Publié le 14 Jun 2013 - 05:37
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Idy est de retour

 

 

La dislocation de la majorité de gouvernement sur la minable question de la durée du mandat présidentiel à l’Assemblée nationale est une absurdité dont notre pays ne fera peut-être pas l’économie, faute que sa classe politique soit mûre, civilisée et désintéressée. Les querelles qu’elle enfile par grappes les unes après les autres ne sont ni désintéressées ni de haute conception. Au surplus, celle que le maire de Thiès à l’ambition présidentielle intempestive a allumée, n’oppose encore que les seconds couteaux. Le principal concerné, le président de l’Assemblée nationale Moustapha Niasse n’a pas pipé un mot sur la question, laissant au président de la République Macky Sall la responsabilité de se délier d’une promesse supposée, entre deux tours incertains, tandis que le leader socialiste Ousmane Tanor Dieng a le bon goût de laisser du temps au temps. Mais à ce point culminant de la dispute, un rééquilibrage des alliances est-il devenu nécessaire donc inévitable ?

C’est certainement l’opinion du leader de Rewmi, Idrissa Seck qui veut remodeler le paysage politique en une représentation favorable à son ambition présidentielle où il poserait en nouveau leader de l’opposition. L’enjeu est à la hauteur des risques pris : asseoir aussi bien son hégémonie sur les divers débris du Parti démocratique sénégalais (PDS) y compris les fractions de l’Alliance pour la république (APR) déçues ou frustrées que le président Macky Sall n’aura pas su retenir. Ce calcul peut prospérer sur l’effacement annoncé de Moustapha Niasse et probable d’Ousmane Tanor Dieng comme il peut achopper sur des étoiles montantes de leurs formations respectives, qu’elles soient de Malick Gakou ou de Khalifa Sall, pour peu qu’elles incarnent la rupture d’avec les pratiques du ''paccoo'' que dénonçait El Hadj Momar Samb avant de s’y embourber. La démission de Malick Gakou et le détachement de Khalifa Sall seraient alors une démarcation politique qu’Idrissa Seck tente d’endiguer par sa nouvelle dissidence.

L’attitude des alliés de Moustapha Niasse repliés sur la coalition initiale Benno Siggil Senegaal nous ramène, après un compagnonnage fécond, à une logique de surenchère et de chantage qui met le président Macky Sall dans une posture veule qui fait s’interroger sur le sens qu’il donne à sa victoire électorale au point d’être autant prisonnier d’une gratitude éternelle à leur endroit. Cette promesse serait d’ailleurs en porte-à-faux avec l’esprit de séparation des pouvoirs et de la notion du Péncoo qu’Idrissa Seck est en train de déménager de la majorité présidentielle à son propre camp en mettant sur pied une nouvelle organisation doublement éponyme, Alliance Pencoo Rewmi (APR) et satellite de son parti. Idrissa Seck est de retour dans un contexte où le parti présidentiel est traversé par de multiples frondes conséquentes à l’indicible générosité de leur chef à l’endroit des rivaux d’hier dans la course au pouvoir suprême.

Les cadres de l’Alliance pour la république (APR) jusqu’ici bridés, exhalent tout haut leur soif d’ambition légitime au regard de ce qu’ils ont toujours considéré comme le fait accompli d’un mal partage dont les principaux bénéficiaires tirent maintenant sur la corde. Une rupture de l’alliance de gouvernement actuelle serait donc une aubaine politique pour l’opposition mais aussi pour la coalition présidentielle primaire mal servie par un consensus réversible, rongé par les convoitises rampantes. Cette rupture pourrait conférer un avantage certain à l’alliance présidentielle reconstituée sur ses bases initiales sans que l’on puisse lui en reprocher la  responsabilité morale, Benno Siggil Senegaal (BSS) étant tombée le premier dans le piège tendu par le maire de Thiès à la majorité de gouvernement. Elle ne profiterait par contre nullement au Parti démocratique sénégalais (PDS) si la tendance à l’atomisation et l’éclatement du leadership s’accentuent.

Mais rien désormais ne sera donné au président Macky Sall, dont l’aura de rassembleur s’effrite à mesure que les querelles de tendances au sein de son parti l’implique et que le bannissement de son ancien n°2, Alioune Badara Cissé se poursuit sans que la cause de leur mésentente ne soit explicite. Certains secteurs du parti présidentiel s’accommodent par sectarisme de toutes les dissidences et parfois même les attisent mais il leur faudra se rendre à la raison : leur parti présidentiel n’a pas de notables, sinon d’emprunt, que le dernier souffle de l’harmattan, culminant avec les élections municipales, pourrait avoir emportés. Les jeunesses qui vocifèrent leurs certitudes contrastées refusent tout ralliement alors que certains caciques politiques peuvent leur servir, comme le leader du Parti de la Réforme (PR) Abdou Rahim Agne, lequel avoue en privé son incapacité à s’opposer à Macky Sall pour sa jeunesse et sans doute leur origine commune.

L’Alliance pour la république (APR) ne se devrait-elle pas de sortir de sa vague référence au libéralisme originel de son leader pour faire justice à la diversité doctrinale de ses cadres et militants ? Si ses alliés du moment y ont souscrit, c’est pour pérenniser le système ploutocratique instauré par son ancien mentor. L’argent étant devenu le nerf de la démocratie, la rétribution astronomique des postes politico-administratifs est devenue une assurance de succès électoral. Mais les contrecoups de cette logique sont néfastes au développement économique et social du pays. L’échec le plus patent de la coalition actuellement au pouvoir, c’est de ne pas avoir réussi à s’accorder à gouverner ensemble avec un programme commun alors que sa composition idéologique va de la droite libérale à l’extrême gauche sans pouvoir gouverner au centre. Ce qui laisse toute latitude aux alliés de Macky Sall de se laver les mains des répercussions négatives de ses mesures politiques les plus hardies.

A l’orée du jour de la prochaine secousse tellurique politique déclenchée par Idrissa Seck, faut-il encore soupeser les chances du président de l’Assemblée nationale de se maintenir sur le perchoir une année de plus ou quatre autres années de suite ? Il faudrait pour être pertinent connaître les termes de l’accord qui le lie à Macky Sall entre les deux tours. La sagesse populaire met en garde contre la parole donnée par un amoureux transi pour parvenir à ses fins et à un postulant au pouvoir comme l’étaient Macky Sall et Moustapha Niasse. L’idéal pour que l’une ou l’autre des promesses s’accomplissent pour le mieux, ne serait-ce que provisoirement, est le mariage pour le premier cas et la fusion dans le second cas. Moustapha Niasse la refusa à Abdoulaye Wade dont il avait été le premier Premier ministre avec la conséquence que l’on sait. Il reste à savoir quelle sera la sanction de leur compagnonnage actuel à l’épreuve du coup de poker d’Idrissa Seck, le joyeux drille avec lequel la politique cesse d’ennuyer.

 

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