Publié le 2 Mar 2015 - 22:04
INTERDICTION ORPAILLAGE KEDOUGOU

Les communautés minières affamées

 

La suspension de l’exploitation traditionnelle de l’or, appelé orpaillage, charrie un lot de conséquences calamiteuses pour les populations des zones minières. L’écrasante majorité des résidents n’assurent plus qu’un repas quotidien, en attendant la levée de cette mesure qui pourrait être différée.

 

Tomboronkoto signifie sous le jujubier, en langue diakhanké. Pourtant les résidents de cette localité distante d’une trentaine de kilomètres de Kédougou ont d’autres chats à fouetter que de se prélasser à l’ombre de cet arbuste. La soudure tombe au pire des moments pour le village : celui de la fermeture momentanée des mines d’or traditionnelles (dioura). L’arrêté 009249/MEM/DMG du 14 juin 2013 portant organisation de l’orpaillage a été mis en application par le gouverneur de la région, le 14 août 2014. Conséquences : plus d’extraction d’or pour cette communauté minière qui en était venue à oublier l’agriculture comme activité première. ‘‘Pour nous, l’essentiel est d’assurer le repas de la mi-journée, car le petit-déjeuner n’est plus une priorité. Pour le dîner, on s’en remet à Dieu’’, déclare Néné Gallé qui répercute la complainte de ses consœurs en wolof. ‘‘La situation que nous vivons ici est indescriptible’’, renchérit Ibrahima Keita, un orpailleur naguère élève en classe de Terminale au lycée de Saraya.

Les doléances fusent de partout, parmi la quarantaine de femmes et d’hommes du Dioura, la mine d’or traditionnelle. Presque tous les habitants du village exploitaient un puits aurifère, daman, pour subvenir à leurs besoins. L’expression ‘faire son trou’ n’avait jamais trouvé interprétation aussi terre-à-terre que dans ce gisement d’or à ciel ouvert. Le sol argileux et ocre est mité par une centaine de ces trous, forés par les résidents. Ici l’orpaillage est moins frénétique que dans les mines de Bantaco ou de Kharakhéna, mais l’emprise du métal précieux sur les résidents de ce village est ahurissante. Signes d’une exploitation intense, les arbres ne sont plus ancrés dans le sol mais tiennent en déséquilibre sur leurs souches, racines mises à nu par les multiples ravinements. Les daman dépassent largement la quinzaine de mètres autorisée dans le code minier.

Pour contourner l’interdiction qui frappe cette mine, les femmes de Tomboronkoto ont trouvé une nouvelle astuce. Retourner à la première forme d’orpaillage. ‘‘Nous balayons la terre pour en faire un amas d’alluvion que nous allons traiter pour extraire l’or’’, explique-t-on. En effet, une fine pellicule de poussière s’élève sous l’effet du balayage. Difficile de croire que le métal précieux sortira de ce tas de poudre sablonneuse. Des toux sèches retentissent. Les résultats sont décevants pour cette corvée. Sauf exception, la quantité maximale qui peut découler de ce labeur est d’un dixième de gramme d’or, après traitement par délayage de cette alluvion. Des miettes du métal précieux qu’elles vendent à des acheteurs, pour une bouchée de pain : ‘‘1500 francs pour le dixième et 750 francs le demi-dixième de gramme’’, confie Néné Gallé.

La veille, elles ne se sont pas rendues à la mine, puisque lundi est un jour non ouvrable. Superstition oblige. Un drame que tout le village met sur le compte de la fermeture des sites, puisque l’orpaillage est la seule activité génératrice de revenus. ‘‘Malgré les menaces de l’État, nous irons au dioura, ouvert ou pas, quelles qu’en soient les conséquences’’, lance Ibrahim Keita très remonté. Les descentes de la gendarmerie, bien qu’elles ne soient pas régulières, sont pourtant décriées par les populations. ‘‘Ils nous enferment en compagnie des voleurs, alors que nous n’avons pas d’autres choix que l’orpaillage’’, fustige Balla Danfakha.

Les complaintes sont les mêmes à Kharakhéna, Khossanto, et même dans la commune de Kédougou où les commerçants de l’artère principale de la ville plaident pour la réouverture des dioura, prévue à la fin du mois. ‘‘L’orpaillage est devenu un mal nécessaire pour la région. Il faut que les autorités comprennent cela’’, déclare Lamine Sagna, originaire de Thiaroye, qui tient une supérette.

Même situation à Sabodala

La fameuse communauté rurale de Sabodala accuse également le coup de la fermeture des mines d’or traditionnelles. Le site qui avait les allures d’une marée humaine, avant la fermeture en août, ressemble à un village fantôme. Dans les huttes, seuls quelques ustensiles de travail comme des seaux sont visibles. L’activité dans le marché, qui se trouve être le centre de la localité, est retombée d’un cran. ‘‘Depuis la fermeture du site, nous écoulons difficilement nos denrées. Les gens n’ont plus d’argent pour acheter quoi que ce soit’’, déplore une vendeuse de légumes.

Cas aggravant, le forage ne produit plus d’eau depuis trois jours. Depuis cette mesure, l’unique issue économique pour des milliers de personnes est obstruée. Malgré quelques effets positifs induits, dont le frein à la déperdition scolaire, les localités kédovines qui vivent en majeure partie de l’orpaillage sont sur la corde raide. Les descentes des forces de sécurité dans les mines, pour veiller à l’effectivité de cette mesure, sont efficaces. Mais, avec l’immensité de la région et la diversité de ce dioura, les résidents des communautés minières avouent faire une entorse à la disposition ‘‘par nécessité vitale’’. Attendant vivement la fin de ce mois de février.

Pape Malick Ndao, Préfet de Saraya

‘‘Pas de garanties, pour la réouverture des sites’’

‘‘Je ne peux pas donner de garantie pour l’ouverture des sites, à la fin de ce mois (ndlr : l’interdiction prend fin demain, samedi 28). Ce n’est pas le préfet qui avait fermé les dioura, c’était un acte administratif du gouverneur, mon supérieur. Nous attendons qu’il puisse prendre un autre arrêté pour respecter le parallélisme des formes quant à la réouverture. Le ministre nous avait instruit d’ouvrir les sites, avant la fin du mois. Aujourd’hui, toutes les conditions sont là pour qu’on puisse les rouvrir. Nous avons confectionné un document avec des mesures d’accompagnement que nous avons transmis au ministre.

Nous attendons les instructions pour la réouverture. Si le gouverneur sort un arrêté aujourd’hui ou demain, nous ne serons pas surpris. Encore une fois, toutes les conditions sont réunies pour que l’autorité régionale puisse ouvrir les dioura. Dans les premiers mois de l’interdiction de l’orpaillage, 22 personnes ont été arrêtées. Ce nombre a augmenté, car les gens voulaient travailler dans la clandestinité.

La gendarmerie était là et chaque jour, c’était des allers-retours entre les sites et le transfèrement. Souvent on les amenait à Tamba pour purger une peine. Ce chiffre grimpait, car les orpailleurs ne tenaient plus et voulaient coûte que coûte défier la décision de l’autorité. C’est une course-poursuite entre les gendarmes et les orpailleurs’’.

Ousmane Laye Diop

 

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