Le budget-programme institué par les députés

Les députés ont adopté, hier, à la majorité, la loi organique qui abroge et remplace la loi organique n°2011-15 du 8 juillet relative aux lois de finances, modifiée par la loi organique n°2016-34 du 23 décembre 2016.
A l’instar des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), le Sénégal a basculé vers le budget-programme depuis le 1er janvier. En conséquence, il devrait procéder à un ajustement de son cadre législatif et réglementaire pour le rendre compatible avec les dispositions inhérentes à la conception et à l’exécution des budgets-programmes. Mais aussi à la déconcentration de l’ordonnancement, deux innovations majeures introduites par la loi organique relative aux lois de finances.
Ainsi, les députés ont voté, hier, à l’unanimité, la loi organique qui abroge et remplace la loi organique n°2011-15 du 8 juillet relative aux lois de finances, modifiée par la loi organique n°2016-34 du 23 décembre 2016. Une disposition qui permet d’adopter les dernières améliorations nécessaires permettant son application en 2020.
D’après le ministre des Finances et du Budget, cette nouvelle loi organique constituera la charpente autour de laquelle sera désormais bâtie l’architecture de l’Etat en matière de gestion des finances publiques. Ainsi, l’adoption de cette nouvelle loi sera suivie de la signature de plusieurs décrets, arrêtés, de circulaires et d’instructions, pour fixer les règles de gestion budgétaire de l’Etat, les attributions des nouveaux acteurs, les modalités et procédures de préparation et d’exécution budgétaires, le suivi et l’évaluation des performances et reddition des comptes.
Cependant, du côté de l’opposition, cette réforme n’est pas partagée. ‘’Ce que nous avons constaté, c’est un manque de sérieux notoire concernant la gestion des finances publiques. Déjà, la loi de finances 2018 a été présentée sous forme de budget-programme. Cette énième modification de la loi de finances pour prolonger le délai de mise en œuvre effective du budget programme, ne me semble pas être une bonne chose’’, souligne la députée Marie Sow Ndiaye.
Sur ce, la parlementaire libérale propose à l’opinion et au parlement que la date soit revue et reportée à janvier 2021. Ceci pour permettre à la tutelle de ‘’mieux se préparer’’. ‘’En plus, on ne peut pas, pour un budget, avoir deux approches différentes’’, dit-elle.
De son côté, son collègue Serigne Cheikh Mbacké a estimé qu’avec le vote de cette loi organique, l’Etat a mis la charrue avant les bœufs. Selon lui, ‘’on devait d’abord voter la loi organique avant de voter la loi de finances initiale’’. Et le député Mamadou Mbéry Sylla d’ajouter : le budget-programme est une réforme dont la mise en œuvre ‘’ne peut pas être facile’’. ‘’L’UEMOA, depuis 2009, avait donné les indications pour que cette réforme ait lieu en 2017. Mais la conférence des chefs d’Etat avait demandé un délai supplémentaire. Aujourd’hui, au niveau de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Cemac) ils sont en train d’appliquer le budget-programme. Il reste maintenant les pays de l’UEMOA’’, précise-t-il.
En réponse aux interpellations des députés, le ministre des Finances et du Budget a fait savoir qu’aujourd’hui, pour aller ‘’très vite’’ dans l’exécution du budget, ils ont décidé de sortir trois premières étapes et les mettre dans les attributions des ministères concernés. Ces ministères seront amenés directement à engager, à liquider et à ordonnancer leurs dépenses et les envoyer directement au Trésor qui va s’occuper du paiement. ‘’Pour ce faire, il y a certes des préalables à respecter. Et la loi a été déjà adoptée depuis 2011, révisée en un premier temps en 2016 et aujourd’hui, nous proposons des éléments qui devraient parfaire cette loi. Elle vise un certain nombre de réformes qui touchent 4 points. Il s’agit de la restructuration du réseau des comptables du Trésor, la mise en place d’un nouveau système de gestion intégrée des finances publiques, la mise en place d’une comptabilité patrimoine de l’Etat et la certification des comptes de l’Etat par la Cour des comptes. Globalement, les changements tournent autour de 7 points’’, soutient Abdoulaye Daouda Diallo.
Cependant, il signale qu’ils n’ont pas demandé de reporter la loi sur le budget-programme. Le budget 2020 qui a été voté est, d’après lui, sous forme d’un budget-programme et on ne peut pas ne pas l’exécuter ainsi. Depuis le 1er janvier jusqu’à présent, toutes les exécutions budgétaires qui ont été faites, l’ont été dans ce cadre. ‘’Ce qui a été demandé en report pour son application à partir du 1er avril 2020, c’est juste la question de l’ordonnancement. Pour celle-ci, il nous faudra du temps, après le vote de la loi, pour préparer le décret nécessaire à l’attention du président de la République. Une fois que ces décrets seront signés, nous procéderons à la nomination des responsables de budget-programme’’, poursuit-il.
A partir de cet instant, il informe que l’ordonnance dans sa phase déconcentration, pourra être effective. En attendant, le budget est en train d’être exécuté et c’est le ministre des Finances qui continue d’en être l’ordonnateur.
Une cohérence et un contrôle pour ‘’éviter tout débordement’’
Revenant sur la déconcentration de l’ordonnancement, Abdoulaye Daouda Diallo a estimé qu’elle constitue l’un des piliers du budget-programme. En effet, la fonction d’ordonnancement relève, aujourd’hui, de plusieurs structures. Dès lors, il faudra nécessairement qu’il ait une cohérence et un contrôle pour ‘’éviter tout débordement’’, d’après le ministre. Toutefois, il a estimé que l’importance est qu’à travers les textes qui seront pris, notamment les décrets et arrêtés, qu’il soit prévu au Trésor la mise en place de directions comptables ministérielles et d’une direction comptable des institutions constitutionnelles. Ensuite, il a rappelé qu’il est requis la production de plan d’engagement budgétaire articulé au plan de trésorerie.
Cependant, s’il y a un risque de déséquilibre budgétaire, la fonction de régulation budgétaire du ministre des Finances pourra toujours être mise en œuvre pour éviter ‘’tout dérapage’’.
Cette directive, bien que relevant de l’UEMOA, le député Alioune Souaré pense qu’il y a une autre directive concernant la régie financière des collectivités locales. ‘’Nous sommes pressés de voir la mise en œuvre de ces dispositions. La loi 70-36 du 13 avril est usitée comme moyen de travail des collectivités locales. Il y a lieu de presser le pas pour permettre aux collectivités locales de se doter d’une directive portant régie financière. Il y a aussi le problème de la nomenclature budgétaire des collectivités locales qui date de 1993’’, signale le député. D’après lui, la disposition du service 331 et celui du 341 ouvre une ‘’brèche et donne la possibilité’’ aux agents et aux receveurs du Trésor de pouvoir ‘’soutirer de l’argent’’ aux collectivités locales. ‘’Le service 331 parle de la taxe municipale et le 341 des perceptions municipales. Au niveau du service 341, le compte 65-303 donne des indemnités aux receveurs municipaux. Il y a lieu de revoir ces dispositions’’, renchérit-il.
Pour la directive concernant les collectivités territoriales, le ministre a fait savoir que le projet de loi portant régime financier est en circulation. ‘’On l’a proposé et envoyé au ministère en charge des Collectivités territoriales. Nous espérons pouvoir l’adopter dans les prochains mois. Sur les dotations budgétaires, on n’est pas dans un régime de bénévolat. Autant vous les maires, vous recommandez et exigez des salaires, autant il est bien plausible et normal qu’on puisse prévoir quelques dotations pour ces inspecteurs du Trésor qui sont chargés de la tenue de vos comptes et de la gestion de vos finances’’, répond le ministre.
Abordant le niveau d’exécution budgétaire, Abdoulaye Daouda Diallo a informé qu’à la date du 28 janvier 2020, il se situe à 11 %, puisque sur une autorisation d’engagement de 1 638 milliards de francs CFA, les crédits ordonnancés sont d’un montant de 182 milliards, alors qu’à la même période de l’année 2019 - année électorale - le niveau d’ordonnancement des dépenses était de 14 %.
Par conséquent, le taux d’exécution de 11 % est satisfaisant, d’autant plus que la particularité de l’année 2019 ne prévaut pas cette année, selon le ministre.
Encadré
Relativement à la drogue trouvée dans un bateau, le ministre a affirmé hier, face aux députés, que c’est dans le même navire ‘’Grande Nigeria’’ que 792 kg de drogue ont été saisis. Des investigations ont été menées et le bateau est arrimé depuis 6 mois. C’est simplement à l’occasion d’un entretien du navire, notamment de la climatisation, qu’il a été découvert de la drogue dissimulée derrière les climatiseurs. Celle-ci a été saisie et les procédures enclenchées. Déjà, toute la drogue saisie a été détruite. Le ministre a fait savoir que seuls les 120 kg découverts dans la soute du navire restent à être détruits, dans l’attente de la nécessaire autorisation du procureur.
‘’La question de la drogue est un problème réel qui nécessite plus de solidarité dans la surveillance du pays. En effet, le trafic de drogue est une activité particulièrement lucrative pour les trafiquants et contre laquelle il faudra lutter’’, affirme le ministre.
MARIAMA DIEME