Publié le 22 Jan 2022 - 23:03

Les batailles décisives

 

Ce 23 janvier risque de marquer un tournant important dans l’histoire politique de ce pays, engagé dans un renouvellement et un rajeunissement inexorables de son personnel politique. Ces joutes vont, sans doute, permettre de tourner un peu plus les pages PS et PDS. En tout cas, elles vont consacrer l’avènement de nouvelles forces politiques. Parmi la foultitude de coalitions en lice, les enjeux et les attentes vont fortement diverger, mais le désir sera le même, partout : triompher ou sortir avec les honneurs de ces élections.

 

BBY, vaincre les démons de la division

Au sortir des joutes électorales de dimanche prochain, il y aura assurément une reconfiguration politique. Benno Bokk Yaakaar espère asseoir un peu plus sa domination sur l’échiquier politique. Sur les 557 maires du Sénégal, les 480 sont de la coalition présidentielle. En véritable rouleau-compresseur, la machine est lancée et la coalition espère une razzia au niveau national. Présente partout, BBY s’avance comme le grand favori. Le chef de l’Etat espère avoir concocté un casting de choix, avec le choix de plusieurs ministres et figures importantes du régime, comme têtes de liste.

La puissance financière aidant, les candidats de BBY ont investi les différentes communes et collectivités du pays. Mais, l’ennemi pourrait venir de l’intérieur, avec de profondes dissensions notées dans certaines localités stratégiques. Il faut dire que les choix du chef ont fait beaucoup de malheureux qui, ne pouvant se résoudre à rentrer dans les rangs, ont décidé de voler de leurs propres ailes et de tenter leurs chances. Ainsi, les listes parallèles et l’inévitable dispersion des voix pourraient jouer un vilain tour à BBY, à l’instar de ce qui s’est passé en 2014.

A Saint-Louis, il semblerait que la gagne se joue entre le maire sortant Mansour Faye et l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur Mary Teuw Niane. Les deux camps se sont livrés une guerre sans merci, émaillée de scènes de violence. Ainsi, au soir du 23 janvier, il n’est pas exclu que les deux se neutralisent au profit de la concurrence. Le candidat de Yewwi Askan Wi, Babacar Abba Mbaye, pourrait en profiter, puisque la coalition regroupe l’essentiel des forces de l’opposition et a opéré une vraie montée en puissance, dans cette campagne électorale.

Alors qu’Ahmeth Fall Braya, qui aurait pu peser dans ces élections, est tombé malade et n’a pu battre campagne. Le libéral s’est inscrit sous la bannière de Geum Sa Bopp.  

Mimi Touré : ‘’Nous de BBY soutenons sans faille Benoît Sambou’’

Ailleurs à Ziguinchor, c’est presque pareil, les leaders de la mouvance présidentielle se mènent une guerre sans merci. Avant-hier, l’Apériste Doudou Ka est sorti du bois pour dire qu’il soutient Abdoulaye Baldé, le chef de file de la coalition "UCS Mbolo", au détriment de Benoît Sambou qui a été le choix du Président Macky Sall. D’ailleurs, la tête de liste a très peu goûté cette ‘’traitrise’’ et l’a fait savoir, dans la foulée de l’annonce du Directeur général de l’AIBD. ‘’Ce sont des intérêts qui coïncident. Baldé n’a pas confiance en Doudou Kâ. Baldé se sent perdu et Doudou Kâ pense que si je perds, ce sera à son avantage. Ce sont des dupes qui se sont retrouvés’’, a asséné la tête de liste de BBY.

En tout cas, hier, lors d’une conférence de presse de la coalition, à Dakar, la question a été posée à Aminata Touré. Elle a été ferme : ‘’Pour ce qui est de la décision de Doudou Ka de soutenir Abdoulaye Baldé, nous ignorons les contours, il n'y a que lui pour répondre à votre question. Nous de BBY soutenons sans faille Benoît Sambou qui est le choix du Président Sall".  

Toujours est-il qu’à Ziguinchor où Ousmane Sonko partait avec les faveurs des pronostics, ces dissensions risquent de lui ouvrir un boulevard.  

Ailleurs, dans le nord, la guerre sans merci que se mènent le député-maire Farba Ngom et le ministre Malick Sall sera sans conséquence pour la coalition, puisque les dés sont déjà pipés là-bas.

Par contre, à Dagana, il risque d’y avoir des étincelles entre le maire sortant Oumar Sarr et les caciques de l’Apr dont le très influent Mouhamadou Makhtar Cissé qui pèse de tout son poids dans les élections locales, en parrainant de jeunes loups aux dents longues. Le leader du Parti des Libéraux et Démocrates/And Suqali devra, donc, s’employer pour conserver son fauteuil de maire et, par ricochet, celui de ministre des Mines et de la Géologie. Puisqu’il est fortement rejeté par les Apéristes, malgré qu’il soit le choix de BBY, donc du Président. Lui joue, clairement, son avenir politique.

