Publié le 20 Dec 2012 - 14:01
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

L’option pacifiste casamançaise

 

La libération des prisonniers du maquis par la fraction combattante la plus déterminée et la mieux organisée du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) pourrait être un tournant décisif dans le règlement de la crise casamançaise. Cet acte révèle sous un meilleur jour le chef de guerre Salif Sadio mais aussi le président de la Gambie Yaya Jammeh, désormais consacrés interlocuteurs incontournables de Dakar. Reconnaître cette réalité, c’est renoncer à la politique d’intimidation de la Gambie et rassurer son leader Jammeh. C’est renoncer aussi par voie de conséquence à la course aux armements.

 

L’adoption enthousiaste du budget du ministère des Forces armées, alors que certains autres ministères essentiels étaient sevrés de moyens nécessaires à la tenue des engagements sociaux du gouvernement, marquait la priorité de l’option militaire en Casamance. Mais aussi, puisque le Sénégal laissait préparer sur son sol l’invasion de la Gambie par d’hypothétiques forces d’un Conseil national de transition gambien, il la proposait comme mode de règlement des problèmes de voisinage.

 

Le rôle de gendarme de l’Occident dans cette zone relève de l’époque de la guerre froide et l’assistance technique militaire est chiche en matériel. La rupture s’impose là : les récentes crises au Mali notamment, montrent les limites et les contraintes fixées désormais à l’option militaire et les perspectives institutionnelles ouvertes par l’option pacifiste.

 

Cette option militaire devrait être résolument écartée par le régime de Macky Sall qui a engagé sa personne à travers les images fortes de l’accueil des prisonniers. La retransmission télévisée intégrale de cette libération, ''sans contrepartie'', promise et différée, et le débat timoré de directeurs des médias officiels à la télévision nationale, est le révélateur d’une politique de paix qui manque de hardiesse. Par contre, le plateau de la 2STV a servi un viatique fécond dont les autorités publiques devraient tenir compte pour ne pas tomber dans les errements du passé qui nous valent la sentence têtue de feu l’Abbé Diamacoune Senghor : la paix et la réconciliation dans la vérité. Ce qui veut dire dans le nouveau contexte la franchise partagée.

 

L’implication de nos forces de sécurité dans une mission écartelée entre le maintien d’ordre dans les universités, les écoles, les hôpitaux, les communautés rurales, le maintien de l’intégrité territoriale en Casamance et la préparation de projets de subversion d’un régime inamical n’est tenable pour aucune puissance ou moyenne puissance militaire.

 

Elle est suicidaire pour un régime de pays sous-développé, confronté aux défis que sont le redressement économique promis aux électeurs lors de la campagne pour la seconde alternance et la moralisation de la gestion publique qu’il impose. Aucune guerre, surtout pas une guerre civile, ne peut s’accommoder d’intentions fécondes et vertueuses ni de démocratie véritable.

 

L’internationalisation, ce coup-ci de la question casamançaise, n’a pas empêché l’État sénégalais de s’impliquer dans une recherche de solution pacifique. Car le tabou de la reconnaissance du MFDC a été levé non seulement par les régimes successifs qui ont ouvert des négociations avec ses mandants mais aussi parce que le mouvement indépendantiste a une représentation extérieure. Le MFDC n’est plus isolé au plan international, compte tenu du nouveau contexte mondial marqué par la banalisation de la souveraineté nationale. Au surplus, cette internationalisation n’est intéressante au plan stratégique que pour les deux pays limitrophes de la Casamance, la Gambie et la Guinée-Bissau.

 

Or, aucun de ces pays n’a une revendication territoriale pouvant l’impliquer comme partie concernée à un conflit casamançais qu’il chercherait à attiser durablement. Tout tient donc à une affinité entre les régimes en place. Et, malgré les critiques distillées contre le régime gambien, il satisfait pleinement à la norme standard de la démocratie mondiale et a fortiori africaine. Les questions de bonne gouvernance soulevées à son encontre sont plutôt liées à des contentieux de justice mal dénoués et à l’orientation souverainiste de son régime politique au leader trop marqué du sceau de l’''African personality'' qui rebute une partie de la petite bourgeoisie sur laquelle la fascination envers l’Occident s’exerce de plus en plus, la Suède cédant le pas aux États-Unis d’Amérique.

 

La question de l’indépendance posée par ailleurs comme l’objet du litige peut-être acceptée dans l’ordre du jour des futures négociations. La dernière volonté du Professeur Assane Seck, d’éthnie léboue, d’être enterrée dans cette terre où il est né, est un pari audacieux contre la sécession. Le mot indépendance avait un sens dans les années 1960, que l’épreuve du temps a altéré : l’abolition progressive des frontières par des accords régionaux et bilatéraux, la globalisation et l’inégale répartition des richesses au sein des nations et entre nations posent d’autres enjeux.

 

La migration est un démenti subtil aux luttes des nationalistes qui ont pris les armes pour l’indépendance. Un jeune Algérien, interrogé sur le thème du cinquantième anniversaire de l’indépendance de son pays, a eu cette réponse ironique : ''Nous voulons des visas !''

 

Section: