Publié le 3 Oct 2020 - 14:15

L’ Afrique qui déroute

 

La communauté internationale reste penaude. L’Organisation Mondiale de la Santé s’interroge. Comment cette pauvre Afrique a pu surmonter la COVID 19, cette faucheuse de vies? 

Parti de la Chine, l’Empire du Milieu, le virus a fini de faire le tour du monde. Partout, la pandémie s’est installée, dévastant les bastions les plus aseptisés de la planète. Comme une hideuse cure de jouvence, COVID 19 a décimé le sommet de la pyramide des âges, symbole d’un occident décadent. Il a anéanti les thuriféraires de la société de consommation à la vitesse vertigineuse de la mondialisation.

En Afrique, sept mois après les premiers cas, le virus en incursion a essuyé une résistance féroce. Sous les tropiques, l’attaque fulgurante et en règle a échoué face à une jeunesse fougueuse et enthousiaste, longtemps perçue par les malthusiens comme un frein au développement.

Toutes les prévisions déjouées, l’Afrique est restée debout, bien dans ses pénates. In fine, les cassandres hellènes n’ont pu saisir les réalités négroïdes. Ces gais hères submergés d’émotion, frénétiques danseurs autour des cercles magiques, ont survécu aux hécatombes prédites.

Une résilience insoupçonnée qui annihile les analyses cartésiennes dans ces contrées glauques. 

Seule prise en compte, la logique qui est le langage universel de l’esprit ne peut saisir les dimensions de ce continent aux contours sinueux. Cette terre si convoitée par les prédateurs, comme une tour de garde camouflée dans ses courbes et rondeurs, a encore farouchement défendu ses mystères insondables.

Contre vents et marées, entre catastrophes et conflits, contre tous, même ses propres enfants, l’ Afrique fera face.

En effet, une élite bourrée de complexes perpétue des modèles imposés par la colonisation. Ces Africains aux masques pâles et aux cerveaux formatés ne croient pas encore en l’Afrique. Hélas, ils foisonnent, accaparent les sphères de décision et diffusent leurs hérésies. Ils entraînent les masses sans repères, abruties par une instruction travestie, une urbanisation sauvage et une modernité sans originalité.

Cette crème fermentée puis périmée, n’a jamais fait l’effort d’user de la souveraineté qui requiert à la fois la liberté et la responsabilité d’agir par soi même. D’autres acteurs de ce cirque sont noyés dans l’ignorance ou dérivent dans les mares nauséabondes des contre-valeurs. Drapés dans une illusion de gouvernance, ces dirigeants compradores et sans âmes ont renforcé les chapes de plomb qui installent, en permanence, nos états et sociétés dans l’anarchie et le mimétisme. Ils ont collaboré sous le manteau opaque de l’aide gabégique au développement.

Cette grotesque escroquerie qui cache une montagne de dettes et qui constitue l’obstacle majeure vers l’émergence. Ils sont coupables dans cette mascarade pour s’accaparer des ressources intarissables qui font tourner les machines en occident. Ils sont complices de la détérioration des termes de l’échange qui fait monter les bourses des spéculateurs insatiables et mercantilistes. Ces capitalistes qui écrasent, sans une once d’humanité, les masses laborieuses. Bref, ces affidés érigent des eldorados chez autrui et attisent l’enfer chez leurs concitoyens déjà aux abois. De véritables pyromanes qui prétendent combattre le feu.

Pendant ce temps, la vache à lait a sevré ses rejetons. La terre fertile a laissé ses nourrissons mourir de faim. Le sous-sol riche s’est vidé de ses pépites pour ensevelir des corps décharnés. Les océans délestés de poissons et infestés d’hydrocarbures ont englouti des jeunes embarqués dans les frêles navires du désespoir.

L’ Afrique terre-mère va, cependant, déjouer ce simulacre de mondialisation ambiante, qui n’est qu’un mécanisme de mise en dépendance pour asservir ses enfants égarés dans des modèles inappropriés, décontextualisés et mal assimilés. Ce continent, à la périphérie de cette mondialisation abjecte , prouve qu’elle doit opérer sa déconnexion de ce système discriminatoire qui le relègue sur la marge.

Peut-être que cette terra incognita, mal jaugée par ses contempteurs, n’est pas suffisamment entrée dans leur ‘’histoire’’. Pour la simple raison que ce berceau des aubes de l’humanité et des prémisses des plus vieilles civilisations a déjà déroulé sa préhistoire et sa protohistoire. Elle n’a cure de cette nouvelle histoire calendaire et nombriliste qui exalte l’omerta des ancêtres fondateurs des sociétés et cultures d’antan. Ces amnésiques, devenus gendarmes de nos mémoires, ont presque oublié que l’ écriture, cette trouvaille sibylline et subtile qui caractérise les sociétés dites ‘’historiques’’, a été inventée en Égypte qui est le cœur excentré de cette Afrique victime de snobisme.

L’ Afrique déroute, mais devra reconsidérer les bases de sa propre modernité.

Madou KANE

madouenak@gmail.com

 

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