Publié le 17 Jan 2012 - 16:52
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Présidentialisme et candidatures : Chacun pour soi, Bennoo pour tous

 

 

Le candidat à l’élection présidentielle de la nouvelle coalition Bennoo 19 (en référence aux 19 votants pour le candidat de l'AFP), Moustapha Niasse, n’a pas manqué d’à-propos en adressant à la Nation ses vœux au seuil du nouvel an musulman. Mais ce sens de l’opportunité et de l’innovation couve sa part d’ambiguïté en ceci que le message est destiné exclusivement aux croyants des deux religions révélées, en anticipant de quelques jours sur la fête de la nativité.

 

 

 

Cette attitude découle d’une lecture locale de la laïcité par l’ancien Premier ministre qui dissuada le président Abdoulaye Wade de la gommer du projet de nouvelle Constitution en 2001. Les rôles s’en trouveront inversés avec un message présidentiel de fin d’année qui ne se limiterait pas à un appel pathétique aux croyants, sermon et homélie à la fois la laïcité à ses origines en France dans les mesures répressives contre le clergé dont les biens sont vendus. L’Etat y reste anticlérical.

 

Au Sénégal où les  politiciens ont la foi du charbonnier, la laïcité prétend revêtir une sorte de garantie de liberté de culte pour la religion chrétienne minoritaire, ce dont elle n’a nul besoin. Sauf à l’imputer à de nouvelles tendances de la mondialisation et du choc des civilisations, le droit à la différence ne sera pas fondamentalement remis en cause sous nos cieux en aucune manière où les prêtres Diène ou Mbengue de Mont-Rolland ont la même origine que les imams du même nom de Dakar. Mais le danger de déstabilisation de ce pays ne vient pas de ses réalités vécues mais des illusions que sèment les politiciens, des inconséquences qu’ils cultivent et de la duplicité qu’ils entretiennent au gré des circonstances.

 

L’échec de l’expérience unitaire de l’opposition ne vient pas seulement du malheureux dénouement du processus de sélection du candidat de l’unité et du rassemblement mais découle d’un long processus de liquidation interne dans les organisations politiques communes.

 

Ainsi Tanor et Niasse qui ne se sont pas accommodés l’un de l’autre au temps de la splendeur du Parti socialiste (PS) peuvent-ils le faire aux durs moments d’une opposition incertaine ?

 

Quand le revers de fortune fut venu, les appels à la réunification des sociaux démocratiques n’ont éveillé aucun écho favorable chez ceux que les plus hautes fonctions assumées dans l’appareil de l’Etat et du parti désigneront comme les plus aptes à diriger la reconquête du pouvoir. Leur rancune tenace, que masquaient les sourires d’apparat, perlait dans cette logique qu’ils n’ont jamais su se mettre ensemble sinon dans des cadres artificiels où avec une humilité feinte, ils acceptaient les critiques qui disaient l’ineptie des partis et la vanité des politiciens.

 

Un Amadou Makhtar Mbow vieillissant et un Alioune Tine émergent offrirent la caution des Assises nationales et du Mouvement du 23 mars qui consacraient le rite de l’isolement moral et la défaite symbolique du pouvoir libéral.

 

Que sont devenus les amis de Bennoo ? Amadou Makhtar Mbow n’a rien pu faire pour dénouer la dispute du pouvoir dans l’alliance. Alioune Tine et Amath Dansokho non plus.

 

Les partis désormais écartelés entre leur rêve de victoire aux urnes et l’aventurisme, utilisent la gloire des Assises nationales comme la panacée de leur absence de programme et le M23 comme fer de lance de la contestation de la candidature du président sortant, et éventuellement du résultat des élections s’il venait à leur être défavorable.

 

Bennoo attend la belle entre Niasse et Tanor pour savoir laquelle des deux factions avait raison tandis que Bennoo Alternative 2012 se vide de ses membres en jouant au même jeu de hasard. En effet, Serigne Mansour Sy Djamil vient de claquer la porte après avoir constaté le double jeu de certains de ses alliés qui semblent avoir un don d’ubiquité et tiennent salon chez Amath Dansokho pour choisir entre Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse, alors qu’ils sont tout aussi bien impliqués dans la sélection du candidat de Bennoo Alternative 2012.  Les organisations politiques concernées ont déjà montré leur duplicité dans l’hypothétique construction d’un pôle de gauche en se trahissant mutuellement au profit de Bennoo où ils ont fini par se retrouver tous,    à l’exception d’une seule organisation politique dénommée “Fernent” (l’Etincelle).

 

Après avoir échoué à se trouver un candidat unique, Bennoo qui s’est démultiplié espère maintenir le mythe de l’adversaire unique que serait   le candidat sortant, Maître Wade, qu’ils veulent sortir pour de bon par tous les moyens nécessaires. Or les rancœurs qui s’accumulent ne laissent pas de place à une entente “tous contre Wade''. Les composantes de Bennoo vont aussi solder leurs comptes sur le terrain et la campagne électorale risque d’être l’une des plus disputées et des plus ouvertes de l’histoire du Sénégal. Sous ce rapport, l’appel à l’apaisement de Moustapha Niasse aura été un cri dans le désert. Au premier tour du moins, chaque candidat sera un adversaire de tous les autres.

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