et après la crise de la Covid. (…) La question du financement est toujours centrale. Le Studio des arts vivants est une entreprise culturelle qui est soumise aux mêmes règles que les entreprises classiques. Ce qui est un problème fondamental. D’où l’importance de bénéficier d’un régime spécial pour l’entreprise culturelle’’, affirme le président fondateur du Studio des arts vivants au Maroc.

Fihr Kettani, qui s’exprimait lors d’un panel virtuel ce week-end, soutient que par rapport au changement de paradigme et l’accélération de réformes liées au secteur culturel en Afrique, il est plus que jamais nécessaire de ‘’développer une fiscalité incitative’’ pour accroître les financements du secteur privé. ‘’Il nous manque, à ce sujet, des lois incitatives pour stimuler davantage le mécénat-sponsoring, avec la défiscalisation. L’entreprise culturelle doit bénéficier de régime spécial sur le plan législatif, fiscal, réglementaire, administratif, etc., pour se développer correctement, de manière adaptée à sa nature’’, dit l’entrepreneur culturel marocain. 

Pour sa part, le patron de CAE Culture Prod du Gabon estime que l’entreprise culturelle n’est pas ‘’considérée’’. ‘’Ce que nous avons retenu dans le cadre de la Covid, c’est l’adaptation, la réinvention. La Covid-19 ne doit pas stopper la culture. On parle beaucoup de la structuration de l’entreprise. Mais, après analyse, on se rend compte que c’est un piège. Dans nos pays, l’entreprise culturelle n’est pas considérée. Elle n’a pas de statut, de règlement, combien même l’apport économique est déjà prouvé. Ma banque sait ce qu’elle reçoit, quand on a une activité’’, renchérit Jean-Rémy Ogoula Latif.

Prendre en compte le volet diplomatique de la culture

D’après lui, chaque année, ils se retrouvent à payer les impôts, comme une entreprise qui fait du business. ‘’Certes, on en fait, mais ce que les gens oublient dans le secteur culturel, c’est que nous avons 50 % de chiffre d’affaires et 50 % de nos actions sont à but non lucratif. On organise des évènements où on n’est pas payé. Parce qu’on estime qu’il y a des talents qu’il faut mettre en valeur, qu’il y a un potentiel qu’il faut éclairer, que notre pays mérite d’être visible à l’international’’, signale l’entrepreneur culturel gabonais.

Donc, à un certain moment, Jean-Rémy Ogoula Latif pense qu’il est important de prendre en compte ce côté ‘’diplomatie non dite’’ qu’ils font au quotidien, pour pouvoir alléger leurs charges. ‘’Depuis mars, au-delà de la tournée africaine que j’ai réalisée en terminant par le Massa, jusqu’à présent, il n’y a pas d’activité. Je suis sûr qu’après cette journée des PME, une autre réalité nous attend. J’ai peur que beaucoup d’entreprises culturelles ne ferment leurs portes. Parce qu’on nous demande de payer des impôts, comme si on était dans l’agroalimentaire, on faisait des chiffres d’affaires’’, souligne-t-il.  

Au-delà de la fiscalité, le directeur de la boite culturelle béninoise Awo Négoce, Artiste Agondanou, trouve qu’il faut ‘’réinventer la politique culturelle’’ et ‘’inculquer’’ aux chefs d’Etat l’idée que la politique culturelle ‘’ne peut pas tout régler’’ dans un pays. ‘’Mais elle peut aider les autres politiques à émerger. Elle est le levier des autres politiques, comme celle de la santé. La preuve, c’est qu’en cette période de Covid-19, le gouvernement nous a sollicités et on a fait des sigles pour sensibiliser les populations. C’est là qu’il faut voir l’importance des artistes. Donc, il faut pousser nos dirigeants à respecter les conventions de 2005 de l’Unesco pour l’émergence du secteur’’, préconise-t-il.

Accompagner les acteurs pour la reprogrammation rapide d’évènements

Pour se mettre sur les rails de l’émergence, le président fondateur de Studio des arts vivants du Maroc a, par ailleurs, relevé que les entreprises culturelles et créatives ont principalement trois sources de financement. La première, c’est l’appui de l’Etat par la mise en place de mesures de soutien à l’économie, à la culture et à la création, par des actions du ministère de la Culture. Par exemple, au Maroc, Fihr Kettani a fait savoir que la Fédération des industries culturelles et créatives du pays, interne au patronat marocain, a proposé des mesures d’exonération pour les entreprises culturelles pendant les 6 prochains mois. Il s’agit d’une exonération sur les charges liées aux impôts sur le revenu, aux charges sociales, etc., et ceci jusqu’en décembre 2020, pour préserver le revenu des salariés. ‘’La fédération a également proposé la création d’un fonds d’urgence spécial pour soutenir les professionnels. Il doit permettre de relancer l’activité, d’indemniser en partie les acteurs du secteur qui ont subi des pertes importantes et offrir une possibilité de se réengager sereinement dans les activités. Il est indispensable, pour la relance du secteur, d’accompagner ces acteurs pour la reprogrammation rapide des évènements reportés ou annulés à cause de la crise’’, rapporte-t-il.

La deuxième source de financement, rappelle M. Kettani, est le mécénat et le sponsoring. A ce propos, il note qu’au Maroc comme ailleurs en Afrique, il existe des écosystèmes culturels qui permettent le financement de projets culturels par la participation d’entreprises du secteur privé. ‘’Le souci actuel est que ces mêmes entreprises sont également, en grande majorité, impactées par la crise et risquent de supprimer les budgets habituels dédiés au sponsoring et mécénat de projets culturels. Pour cela, il faut prévoir une campagne de sensibilisation à destination de ces entreprises. Il s’agit de les convaincre de ne pas supprimer ces budgets et peut-être simplement de les réduire’’, suggère-t-il.

Le patron de l’entreprise culturelle marocaine indique que la troisième ressource qui est ‘’essentielle’’, est celle de l’entreprise culturelle elle-même et ses partenaires. Il s’agit des femmes, hommes, artistes, créateurs. ‘’Cette intelligence collective qui doit travailler dur, relever ses manches, faire preuve d’imagination, d’agilité, anticiper et innover pour sortir victorieux et plus forts de cette crise’’, conclut-il.

MARIAMA DIEME

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