Publié le 22 Jun 2015 - 19:01
GASPILLAGE SUR LE PROJET CŒUR DE VILLE DE KAOLACK

Une hémorragie de 9 milliards sur les finances publiques

 

La saignée est sans doute trop importante pour un marché de 17 milliards. Le projet cœur de ville de Kaolack a connu un surplus de 5 milliards par rapport au coût initial. Mais en vérité, le préjudice est de 9 milliards avec une surfacturation manifeste.

 

Si les sociétés contrôlées par l’IGE devaient être classées en fonction de l’importance des infractions constatées, celle qui avait en charge le projet cœur de ville de Kaolack serait sans doute dans les premières places. Pour un projet d’une telle importance, le premier constat est qu’il n’y a pas eu d’études préalables. Ainsi, le marché est passé d’un prix initial de 12 497 100 000 F Cfa à 17 230 807 324 F Cfa, soit un surplus de près de 5 milliards. Mais en réalité, le préjudice sur les finances publiques est plus important que cela. Il est de l’ordre de 9 milliards.

S’agissant des procédures de passation et d’exécution, le marché ‘’a été conclu par entente directe, sans respect des principes d’équité, d’économie et de transparence, encore moins l’obligation légale de mise en concurrence’’. De ce fait, s’offusquent les enquêteurs, des travaux complémentaires non justifiés, objet d’un avenant de 4 733 707 324 F (approuvé le 22 février 2008 ) ont porté le coût à 17 milliards, sans programmation budgétaire. Les contrôleurs dénoncent surtout un recours abusif à une convention dénommée ‘’contrat de maîtrise d’ouvrage clés en main’’ pendant la phase de contractualisation. Cette propension malencontreuse résulte, selon les rédacteurs, du fait que le préfinancement des travaux n’a pas été assuré par le maître d’œuvre, l’entreprise Sattar. C’est pourtant ce qui était prévu et l’entreprise s’était bien engagée à cela. Mais à la place, notent-ils, les travaux ont été entièrement pris en charge par le budget de l’Etat.

Ce qui est curieux, c’est qu’il est bien stipulé dans le contrat que l’absence de recours à un appel d’offres a été exclusivement motivée par cet engagement de préfinancement des travaux. ‘’Un amalgame est ainsi entretenu dans la dénomination «contrat de maîtrise d’ouvrage clés en main» de cette convention qui, au fond, demeure un classique de travaux’’, regrettent les hommes de François Collin, vérificateur général d’Etat. La conclusion est sans appel. Ce contrat ‘’n’a été qu’un subterfuge pour contourner les règles de passation de marchés publics’’.

15 milliards payés pour 6 milliards de travaux

Cette porte ouverte a, de ce fait, conduit à de nombreuses violations dont les conséquences ont été déplorables pour les finances publiques’’. Parmi les violations listées par l’Ige figurent l’exécution de dépenses de l’ordre d’un milliard et demi ‘’sans pièces justificatives’’, ainsi que le recours non justifié à un décret d’avance de 3 milliards détourné de son objet initial. Il y a eu aussi, dans ce projet, un conflit d’intérêts manifeste et préjudiciable à la réalisation des travaux. En fait, le contrôle technique a été fait par un bureau de contrôle lié contractuellement non pas au maître d’ouvrage, mais au maître d’œuvre.

Il s’y ajoute aussi une estimation préalable erronée des travaux, avant la rupture du contrat. Cette évaluation (fausse) fait état de travaux évalués ‘’forfaitairement’’ à 80%, alors qu’en réalité, ce taux correspond au montant des décaissements effectifs. Il est à noter enfin que les inspecteurs ont également relevé l’existence d’une procédure de liquidation pendant que le projet était en cours de réalisation. Ce qui a provoqué ‘’une opacité dans la traçabilité des fonds’’.

Partant de tout ce qui précède, les contrôleurs précisent qu’un expert commis par l’Etat a évalué les coûts des travaux réalisés par Sattar à 6 milliards au lieu des 17 milliards qui représentent le coût du marché après avenant. Or sur ces 17 milliards, 15 milliards ont été effectivement payés. L’entreprise conteste le résultat sans toutefois justifier sa position, ajoutent-ils. Les inspecteurs concluent par là qu’il y a des pratiques de surfacturations révélées par les écarts criards entre, d’une part, les devis et les coûts de réalisation et, d’autre part, entre les coûts et les règlements effectués au profit du maître d’œuvre. Quant au préjudice de toutes ces surfacturations, elle est évaluée exactement à 9 208 058 149 francs. De quoi construire au moins un hôpital et une école.

BABACAR WILLANE

 

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