A Dakar, la candidature surprise de Mame Mbaye Niang ne devrait pas rabattre les cartes pour BBY. Puisque le Chef de cabinet du Chef de l’Etat a très tôt indiqué ne pas se présenter en concurrent d’Abdoulaye Diouf Sarr. ‘’Je suis membre fondateur de l’Apr et je ne poserai jamais un acte qui affaiblirait le camp présidentiel. Je sais situer les intérêts hautement stratégiques et de mon parti et de la coalition qui le soutient. Il n’y a pas de confusion possible sur ce plan et l’autorité politique qu’est le Président Macky Sall comprend parfaitement notre démarche’’, avait-il expliqué à EnQuête.

Il poursuivait : ‘’Notre démarche va consister à aller puiser loin de l’appareil politique qu’est Benno et loin de l’Apr. Notre liste sera constituée en majorité de gens de la société. Nous allons nous ouvrir aussi aux politiques, parce que le contexte politique fait qu’il y a beaucoup de militants frustrés, laissés en rade et qui ne sont plus en activité. Ces gens-là qui ont une base politique et qui ne demandent qu’à travailler pour le Président Macky Sall, il faut les valoriser, en les investissant sur les listes’’.  

Yewwi Askan Wi, tisser sa toile

En ce qui concerne la coalition Yewwi Askan Wi, le jeu est plus clair. Passée la période trouble des investitures où il fallait choisir, parfois trancher dans le vif, en faisant de nombreux mécontents, la coalition s’est mise en ordre de bataille, avec au moins deux objectifs principaux : gagner Dakar pour Khalifa Sall et régner en maitre à Ziguinchor pour Ousmane Sonko. Compte tenu des dissensions évoquées plus haut, le leader de Pastef a de fortes chances d’être élu, au soir du 23 janvier. Par contre, l’objectif Dakar sera très difficile à atteindre pour le premier nommé, étant donné les enjeux, la symbolique de Dakar et les ambitions de BBY de conquérir, enfin, la capitale.  

En tout cas, YAW a essayé de ratisser large, en étant présent presque partout. L’idée est de tisser une vaste toile et de poser les fondements des futures échéances électorales (Législatives et Présidentielle). Puisque, la coalition part avec un grand handicap : un déficit de représentativité au sein des communes et terroirs. Si les leaders sont connus, YAW compte au bataillon de nombreux candidats qui en sont à leur baptême de feu et qui vont essayer de jouer les trouble-fête ou de glaner quelques postes de maire.

Ces néo-candidats ont pu compter sur l’activisme des leaders Ousmane Sonko et Khalifa Sall qui ont essayé de se démultiplier pour aller leur prêter main-forte, mais, cela risque d’être trop juste. C’est le cas à Thiès où le Professeur Babacar Diop risque de ne pas peser lourd face à la machine Rewmi-BBY.

Par contre, ce qui risque de peser, ce sera le nombre de voix total glané par Sonko et Cie, au sortir de ces élections. Il pourrait permettre d’assoir la position de YAW comme principale force de l’opposition. Ce sera aussi un indicateur des chances de succès des opposants aux Législatives et plus tard à la Présidentielle de 2024.

Wallu, la drôle de campagne électorale

En ce qui concerne la coalition Wallu Sénégal et plus largement le Parti démocratique sénégalais (PDS), on peut parler de drôle de campagne, à l’image de son candidat pour la ville de Dakar, Doudou Wade, qui a fait une campagne pépère. Wallu a semblé y aller sans vraiment y être. En l’occurrence, ce la a été difficile de mobiliser les troupes et de mener une campagne dynamique sans chef ni direction. Abdoulaye Wade est resté invisible ; tandis que Karim Wade poursuit son exil doré. Ainsi, Wallu n’a pas su où donner de la tête. Dès lors, pour la coalition, il s’agira de limiter les dégâts. Le Pds risque de sortir de ses joutes, exsangue et pratiquement en lambeaux.  

D’autres figures politiques espèrent tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de Bougane Guèye Dany qui espère se positionner dans l’échiquier politique, avec des scores honorables pour sa coalition Geum Sa Bopp. Thierno Alassane Sall espère aussi faire de Thiès un tremplin vers un avenir politique radieux qui passera forcément par une assise populaire, un ancrage dans sa ville. Le président de la République des Valeurs (RV), à la tête de la coalition Rewum Ngor, veut mettre un terme à l’hégémonie de Rewmi dont les couleurs sont défendues par le ministre Yancoba Diattara.     

GASTON COLY

 

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